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"Quand les Européens découvraient l’Afrique intérieure" : De sacrés "bonshommes"
©REUTERS/Christian Hartmann

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Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc pour Culture-Tops

Paul Beuzebosc est chroniqueur pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE
Quand les Européens découvraient l’Afrique intérieure
Un continent s’ouvre à l’aventure
D'Olivier Grenouilleau
Editions Tallandier   LU 
RECOMMANDATION : EXCELLENT 
THEME
Remontant à la source de ses sujets de prédilection : les traites négrières, les esclavages et leurs abolitions, Olivier Grenouilleau accompagne ici sept voyageurs « historiques », parmi lesquels le célèbre Mungo Park et René Caillié, au cœur de l’Afrique occidentale entre 1795 et 1830. 
Avec l’essor de l’abolitionnisme et la prohibition de l’esclavage, ces aventuriers, cinq britanniques et deux français, veulent regarder différemment, « à hauteur d’homme », l’Afrique jusqu’ici connue et exploitée à partir de ses seules côtes. 
Ces découvreurs en quête de géographie, de rencontres, de potentiel vont expérimenter des difficultés bien au-delà de leurs espérances et de leurs déceptions en « donnant tout », y compris leur vie pour certains, à une aventure qui se poursuivra, sous d’autres formes, pendant plusieurs décennies.
POINTS FORTS
Basée sur les écrits de ces « missionnaires » d’exception animés par la foi chrétienne et l’énergie du désintéressement, l’idée de s’enfoncer dans le continent noir pour en faire la connaissance a été une étape majeure dans la prise de conscience du potentiel africain et la lutte contre les préjugés. L’époque précoloniale est charnière: la traite négrière atlantique entre l’Afrique subsaharienne et les plantations d’Amérique s’essouffle et les abolitionnistes militent pour un « commerce honorable » idéal. 
Cette exploration est le fait de pionniers, d’initiatives individuelles peu soutenues, de caractères dont les a priori, les mentalités, les regards, les attentes, les parcours et les destins différent. 
Tous, pourtant, éprouveront la misère de l’homme blanc, à la fois fragile et persuadé de sa puissance, face à l’ampleur de sa noble mission : prendre la mesure d’une réalité géographique, ethnographique, climatique, culturelle, etc immense, hostile, semée d’embûches, de conflits, d’intérêts contradictoires. 
A l’épreuve de la patience, de l’usure, de la maladie, ceux qui reviendront lègueront à la fois l’héritage inégal et partiel de leurs expériences et l’impression d’un écartèlement entre leurs ambitions et leurs convictions du départ et leurs découvertes limitées sur le terrain.
POINTS FAIBLES
Ils ne touchent qu’aux limites de l’exercice : pour illustrer les paradoxes de cette quête « venue de si loin pour apparemment si peu », l’auteur fait un appel régulier aux textes de ses voyageurs, devenus des héros, et met en évidence, en faisant une synthèse réussie de sept représentations différentes, ce qui rapproche et différencie ces regards singuliers sur un « monde inversé ». 
Il ne cache rien, malgré l’effort de méthode, des limites inexorables, des contradictions entre les « choses vues », de la césure entre le rêve initial et la réalité observée. 
Il souligne la pesanteur des traditions animistes et des chefs locaux, la conquête intolérante du jihad des Maures, les guerres incessantes, le rôle primordial des trois esclavages - interne, intra africain et transatlantique - et l’immensité du fossé pour atteindre le progrès entrevu par des européens ignorants de l’Afrique réelle. 
Cette étape, loin de provoquer l’essor économique africain espéré, décryptera et accentuera paradoxalement la dimension culturelle de la colonisation de l’Afrique qui suivra, à la fin du XIXème siècle.
EN DEUX MOTS
Pour ceux qui aiment les Afriques, cet ouvrage de « découverte » remet cette période en perspective de l’histoire d’un continent qui reste magique, mystérieux, inachevé. 
Cette période d’ouverture retrouve une forme d’actualité à l’heure où les discours les plus opposés ébauchent l’avenir d’un continent dont la population va prendre de plus en plus de poids dans un monde qui attend l’Afrique sans bien la connaître.
UN EXTRAIT
Ou plutôt trois:
- "Le voyageur n’est-il pas toujours le prisonnier de réalités qu’il ne peut décrire qu’à travers un appareillage mental qui est forcément le sien ?"
- « Le bonheur suit les pas des blancs » (Roi de Wowou).
- « Les nègres, à qui le temps ne coûte rien, ne sont jamais pressés d’arriver » (René Caillié).
L'AUTEUR
Nantais d’origine, né en 1962, Olivier Grenouilleau, est professeur d’histoire depuis 1999 à l’université de Bretagne-Sud et depuis 2007 à Sciences-Po Paris. 
Membre de l’académie Europaea, il a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire du capitalisme, des traites négrières, des esclavages et de leurs abolitions. 
Il a été récompensé par deux prix de l’Académie française. 
Ce livre, est son 21ème ouvrage.

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