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"Là où se croisent quatre chemins" : une fresque familiale en huit clos, rugueuse, intimiste et prenante
©Reuters

Atlanti-culture

Construit autour de quatre personnages dans un village perdu du nord de la Finlande, "Là où se croisent quatre chemins" est un livre fort qui peut difficilement laisser indifférent. Un bel exemple de la puissance d'évocation de la littérature nordique.

Marie Ruffin pour Culture-Tops

Marie Ruffin pour Culture-Tops

Marie Ruffin est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE
LA OU SE CROISENT QUATRE CHEMINS
de Tommi KINNUNEN
Ed. ALBIN MICHEL
350 pages
L'AUTEUR
Tommi Kinnunen est né en 1973. Originaire du Nord de la Finlande, il est professeur de littérature et de finnois. "Là où se croisent quatre chemins" est son premier roman, couronné meilleur livre en 2014 par le Finnish Grand Journalism Prize.
THEME
Dans un village perdu au nord de la Finlande, le destin d'une famille se noue sur quatre générations. Maria, sage-femme et mère indépendante, élève seule sa fille. Dans l'ombre de sa mère, Lahja tente de s'affirmer comme photographe et rêve de fonder une famille avec Onni, homme de coeur mais personnage sombre qui cache un lourd secret. Puis Kaarina, leur belle-fille va s'installer dans la maison familiale et faire tomber petit à petit les murs de silence et de non-dits.
 POINTS FORTS
1 Quatre personnages, quatre regards croisés sur la vie, sur les différents événements et petits  détails du quotidien qui égrènent la vie de cette famille dans la Finlande du XXème siècle : 
   - Maria est le pilier fondateur qui force le respect de tous mais a éloigné les hommes de sa vie. 
   -  Lahja, sa fille, a du mal à trouver sa place à l'ombre de sa mère, sous le poids des convenances d'une petite société conformiste; puis auprès d'Onni dont elle espère tant, bon père bâtisseur et protecteur pour sa famille mais mari taiseux, absent et torturé par son ambivalence. Elle va devenir transparente et aigrie. 
  - Leur belle-fille, Kaarina, discrète, intelligente, va d'abord subir puis résister et enfin réussir à apprivoiser la colère intérieure de sa belle-mère qui finira par lâcher prise dans la maladie : le chapitre où Kaarina fait la toilette de sa belle-mère est bouleversant.
2 Des chapitres courts, un ton distancié, des mots simples et forts, très évocateurs dans les moindres petits détails du quotidien qui scandent l'univers chaotique de cette famille, impriment une force rude, âpre, pudique et attachante . Chacun lutte plus ou moins bien au quotidien avec ses forces et ses fêlures; les enfants de Lahja et Onni, très proches de leur père mais repoussés par leur mère, se soutiennent et la relation complice entre Johannes et Helena, sa soeur aveugle, est particulièrement touchante.
POINTS FAIBLES
- La construction du récit, par petites séquences elliptiques de vie quotidienne séparées par plusieurs années, peut déranger car il n'est pas facile de suivre de façon continue  l'évolution des personnages.
- Il faut aimer se plonger dans un univers de secrets et dans l'observation de caractères souvent sombres.
EN DEUX MOTS
Ce très beau livre est une fresque familiale intimiste, très prenante, qu'on ne lâche pas; parfois pesante, souvent émouvante, un huis clos rugueux dans un climat rude avec quelques moments de chaleur de vie et d'affection fugaces et touchantes, où les sentiments de chacun dans sa singularité sont à fleur de peau mais le plus souvent tus et verrouillés. 
Un livre fort, un univers qui happe et ne laisse pas indemne. On y retrouve toute la puissance d'évocation de la littérature nordique.
UN EXTRAIT
Qui seront trois:  
- "Maria est bien contente de ne pas s’être attaché un mari, même si elle a voulu son enfant, bien sûr. L’idée que quelqu’un la commande la faisait frémir. Qu’un gras du bide lui grimpe dessus quand il en aurait envie, et le reste du temps lui dise quoi faire et comment".
- "Certes, elle n'a jamais pu compter sur sa belle-mère pour lui donner un coup de main en cuisine ou pour s'occuper des enfants, mais elle est des leurs.... Ils forment une famille, en dépit de tout."
- "La belle-mère commence à se calmer. Ses pleurs refluent et ses sanglots se tarissent. Elle renifle. Les morts sur les murs contemplent les deux femmes sans ciller. Au bout d'un long moment elle redresse la tête et regarde Kaarina dans les yeux. Sa main se lève lentement et touche la joue de Kaarina, comme si elle écartait légèrement une mèche de cheveux ou chassait une mouche en été. A la commissure de ses lèvres quelque chose monte, comme un sourire peut-être."
RECOMMANDATION : EXCELLENT

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