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"Le système Soral, enquête sur un facho business" : une paranoïa poussée aux extrêmes
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Bonnes feuilles

Grâce aux témoignages d’amis de longues dates ou d’anciens compagnons de route qui se confient pour la première fois, on découvre que celui qui prétend être un penseur "dissident" est surtout un boutiquier avide de gloire qui fait commerce de sa haine. Dans le système Soral, marketing, business et droite radicale constituent un cocktail explosif. Extrait de "Le Système Soral", de Robin D'Angelo et Mathieu Molard, publié chez Calmann-Levy (2/2).

Mathieu  Molard

Mathieu Molard

Mathieu Molard est journaliste pour le site d'information StreetPress.

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Robin D'Angelo

Robin D'Angelo

Robin d'Angelo est journaliste pour le site d'information StreetPress.

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Alain Soral parano

Son narcissisme à toute épreuve et sa popularité grandissante ne l’ont pas empêché de s’inquiéter de notre enquête. Ce dimanche 26 avril 2015 à Marseille, lors d’une de ses conférences, il ne se doute pas de notre présence dans le public quand il commence à nous attaquer. Devant 300 personnes, il se lance dans une imprécation à propos de StreetPress. Le site pour lequel nous travaillons serait, selon lui, le bras armé du « lobby ».

>>>>>>>> A lire également : "Le système Soral, enquête sur un facho business" : l’extrême-droite YouTube, professionnelle des mises en scène

Son équipe avait déjà publié l’avant-veille, sous la plume d’un « spécialiste », un article sur les origines juives de notre employeur. Il y était notamment indiqué que « StreetPress semble missionné pour s’attaquer principalement aux patriotes (1) ». Julien Limes lui-même, le lieutenant d’Alain Soral, avait également tenté de nous piéger, en diffusant l’enregistrement caviardé d’une de nos discussions (2) où il nous interrogeait sur nos liens avec les Rothschild ou le Crif. Un extrait sonore remonté afin de dissimuler la grande fébrilité du jeune homme qui finira par nous raccrocher au nez, la voix tremblotante.

Cette inquiétude, le journaliste Thierry Vincent en sera le témoin. Envoyé par France 2 pour préparer un sujet sur l’antisémitisme, il rencontre Soral dans son appartement parisien. Selon lui, son interlocuteur revient sans cesse sur StreetPress, qui serait financé par le multimilliardaire juif américain George Soros et en campagne contre lui. Une autre fois, lors d’un procès à Paris, il interpelle le reporter « dissident » Jonathan Moadab, qu’il confond avec l’un des deux auteurs de ce livre. « C’est toi, Robin d’Angelo ? C’est toi qui poses des questions à tout le monde ? »

Des témoins à protéger

Si Soral est si nerveux, c’est peut-être parce que nous étions en train de déconstruire la légende sur laquelle repose une grande partie de son pouvoir d’attraction. Nous avons réussi à interroger un grand nombre de témoins, dont beaucoup ont accepté de nous parler à visage découvert. Certains pour la première fois, comme Laurent Giraud, l’ami qui l’initia à la drague de rue à la fin des années 80, ou Éric Deroo, le copain avec lequel il tenta de percer dans l’art contemporain. Sans compter Marc George, qui l’aida à bâtir son association, Égalité & Réconciliation, avant de s’en faire éjecter, après trois ans de bons et loyaux services. Au Front national, Jean-Marie Le Pen et l’ancien numéro 2 du parti, Bruno Gollnisch, n’ont rien caché de leur sympathie pour Alain Soral et ont éclairé ses véritables relations avec le FN.

Pour tous ces témoignages, nous avons réalisé une centaine d’entretiens. Mais si les « dissidents » se méfient généralement des médias, la parole est encore plus rare quand il s’agit de Soral. Car l’homme et ses fidèles font peur, souvent à juste titre. C’est ainsi qu’à un de ses anciens soutiens qui avait lancé une campagne de vidéos sur internet pour le dénigrer, il a répondu par un coup de poignard après avoir appris que ce dernier venait de perdre son enfant de 3 ans. Voici son mail : « Tu vois, gros, je n’ai même pas besoin de te punir, Dieu lui-même s’en charge. Et ce n’est pas fini (3). »

C’est pourquoi bien des témoignages ont été reproduits ici sous couvert d’anonymat. Charlie, par exemple, a bien voulu raconter son passage à Jour de colère, mais seulement à cette condition. Tout comme Rémy (4), un ancien du premier cercle, qui l’a côtoyé presque chaque semaine pendant de longues années. Il y a aussi ce compagnon de route, déçu par la « dérive business » de son mouvement Égalité & Réconciliation. Ainsi que toute une ribambelle de militants de base, parfois simples adhérents ou rédacteurs épisodiques de son site web, avides de témoigner, mais toujours sans que leur nom soit précisé. Des témoignages que cependant nous avons toujours pris soin de recouper.

L’entretien qui n’aura jamais lieu

Bien sûr, tout au long de cette enquête, il nous a semblé indispensable de rencontrer Alain Soral pour lui donner la possibilité de s’exprimer sur les questions soulevées par notre travail. Contacté par e-mail, il a d’abord accepté à la condition suivante : « N’ayant aucune confiance en vous, ni en ce que vous représentez, mon principe est de donner rendez-vous à mes bureaux, afin de filmer avec mon équipe toute l’interview. C’est à prendre ou à laisser (5). »

Nous avons consenti à toutes ses conditions, tout en lui faisant part des nôtres : que son enregistrement ne soit pas diffusé et que nous filmions également l’interview. Première réponse de l’intéressé : « OK. Reste à préciser la date et l’heure. » Rapidement suivie de : « Mes propos ont vocation à être diffusés dans un livre, mais pas les vôtres ? Vous redoutez quelque chose (6) ? » Prélude à sa disparition complète, malgré nos multiples relances, jusqu’à notre deadline rédactionnelle.

Il est vrai que nous avons l’habitude des revirements et des rodomontades d’Alain Soral. Depuis la naissance de StreetPress, il n’a jamais accepté de nous rencontrer. En décembre 2013, il avait demandé à pouvoir nous « enculer » en préalable à toute interview…

1. http://www.egaliteetreconciliation.fr/Qu-est- ce- que- StreetPress- le- web- magazine- de- Jonathan- Myara- 32493. html.

2. Enregistrement en possession des auteurs.

3. Mail mis en ligne par son destinataire sur les réseaux sociaux.

4. Le prénom a été modifié.

5. Échange de mails daté du 3 juin 2015.

6. Échange de mails daté du 9 juin 2015.

Extrait de "Le Système Soral - enquête sur un facho business", de Robin D'Angelo et Mathieu Molard, journalistes chez Streetpress, publié chez Calmann-Levy, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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