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"Shanghaïneken" et "Abou Dhabinch" c'est vraiment raciste !
©Jean-Pierre MULLER / AFP

Le retour de l'ordre moral

Ainsi en a jugé l'ESSEC. Une grande école qui veille à la bonne tenue de la balance commerciale de la France.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Chaque année, les étudiants de cette école organisent une "Nuit de l'ESSEC". Celle-ci aura lieu le 24 janvier 2020 sur le campus de ce prestigieux établissement à Cergy-Pontoise. On devait initialement s'y amuser. On s'y amusera beaucoup moins.

Les étudiants avaient organisé, avec humour, des stands et des bars selon leur imagination. En toute liberté ? Pas tout à fait car la direction de l'ESSEC a aussitôt décelé la faute. Un des bars, "Shanghaïneken", proposait ainsi de "prendre les baguettes et son bol de riz en direction de "la république picoleuse de Chine pour venir se débrider après une dure journée de travail". Un autre, "Abou Dhabinch" invitait, lui, les étudiants à se faire servir "par leurs 40 serviteurs" pour se "mettre une (jas)mine" et "admirer la murge khalifa en fumant la chicha". La direction de l'ESSEC y a vu du racisme "contraire à nos valeurs". Les deux bars "racistes" ont été interdits.

L'ESSEC, rappelons-le, est une business school dont les valeurs sont avant tout – mais elle ne le dit pas - commerciales et financières. Elle craint peut-être que les Chinois boycottent nos produits du terroir ou que le sympathique émirat d'Abou Dhabi cesse de nous vendre du pétrole. La prestigieuse veille aux intérêts de la France. Qu'elle en soit remerciée. L'humour potache, donc celui des étudiants de l'ESSEC, est une vieillie et solide tradition française. Un de ses sommets : le Père Ubu d'Alfred Jarry. De ce temps-là on pouvait rire. Maintenant on ne doit plus.

Je vais faire quelques essais sans avoir, hélas, le talent des étudiants de cette belle école. Imaginons un bar exotique intitulé "kippacabana" qui servirait des sandwichs cacher aux Juifs pratiquants. Il serait jugé antisémite. Un bar nommé "Blanche Neige" avec des étudiants grimés en Noirs et où on pourrait déguster un potage au manioc. Il serait décrété "négrophobe".

Et que dirait-on d'un stand où la bière coulerait à flots et qui s'appellerait "Merkelstube". Il serait stigmatisé pour germanophobie. Un bar baptisé "Camarade vodka" où des étudiants déguisés en moujiks avec des masques de Poutine se bourreraient la gueule en chantant Les bateliers de la Volga ? Il serait taxé de russophobie.

Et enfin, le pire, le plus abominable. Un stand tenu par des jeunes filles enfoulardées et répondant au nom évocateur de "A voile et à vapeur". Là ce serait double pleine : islamophobe et homophobe. Nous nous refusons à imaginer dans ce cas particulièrement délicat ce que seraient les sanctions de l'ESSEC. Il fut un temps où régnait en France l'ordre moral. Avec ses pères-la-pudeur, ses ligues de vertu et ses grenouilles de bénitier. Il est revenu en 2019 en s'installant en maître à l'ESSEC. Et, hélas, pas seulement là…

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