"Pause fiscale" ? Sauf que… sauf si… sauf maintenant … et sauf plus tard ! <!-- --> | Atlantico.fr
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Le mot "Pause" n’a jamais voulu dire "arrêt définitif" ni même "durable".
Le mot "Pause" n’a jamais voulu dire "arrêt définitif" ni même "durable".
©Forrst.com

Jouer sur les mots

Alors que le projet de loi de finances du gouvernement sera présenté ce mercredi, les parlementaires UMP réunis mardi 24 septembre ont estimé tenir avec la pause fiscale le "talon d'Achille du gouvernement". Et pour cause...

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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La victoire de la chancelière allemande est aussi, avec des prélèvements obligatoires inférieurs de 100 milliards d’euros à ceux de la France, celle de la modération fiscale. Une modération que notre pays ne semble pas près de connaitre à en juger par les déclarations confuses et contradictoires de l’exécutif sur la fameuse "pause fiscale" et surtout l’absence de tout élément tangible allant dans ce sens. Comment s’étonner que 70% des Français n’y croient pas ?

"Concours de sémantique"

Même les médias les plus favorables au gouvernement ont trouvé que la mesure était comble et ont dénoncé de nouveaux "couacs au sommet". Et c’est de bonne guerre si l’opposition – lorsqu’elle retrouvait un peu d’oxygène entre deux sorties de François Fillon ! – s’est engouffrée dans la brèche. Avec une mention particulière pour le brio de NKM qui, avec un humour cruel, a raillé le "concours de sémantique" du gouvernement. De fait, non seulement la date de ladite "pause" a varié : 2014 (pour François Hollande) ? 2015 (pour Jean-Marc Ayrault) ? Mais encore, pour rendre compatibles les déclarations des deux têtes de l’exécutif, le mot même de "pause" a été torturé  jusqu’à perdre son sens littéral : on a ainsi appris de la bouche de Najat Vallaud-Belkacem, que la pause était devenue un "processus" : "Concrètement, nous commençons bel et bien dès l’année 2014 la pause fiscale qui se confirmera en 2015".

Étrange mutation sémantique qui a ainsi transformé une suspension instantanée en une évolution étalée sur deux exercices budgétaires… Nous serions assurément surpris, lorsqu’appuyant sur la touche pause de notre appareil vidéo, nous nous verrions répondre que "le processus est enclenché et prendra effet dans deux heures : pendant ce temps là la diffusion de la vidéo se poursuit". En général, une pause est ce qui interrompt un processus et non un processus qui prolonge une séquence, même au ralenti…Ou bien les mots n’ont tout simplement plus de sens.

Où est-passé notre bon sens cartésien ?

Dans la cacophonie gouvernementale il faut donc rendre hommage à Jean-Marc Ayrault qui, avec des mots simples et adéquats, a dit les choses telles qu’elles sont –ou devraient être : "ralentissement en 2014", pause "effective en 2015". Une fois de plus le Premier ministre, comme sur d’autres dossiers (Florange, le "cas Batho",  la compétitivité des entreprises) se signale par son bon sens, "la chose du monde la moins partagée", n’en déplaise à notre cartésianisme légendaire, dans notre classe politique droite et gauche confondues.

Et où sont passés les fact checkers ?

Il reste que si ralentissement global il y aura (du moins au niveau des intentions), plus rares ont été les commentateurs des grands médias audiovisuels, où, pourtant, prospèrent les "fact checkers", à remarquer que pour les ménages non seulement il n’y avait nulle pause, ni même ralentissement mais bien plutôt aggravation de la pression fiscale : 12,5 milliards en 2014 contre 10 milliards en 2013. Car à la "pause sauf" chère au président de la République, "sauf" augmentation de la TVA  et "sauf" rabot du quotient familial,  il faut rajouter quelques autres petits "sauf" à quelques centaines de millions d’euros l’unité,  telles que les réductions de nombreuses niches fiscales et la hausse des cotisations retraite…

Et "sauf que" ladite pause s’annonce, dans la meilleure hypothèse, des plus éphémères : l’annonce d’un alourdissement des taxes en faveur de l’écologie est d’ores et déjà annoncé pour 2016…

De toutes façons l’ensemble du scénario est soumis à un redoutable "sauf si" : la situation budgétaire pourrait bien ne pas permettre de pause, ce que tous les indicateurs (déficit, taux d’intérêt, rentrées fiscales, croissance) semblent bel et bien annoncer.

De la "pause" fiscale à "l’inflexion" du chômage 

Mais il est vrai cette fois que la sémantique est respectée : "pause" n’a jamais voulu dire "arrêt définitif" ni même "durable" : tout comme "inflexion" (de la courbe du chômage) n’a jamais signifié "recul fort et prolongé".

Gageons que très vite –dès la connaissance cette semaine des chiffres du chômage pour le mois d’août qui, providence des vacances, sont toujours plus favorables que les autres mois- le prochain grand "concours sémantique" va se dérouler à ce sujet.

*Cet article a précédemment été publié sur le blog Trop libre

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