"Yoga" d'Emmanuel Carrère : une leçon de vie, la liberté a un prix<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Carrère yoga livre littérature
Emmanuel Carrère yoga livre littérature
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Emmanuel Carrère a publié "Yoga" aux éditions P.O.L.

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Yoga" d'Emmanuel Carrère 

P.O.L. - 397 pages - 22 €

RECOMMANDATION
Excellent


THEME
Les livres d’Emmanuel Carrère sont difficiles à résumer : comme souvent, au projet initial, en l’occurrence un « petit livre souriant et subtil » sur le yoga, se greffe en effet son histoire personnelle.

L’auteur nous raconte la dépression mélancolique qui l’a envoyé plusieurs mois à l’hôpital Saint-Anne, son séjour sur l’île de Lesbos pour s’occuper de jeunes migrants, une plongée en plein cœur des attentats de Charlie Hebdo, une liaison adultère qui va mettre fin à son couple ...

Au final c’est quatre ans de sa vie qu’Emmanuel Carrère nous fait partager.

POINTS FORTS
Emmanuel Carrère a un incroyable talent pour prendre son lecteur par la main et l’emporter dans le maelstrom d’une vie d’une extraordinaire complexité qu’il tente de maîtriser comme il le peut. Instable, narcissique, doté d’un ego tyrannique, l’auteur se débat avec sa dure condition d’humain et ne nous cache rien des affres dans lesquelles il se trouve plongé. Avec une impudeur qui pourrait passer pour du voyeurisme si elle n’était pas accompagnée par un talent rare dans le difficile exercice de mettre en scène son intimité, il puise dans sa propre expérience les éléments d’un récit qu’il rend universel.

Le récit s’ouvre sur sa retraite dans un centre de méditation où il s’est engagé à passer dix jours. Emmanuel Carrère pratique le yoga depuis 30 ans. Il  décrit sa pratique avec la foi pleine de questionnement avec laquelle il avait abordé la religion catholique dans un de ses livres précédents, Mon royaume. Le yoga devient la porte d’entrée de son petit monde interne, qui va être complètement déréglé par l’irruption d’éléments extérieurs qu’on ne dévoilera pas mais qui vont mettre en péril jusqu’à sa raison et son existence.

Commencé comme une recherche avec son stage de yoga, le livre se clôt sur « un petit espace de joie ». Entre temps, l’auteur aura traversé une suite d’épreuves, vaincues dans la douleur, et sans jamais renoncer.

POINTS FAIBLES
Habitué à se raconter sans restriction, Emmanuel Carrère mettait également en scène les autres avec la même liberté, avant de se rendre compte dans Un roman russe qu’il n’avait pas le droit de les exposer avec la même légèreté.

Son ex-épouse, Hélène Devynck, dont il a depuis divorcé, et avec laquelle il était convenu ne de  plus l’utiliser comme un personnage de ses romans, l’a accusé dans un récent article d’avoir contrevenu à cet accord et, pire, d’avoir menti dans son livre en prétendant avoir passé deux mois sur l’île de Lesbos alors qu’il n’y aurait passé de quelques jours, en sa compagnie.

L’écrivain lui a répondu dans Libération le 3 octobre en objectant qu’elle n’était pas le sujet du roman, qu’il a parlé d’elle « a minima, sans aucune indiscrétion et toujours en parlant d’elle avec respect et gratitude ». Mais l’affaire ne semble pas en rester là …

EN DEUX MOTS
Plongée vertigineuse dans l’esprit d’un artiste au cerveau sans cesse en ébullition et confronté à ses démons intérieurs : Yoga se lit comme un témoignage bouleversant sur un homme qui se débat, en quête perpétuelle d’apaisement, pour devenir un homme meilleur. Il aura traversé moult épreuves, croisé des destins tragiques ou heureux et, comme Ulysse retrouvant Ithaque, aura retrouvé le sens de sa vie. Bien que l’on sache qu’Emmanuel Carrère ne sera jamais à l’abri de nouvelles rechutes, tant il cherche la liberté avec une féroce obstination.

UN EXTRAIT
« Pour m’encourager, je me répète que si je m’accroche à ce récit ce seront une ou deux heures gagnées sur l’empire des vritti. Une forme de méditation, un combat aussi héroïque que celui de la chèvre de Monsieur Seguin. Je me suis souvent identifié à cette chèvre audacieuse et infortunée qui a voulu voir à quoi ça ressemble dehors, au-delà, et qui a couru dans les forêts, dans les collines, ivre de liberté et de dédain pour ses peureuses compagnes demeurées dans l’enclos. Elle l’a payé cher, comme vous le savez sans doute ».

L'AUTEUR
Qu’ajouter sur Emmanuel Carrère, qui fait partie de ces aventuriers de l’écriture dont la vie réelle et fantasmée nous est connue aussi bien par les gazettes que par une œuvre dans laquelle il se raconte abondamment ?

Peut-être vous inviter à lire – ou relire – ses précédents récits : le Royaume (2014), Limonov (2011), D’autres vies que la mienne (2009), Un roman russe (2007) ou L’adversaire (2000).

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