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"Ma grande" de Claire Castillon : le haut du pavé
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Claire Castillon ne fait pas dans la nuance. Dans son dernier livre, histoire des jours et des nuits d'un homme qui pendant quinze ans a tout subi de sa femme, ça cingle et ça cogne. Un très, très bon roman.

Serge Bressan pour Culture-Tops

Serge Bressan est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE
"Ma grande" 
de Claire Castillon
Ed. Gallimard
162 pages
15 €.
RECOMMANDATION
           EN PRIORITE
THEME
Sa femme, il l’a tuée. Noyée dans la baignoire. Il n’en pouvait plus de cette violence au quotidien, non pas une violence physique mais une violence psychologique. Harcèlement dans le couple. La femme qui impose ses règles, sa loi entre les quatre murs du domicile conjugal et même à l’extérieur. 
Elle, c’était « Ma grande », comme il la nommait durant ces moments doux, ces nuits d’amour… Ils se sont rencontrés à la piscine, elle l’a invité chez elle, ils se sont mariés à Las Vegas sans dire un mot aux familles, ils se sont aimés (pas très longtemps), ils ont eu un enfant, une fille… 
Le mariage a duré quinze ans, elle ne voulait pas recevoir les amis chez elle, et quand ça arrivait (tellement rarement), elle savait se montrer mesquine, jalouse, méchante… 
Lui, il écrit, sans succès ; elle le rabaisse sans cesse. On lit ses mots à lui : « Écrire, je le fais juste quand je le fais, parce que je m’entends parler, vraiment, et que personne m’interrompt pour me dire que je suis con. Avec toi, je pouvais plus. Tu m’avais coupé la plume aussi ? Je voulais partir dans mon voyage mais t’étais tout le temps au péage à me dire Contrôle, stop, tes papiers. Tu me fouillais. Je me retrouvais à poil. Je pouvais plus aligner deux mots quand tu te mettais à gueuler trop. Je perdais les verbes comme faire, penser. Être, je l’ai perdu pendant des années. Un jour, j’ai écrit un poème en noms communs. J’avais plus rien. Le seul verbe qui venait c’était : Meurt ».
POINTS FORTS
-Une fois encore, Claire Castillon frappe fort. Depuis une petite vingtaine d’années, elle s’est fait une spécialité, une marque de fabrique : pointer les familles brisées, les violences ordinaires… Une spécialité qu’elle perpétue dans « Ma grande ».
-Une écriture vive et saccadée, précise comme un uppercut à la pointe du menton.
-Dès le début du roman, Claire Castillon prend le lecteur. Et ne lâchera plus avec ce drame entre quatre murs qui rappelle deux grands films : « Le Chat » de Pierre Granier-Deferre avec Jean Gabin et Simone Signoret, et « Antichrist » de Lars von Trier avec Charlotte Gainsbourg et Willem Dafoe.
-L’évocation du quotidien ordinaire : rencontre, mariage, acquisition d’un pavillon, enfant(s)…
POINTS FAIBLES
Certains trouveront encore et encore que Claire Castillon en fait trop. A tort, à mon avis, puisque l’écrivaine creuse inexorablement une veine où la nature humaine n’est pas nécessairement belle.
EN DEUX MOTS
Qu’elle s’exprime en nouvelles ou en roman, Claire Castillon brille toujours par un art très personnel de ne jamais faire dans le détail ni la nuance. Ainsi, dans « Ma grande », cette histoire des jours et des nuits d’un homme qui, pendant quinze ans, a subi, ça cingle  et  ça cogne. Personnellement, je trouve cela très, très bon.
UN EXTRAIT
Ou plutôt deux:
- « La vérité, c’est : je t’ai tuée et c’est tout. J’ai sans doute pas raison. Je regrette rien, et c’est mal ».
- « Il te fallait un tatoué ma grande qui t’aurait claqué la gueule rien que pour un regard en biais. Il t’aurait matée comme jamais. Sans ceinture. Avec la pupille ».
L'AUTEUR
Claire Castillon est née le 25 mai 1975 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Après avoir obtenu un DEUG de lettres, elle apparait dans le monde de la littérature en 2000 avec un premier roman, « Le Grenier ». On la voit, un temps (en 2004- 2005), à la télévision : elle y présente une émission « ludique et informative » sur l’actualité du sexe. Pourtant, c’est bien avec ses livres (elle confie être aussi à l’aise dans l’écriture du roman que de nouvelles) qu’elle s'impose. Elle impose un style qui devient vite une référence avec son écriture au scalpel et son art d’ausculter les violences conjugales, la méchanceté ordinaire ou encore les bassesses humaines. 
Elle est l’auteure de recueils de nouvelles (« Insecte »- 2006, « Rebelles, un peu »- 2017,…), d’une pièce de théâtre (« La poupée qui tousse »- 2003), de livres pour les enfants et la jeunesse (entre autres, « Un maillot de bain une pièce avec des pastèques et des ananas »- 2014, « Y a-t-il quelqu'un dans Casimir ? »- 2016, « Proxima du Centaure »- 2018) et de romans parmi lesquels « Pourquoi tu m'aimes pas ? » (2003), « Les Cris » (2010), « Eux » (2014) et donc ce tout récent « Ma grande ».

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