"L’Enfant rêvé" de Raphaël Jacoulot : un trio d’acteurs habités pour un film tragique et romanesque sur un sujet peu abordé au cinéma, la quête de la paternité<!-- --> | Atlantico.fr
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L'enfant rêvé cinéma Raphaël Jacoulot Louise Bourgoin Jalil Lespert
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"L'Enfant rêvé" de Raphaël Jacoulot est à découvrir dans les salles de cinéma dès ce mercredi 7 octobre.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"L’Enfant rêvé" de Raphaël Jacoulot

Avec Jalil Lespert, Louise Bourgoin, Mélanie Doutey…

RECOMMANDATION 
Excellent

THEME
Depuis qu’il est enfant, François (Jalil Lespert) vit dans, pour et grâce à la forêt jurassienne. Il y est né, y a grandi et y habite encore, sa maison jouxtant la scierie familiale dont son père lui a confié les rênes. Scieur n’est pas un métier facile. Il exige de la poigne, des connaissances techniques, du courage et un sens solide de la gestion. Mais François est assez costaud pour supporter tout cela. Ce qui le ronge, c’est qu’il n’arrive pas à avoir un enfant avec la femme qu’il aime, son épouse, Noémie (Mélanie Doutey). Découragée, cette dernière se déclare prête à adopter, mais François ne s’y résout pas. Ce qu’il veut, c’est un enfant qui soit vraiment de lui. Son  désir de paternité vire à l’obsession. Un jour une famille emménage non loin de chez lui. C’est irrépressible : il tombe fou amoureux de la mère, Patricia, une femme douce et sensuelle (Louise Bourgoin). C’est réciproque. Ils ont une liaison passionnelle. Quelque temps après, Patricia annonce à François qu’elle est enceinte, de lui. Le drame se met en marche…

POINTS FORTS
L’originalité du sujet. Si la quête de la maternité  a inspiré  une quantité de films, celle de la  paternité a été rarement abordée sur le grand écran. Raphaël Jacoulot le traite ici avec tact, sensibilité et intelligence. Il montre sans s’appesantir les vacillements intérieurs d’un homme, qu’on croit indestructible et qui, pourtant est laminé par l’idée de la transmission jusqu’à commettre l’irréparable. Cet homme pris en étau entre son devoir et ses désirs fait penser au chêne de la fable: il ne plie pas, mais finit par rompre.

Le scénario est construit, son écriture précise, sa mise en scène, rigoureuse, son décor, la forêt jurassienne -à la fois sombre, étouffante et génératrice de rêves- idéal.

Les acteurs sont tous plus que convaincants. A la fois viscéral, fragile, tourmenté et taiseux, Jalil Lespert livre une composition impressionnante. Mélanie Doutey (qu’on ne voit pas assez sur le grand écran) est aussi précise dans sa façon de jouer qu’émouvante dans les émotions qu’elle dégage. Quant à Louise Bourgoin (qui était véritablement enceinte au moment du tournage), elle fait montre d’une palette de jeu aux nuances infinies.

POINTS FAIBLES 
Le dénouement. Il est à la fois expéditif et peu crédible.

EN DEUX MOTS
Depuis son premier long métrage (Barrage, en 2006), Raphaël Jacoulot ne cesse de scruter les tourments de l’âme humaine au travers de films qui sont à classer dans la catégorie des thrillers.

Avec l’Enfant rêvé, qui explore, les déchirements de la quête de la paternité, il ne change pas de cap.  « Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez » conseillait Nicolas Boileau. Le cinéaste du XXI° siècle a fait sien le conseil du poète du XVII°.  Sauf dans son dénouement, L’Enfant rêvé est son film le plus maîtrisé.

LE REALISATEUR
Né le 1er  juillet 1971 à Besançon d’un père agriculteur, Raphaël Jacoulot commence par étudier la peinture et la vidéo aux Beaux-Arts de sa ville natale. En 1997, il entre à la Fémis (section réalisation), dont il sort diplômé en 2001.

