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"Secouage, c’est quand tu prends le bébé et pis tu le secoues et pis après il meurt", "C’est mon copain qui l’a tué"... et autres petites phrases entendues aux urgences
©Reuters

Bonnes feuilles

Jeune médecin-urgentiste, Mathieu Doukhan livre un témoignage sans concession sur sa vie quotidienne aux urgences. Joies, peines, amertumes, miracles... Un univers où les situations ubuesques sont le pain quotidien, où les méandres du système peuvent surprendre, mais surtout, avant tout, un monde plein d’humanité. Extrait de "Papa ! Pourquoi tu dors encore à l'hôpital ?" de Mathieu Doukhan, aux éditions de l'Opportun 1/2

Mathieu Doukhan

Mathieu Doukhan

Mathieu Doukhan a 34 ans et habite Lille. Il exerce depuis plus de cinq ans en tant que médecin urgentiste à Tourcoing, qui accueille l’un des plus gros services d’urgence de France.

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Tout secoué

"Je viens docteur parce que j’ai lu dans Internet que j’ai peut-être une phlébite, vu que je suis enceinte et que j’ai mal au mollet depuis quelques jours.

— Ouais, enfin là, vos mollets sont souples, vous êtes jeune le risque est faible. Je vois que vous avez déjà eu une grossesse, il y avait eu des problèmes ?

— Ben, en fait je l’ai perdu le bébé, et pis toute façon j’aime pas les hôpitaux j’y viens pas pour rien !

— Ah désolé".

Je m’apprête à la faire sortir. Je n’y crois pas, je n’ai pas envie de me faire suer pour une jeune fille qui me prend un peu de haut et qui m’est adressée par doctissimo.fr.

Mais une petite voix lancinante me dit que je fais une connerie que je devrais l’écouter, si elle n’aime pas les hôpitaux elle n’a rien à faire ici. Par chance, je travaille ce jour-là avec une consoeur qui tâte de l’échographe et lui demande si elle peut regarder ses veines. Nous entrons dans la chambre, ma collègue débute son examen et tombe sur une volumineuse thrombose profonde.

Merci Ginette, c’est ma petite voix, et merci à ma consoeur qui vient de m’éviter la boulette. Tout en prescrivant les examens thérapeutiques le cas échéant, je lui demande de quoi est mort son enfant.

"J’veux pas en parler.

— Je comprends, mais j’ai besoin de savoir si c’était pendant la grossesse ?

— Non c’était juste après la naissance, il y a un peu moins d’un an.

— Ah, donc vous en avez refait un dans la foulée.

— Oui."

Piqué par la curiosité je persiste :

"Mais que s’est-il passé ?

— Ben c’est que comme on dit, il a eu secouage quoi.

— Pardon ?

— Ben oui, secouage, c’est quand tu prends le bébé et pis tu le secoues et pis après il meurt. C’est mon copain qui l’a tué.

— Et là c’est le même père ?

— Ben oui pourquoi ?"

La patiente sera finalement transférée en grossesse pathologique à Lille. Je suis pris d’un violent doute en rentrant chez moi : et si ce gars était toujours libre ? Et si elle venait de m’avouer un crime passé inaperçu ?

Mais ma femme m’a rapidement rassuré : "C’est un bébé parloir, c’est assez fréquent, tu sais !"

Extrait de "Papa ! Pourquoi tu dors encore à l'hôpital ?" de Mathieu Doukhan, publié aux éditions de l'Opportun, avril 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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