"Sara" : lisez Stefan Agopian, vous ne le regretterez pas <!-- --> | Atlantico.fr
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"Sara", de Stefan Agopian, Actes Sud.
"Sara", de Stefan Agopian, Actes Sud.
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"Sara", de l'écrivain roumain Stefan Agopian, est un formidable roman historique, fantastique et ésotérique.

Thomas Boespflug pour Culture-Tops

Thomas Boespflug est chroniqueur pour le site Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 
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L'auteur

Stefan Agopian est né à Bucarest en 1947. Il est considéré comme l’un des plus éminents écrivains roumains contemporains. Il est l'auteur de huit romans. Sara, son premier livre traduit en français, est paru en Roumanie en 1987, après être tombé sous le coup de la censure communiste roumaine pendant deux années.

Thème

Dans les premières années du dix-huitième siècle, en Transylvanie, dans la ville de Sibiu, plusieurs peuples cohabitent tant bien que mal derrière des remparts par delà lesquels le climat politique est extrêmement agité. Dans cette communauté, le pressentiment que des événements dramatiques se préparent est omniprésent. Les trahisons, les meurtres et autres conflits dans un microcosme multi-ethnique – à l’image de l’empire des Habsbourg – dessinent le contexte historique du récit.

Tobie y rencontre l’ensorcelante Sara, une mystérieuse femme à la beauté redoutable. Une aventure stupéfiante se tisse alors sur fond de magie, d’hallucinations et de luttes intestines. On y rencontre l’ange Raphaël, un chat doué de la parole nommé Théopomp, un jeune garçon sachant voler, dans une Europe à la croisée des chemins, où les destins des hommes se mêlent à une spiritualité exaltée.

À mi-chemin entre l’interprétation libre d’un livre de l’Ancien Testament (le Livre de Tobie) et la peinture d’un univers historique vraisemblable sur fond d’alchimie, Stefan Agopian nous emmène dans un univers des plus troublant, aussi fantastique qu’ésotérique. On peut également voir comme l’un des principaux thèmes du roman, la critique, ou du moins le pessimisme de l’auteur face à une "Histoire cyclique", qui se répète toujours sans qu’il y ait jamais de réelles mutations.

Points forts

• Ce livre est une fabuleuse porte entrebâillée sur un des centres historiques de l’Europe : l’Europe centrale. Le lecteur peut entrevoir une communauté reflétant la mosaïque de peuples et de cultures cohabitant au sein du Saint-Empire romain germanique ou à ses marges (Germanophones calvinistes, Roumains orthodoxes, Hongrois catholiques etc) et les velléités guerrières de ces communautés. Par exemple, Stefan Agopian fait apparaître dans son récit des figures historiques, comme François Rackozi, figure nationale hongroise, menant une véritable guerre d’indépendance contre le pouvoir des Habsbourg, ou encore Constatin Brancovan, prince roumain de Valachie.

• La retranscription de l’ambiance d’une partie de l’Europe post-médiévale du milieu de la Renaissance – plus qu’elle ne rentre dans le siècle des Lumières, gagne le lecteur de façon brutale. L’exaltation littéraire d’Agopian, l’univers fantastique qu’il dessine rendent cette atmosphère encore plus contagieuse. La force de l’auteur est de transmettre, plus qu’une inquiétude, une véritable anxiété à son lecteur dans une sorte de huis clos surnaturel prenant place dans un univers historique extrêmement vraisemblable ; on penserait presque, par endroits, au réalisme magique de Garcia Marquez.

• À bien des égards ce roman fait penser à un tableau de la peinture flamande du seizième siècle. Les acteurs pourraient être des personnages de Brueghel, dans cette partie de l’Europe qui rentre à peine dans le dix-huitième siècle et qui n’évolue pas aussi rapidement que l’Europe de l’Ouest. La manière qu’a Stefan Agopian de décrire ses personnages est saisissante parfois, voire dérangeante. Il les montre toujours sous des traits de lumières étranges – vertes ou rouges – qui filtrent dans des intérieurs baroques et obscurs. On a parfois la sensation de voir le monde à travers un bocal au contenu étrange, comme dans un laboratoire d’alchimiste. Par la méticuleuse et lente description qu’en fait l’auteur, les visages de ses protagonistes – lorsqu’ils se nourrissent notamment – font penser aux faciès tors et inquiétants des tableaux de Jérôme Bosch. Souvent on a l’étrange impression que les corps ne se meuvent plus mais se contorsionnent, s’agitent comme s’ils étaient pris de convulsions ; on en serait presque mal à l’aise au moment de certaines descriptions.

• La remarquable traduction et la très éclairante préface de Laure Hinckel.

• L’écriture prolifique et riche, parfois truculente.

• Les quelques notes de bas de pages apportent un éclairage non négligeable au lecteur et facilitent rapidement la compréhension du contexte historique.

Points faibles

• On baigne ici dans une littérature presque expérimentale. Aussi, la narration non linéaire et le cadre temporel de l’histoire, savamment déstructuré, pourrait peut-être dérouter certains lecteurs.

En deux mots...

Un roman inclassable, troublant et envoûtant.

Une phrase “ La ville était gelée et déserte et, du haut d’une tour, une horloge aveugle les regardait, de l’air d’être leur camarade, et elle regardait aussi le monde et semblait en savoir autant qu’ils en savaient eux aussi, c’est-à-dire pas grand chose.” (p. 284).

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Un roman inclassable, troublant et envoûtant.

Informations

"Sara", de Stefan Agopian, Actes Sud.

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