Après deux courts métrages, dont un retenu à Cannes à la Semaine de la Critique, il réalise en 2006 son premier long métrage, Barrage. Suivront, en 2011, Avant l’aube, un thriller porté par Jean-Pierre Bacri et Sylvie Testud et en 2015, Coup de chaud, une tragédie tournée dans un petit village du Lot-et-Garonne, avec Jean-Pierre Darroussin dans le rôle principal.

L’Enfant rêvé est le quatrième long métrage de ce réalisateur méticuleux qui aime ancrer ses films dans la réalité.

Et aussi

– « PARENTS D’ÉLÈVES » DE NOÉMIE SAGLIO – AVEC CAMÉLIA JORDANA, VINCENT DEDIENNE, ALICE POISSON, SAMIR GUESMI…

A trente ans, Vincent trimballe encore sur la vie un regard d’ado immature. Incapable d’assumer un boulot fixe, il vivote en gardant chez lui toutes sortes de bestioles et en faisant du baby-sitting. Embauché, presque à temps plein, par la maman célibataire d’un petit Bart, il est amené à se faire passer pour le papa de ce petit garçon. Dès lors, pour lui, tout change. Nouvelle casquette oblige, il doit enchaîner les réunions parents-profs, assurer les sorties scolaires, et assister à toutes les petites fêtes de l’école. Avant, toutes ces obligations l’auraient fait fuir. Mais voilà, Vincent est tombé amoureux de la maîtresse de Bart. Pour l’impressionner, il va en redemander. C’est l’occasion pour lui de plonger dans cette communauté si composite et si singulière que sont les parents d’élèves.

Quelle jolie idée de Noémie Saglio (Connasse, Princesse des cœurs, Toute première fois) d’avoir voulu raconter l’école à travers le regard des parents. Restée à hauteur des enfants, elle n’aurait pu pimenter son récit de cette irrévérence joyeuse qui le porte d’un bout à l’autre. Elle n’aurait sans doute pas pu, non plus, l’enrichir de cette tendre histoire d’amour qui ajoute encore à son charme. En ce triste début d’automne, un feel good movie mâtiné de comédie romantique est bienvenu. On succombe, d’autant que son couple vedette est tenu de façon épatante. Camélia Jordana est irrésistible dans son personnage de maîtresse d’école à la fois tendre, sensuelle et juste ce qu’il faut  de« rock’n roll ». Vincent Dedienne est, pour sa part, plus que parfait dans son rôle d’amoureux nonchalant, maladroit et transi.

Recommandation : Excellent.

– « MATERNAL » DE MAURA DELPERO – AVEC LYDIA LIBERMAN, RENATA PALMINIELLO, DENISE CARRIZO…

Paula, une religieuse de 18 ans encore novice, quitte l’Italie pour Buenos Aires. Avant de prononcer ses vœux définitifs, elle doit achever sa formation de sœur. Ce sera au sein d’un foyer d’accueil pour jeunes filles-mères célibataires. Dans ce lieu clos, étouffant, régi par des règles très strictes, la douce et tendre Paula va rencontrer Luciana et Fatima, deux adolescentes qui ont en partage leur âge (17 ans), et leur amitié, mais qui diffèrent sur la conception qu’elles ont de la maternité. Luciana est une mère fantasque et irresponsable, qui ne cherche qu’à s’enfuir du foyer où elle étouffe. Fatima, au contraire, est une maman craintive, qui attend son enfant, à l’abri, avec résignation. Paula, Luciana, Fatima… ces trois jeunes femmes que tout oppose, vont devoir s’entraider, provoquant une confrontation sur leur vision d’élever un enfant…

Après plusieurs moyens métrages et un documentaire, la cinéaste italienne, Maura Delpero s’aventure pour la première fois dans la fiction. Mais pour avoir fréquenté pendant quatre ans des foyers pour jeunes mamans délaissées (en tant que professeur de cinéma), elle le fait sans s’éloigner d’une réalité qu’elle a elle-même éprouvée. Cela donne ce film, qui ausculte les corps et les cœurs de son trio d’héroïnes (vraies mères pour deux d’entre elles, mère par procuration pour la troisième) avec une compassion bouleversante. La caméra de Laura Delpero capte, avec pudeur et absence totale de jugement, les colères, les souffrances, et les frustrations de Luciana et Fatima, écartelées toutes deux, entre leur soif de liberté et leur désir de maternité. Elle montre aussi les tourments de Paula, déchirée entre l’appel irrépressible de sa vocation et celui de son envie folle d’être mère, elle aussi. D’une grande beauté formelle, Maternal est un film magnifique, maîtrisé de bout en bout. Ses comédiennes sont sensationnelles de naturel.

Recommandation : Excellent.

– « YALDA, LA NUIT DU PARDON » DE MASSOUD BAKHSHI – AVEC SADAF ASGARI, BEHNAZ JAFARI, FERESHTEH SADRE ORAFEI…

En Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, qui a tué accidentellement son mari Nasser, sexagénaire, a été condamnée à mort. Quand le film débute, Maryam, extraite momentanément de sa prison s’apprête à passer dans une émission de téléréalité pour y être confrontée à la seule personne qui puisse la sauver : Mona, la fille de Nasser. Si cette dernière lui accorde son pardon, lors de cette émission – baptisée, comme par dérision, Le Plaisir du pardon – alors, elle échappera à la pendaison. Sinon… Dans un studio transformé en tribunal populaire, un procès commence, qui, dans sa dramatisation outrancière, va tenir du show à grand spectacle et des jeux du cirque.

Aussi invraisemblable et effroyable que cela puisse paraître, cette histoire a été inspirée par des faits réels : il existe bien, en Iran, une émission où en direct, devant des millions de téléspectateurs, se joue la vie ou la mort d’un être, selon le principe décrit dans le film, celui d’une confrontation entre un condamné et sa victime, directe ou indirecte. On imagine le cran qu’il a fallu au réalisateur Massoud Bakhshi (pourtant déjà violemment attaqué dans son pays pour son film précédent, Une famille respectable, en 2012) pour réaliser Yalda, la nuit du pardon. Porter sur grand écran, une telle émission de téléréalité, c’était la soumettre à la réflexion et à la critique des sociétés occidentales. Mettre, en son centre, le procès d’une femme d’origine populaire, c’était, en plus, rappeler, d’une façon à peine « voilée », combien le poids de la culture pèse sur les Iraniennes. Pour son culot, courageux,, sa tension, jamais relâchée, et aussi l’efficacité de sa réalisation, Yalda, la nuit du pardon a obtenu à l’unanimité le Grand Prix du jury au festival de Sundance.

Recommandation : Excellent.

– « EN ATTENDANT LE CARNAVAL » DE MARCELO GOMEZ – DOCUMENTAIRE.

Chaque année, plus de 20 millions de jeans sont produits dans la petite ville brésilienne de Toritama. Les habitants de ce bourg devenu aujourd’hui un « microcosme du capitalisme impitoyable » travaillent sans arrêt, fiers de leur activité qui leur offre liberté et (très relative) aisance économique. Arrimés à leurs machines à coudre, ces forçats ne s’arrêtent jamais, sauf pendant le Carnaval. Pour ces huit jours de fête et de loisir, ils dépensent sans compter l’argent accumulé pendant le reste de l’année, allant même jusqu’à vendre, s’il le faut, leurs biens les plus précieux (machines à laver, télés et même, machines à coudre) et cela avec un seul objectif : aller chercher sur les plages alentour, un bonheur éphémère et illusoire…

Revenu un jour sur les terres de son enfance, le cinéaste brésilien Marcelo Gomez (Il était une fois Veronica, Joaquim) a été saisi par la transformation radicale de Toritama qui, essentiellement agricole encore dans les années 80, ressemble aujourd’hui à un gigantesque atelier de couture  où se sont engouffrés tous les travers, excès, aberrations et leurres de la société de consommation. Interloqué par l’ampleur et la rapidité du changement de cette ville, le réalisateur a décidé d’y planter ses caméras. Cela donne ce formidable documentaire, qui offre une belle et émouvante réflexion sur l’évolution de nos sociétés. On est pantois devant le dynamisme qui porte les habitants de Toritama, la gaîté joyeuse qui les habite malgré la charge écrasante de leur travail, et aussi, leur foi inébranlable dans ce dieu, nouveau pour eux, qu’ils  appellent « l’or bleu », bleu, évidemment, comme la couleur des jeans.

Recommandation : Excellent.

– «MON GRAND-PÈRE ET MOI » –  DE TIM HILL – AVEC ROBERT DE NIRO, MAX JENKINS, UMA THURMAN…

Quand on est un petit garçon de dix ans, pas question que les grands viennent mettre leur nez dans vos affaires ! Aussi, quand les parents de Peter, lui demandent de déménager au grenier pour laisser sa chambre à son grand-père, Ed, inconsolable de la mort de sa femme, le petit garçon voit rouge et décide de lui déclarer la guerre. Entre les deux belligérants, un pacte est conclu. Tous les coups sont permis, à condition de ne mettre en danger, ni leur propre vie, ni celle de leurs proches. Chacun constitue son équipe, Peter, fait appel à ses copains d’école, Ed, à ses deux plus vieux copains, des retraités restés aussi farceurs que potaches. Entre le grand-père et le petit fils, ça va commencer fort, aucun des deux n’étant décidé à perdre la partie…

Depuis Maman j’ai raté l’avion (1990), on n’avait plus eu beaucoup l’occasion de voir des comédies familiales made in Hollywood. Délaissées au profit des films d’animation ou des blockbusters Marvel, on en avait presque oublié le plaisir enfantin qu’elles pouvaient donner, quand elles sont réussies, c’est-à-dire quand elles arrivent à faire rire, ensemble, les spectateurs grands et petits. C’est ce qui se produit avec Mon Grand-père et moi. Grâce à la drôlerie naïve de son scénario sur l’amour vache entre un grand-père et son petit-fils, sa réalisation efficace et surtout son casting 5 étoiles. Robert De Niro, Uma Thurman et Christopher Walken en tête, les acteurs jouent comme des enfants farceurs. Leur plaisir de porter ce film, est si contagieux qu’on en oublie (presque) la lourdeur de certaines répliques et le côté attendu de certains gags. A la fois tendre et potache, signé Tim Hill (le scénariste de Bob l’éponge), Mon Grand-père et moi peut être vu en famille, de 7 à 77 ans.

 Recommandation : Bon

– « LE SOLEIL REVIENDRA » DE CHEYENNE-MARIE CARRON – AVEC FLORENCE EUGÈNE, FRANÇOIS POURON…

Emma, 26 ans, est fiancée à Laurent, militaire en Afghanistan. En attendant son retour, elle prépare leur future vie de famille. Elle est enceinte et elle espère qu’il sera là pour la naissance de leur bébé. Mais il tarde à revenir de mission. Grâce à la force de leur relation, grâce aussi à l’aide d’autres femmes de soldats, Emma arrive à tenir le coup. Mais une nouvelle épreuve vient remettre en question son équilibre.

Après un premier film consacré (le 11ème de sa carrière) à la vie d’un jeune homme jusqu’à son engagement dans la Légion Étrangère, la réalisatrice Cheyenne-Marie Carron poursuit son travail d’exploration du monde militaire en mettant en avant l’abnégation des femmes de militaires et leur sens du sacrifice. Elle montre leur quotidien, fait d’attente, d’espoir et de découragement, de solidarité aussi. Elle le fait sous forme de fiction – son film est « scénarisé » – mais, son approche formelle est quasi documentaire, ce qui donne à son long métrage une vérité bouleversante. Bouleversante, mais pourtant, pas une seule seconde larmoyante, parce que ces femmes de soldats sont, à leur manière, des combattantes d’une force morale et d’un courage peu communs. On suit le parcours d’une seule d’entre elles, Emma, mais on comprend que Cheyenne-Marie Carron (également scénariste et productrice de son film) rend ici hommage à toutes ces « guerrières », si rarement mises en lumière par le cinéma. Le soleil reviendra révèle aussi une jeune actrice exceptionnelle de présence et de sensibilité, Florence Eugène.

Recommandation : Excellent.

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