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"L’art du politiquement correct. Sur le nouvel académisme anticulturel" d'Isabelle Barbéris : très intéressant, mais plutôt ardu. Dommage
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Jean-Noël Dibie pour Culture-Tops

Jean-Noël Dibie pour Culture-Tops

Docteur en droit, Jean-Noël Dibie a une très longue expérience de l'audiovisuel et des médias : directeur de la SFP (Société française de production), responsable des affaires européennes à France Télévision, conseiller du directeur général de l'UER (Union européenne de radio-télévision). 

Aujourd’hui consultant, il s’investit dans les activités de recherche, notamment au sein d’EUROVISIONI, et d’enseignement (président du conseil pédagogique de l’EICAR, l’Ecole des métiers du cinéma de l’audiovisuel et des nouveaux médias, et chargé de cours à l’EDHEC).

Jean-Noël Dibie est l'auteur d'un A-book en six parties paru en 2014 sur Atlantico éditions : Communication politique, le plus vieux métier du monde

 

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LIVRE
L’art du politiquement correct. Sur le nouvel académisme anticulturel

d'Isabelle Barbéris

Ed. des PUF 

RECOMMANDATION 

          BON

THÈME

Une thèse: la démocratie ne peut s’accommoder d’un « politiquement correct » participant de « l’idéologie transhumaniste, fondée sur un paramétrage quantitatif et positiviste de l’humain ». 

Une analyse : celle du monde de l’art et de la culture contemporaine, qui entend « recycler les luttes sociales en luttes catégorielles et identitaires ».

Un constat : des œuvres parodiant la démocratie valorisent les communautarismes et, sous couvert du mot d’ordre institutionnel de diversité, installent l’intolérance. 

Le plan : l’auteure aborde successivement, le concept du politiquement correct et le conformisme moral de monde de la culture, avant de s’aventurer sur le terrain de la théorie d’un nouveau langage inclusif.

Le chapitre 1 est dédié à la généalogie du « politiquement correct ». Ce concept était pour les pères de la démocratie américaine, la juste représentativité du peuple par les instances politiques. En Europe, il en allait de même du « bien-pensant » des Lumières. Dans l’Amérique contemporaine, qui désacralise la politique, il est « Politically correct » de mettre en cause les pratiques démagogiques des professionnels de la politique. La gauche universitaire et culturelle française, dans la continuité du déconstructionisme des postsartriens, considère qu’il est politiquement correct de discréditer la norme et de rétablir l’ethnique et le biologique. Ce rejet de l’universalisme des Lumières, de pair avec la valorisation des cultures identitaires, installent un racisme défensif qui, induisant un sentiment de non reconnaissance, alimente les populismes.    

Le chapitre 2 est consacré à l’analyse d’un théâtre contemporain qui s’inscrit dans un nouvel académisme anticulturel. Pour l’auteure, « la fonction des arts n’est plus de rassembler un public divers et d’accomplir un geste de transmission, mais d’offrir des tribunes aux minorités, aux invisibles ». La scène critique fait place à une scène morale où « racialisme » et « décolonialisme » participent de la négation de l’humanisme, au nom de l’humanitaire. Cerise sur le gâteau, le cinéma se complairait dans « un bain amniotique de violence conditionnant les masses à la brutalité et à la passivité ».

Dans le chapitre 3, l’universitaire s’attache au langage inclusif d’un nouvel académisme anticulculturel. Elle considère que la pénalisation de l’offense dans les dispositifs législatifs contre la discrimination, fait du politiquement correct, qui a vocation à « déminer la situation de communication de toute offense », la clé de voute d’une politique qui met en cause la démocratie en privilégiant les libertés civiques au détriment des libertés publiques. Dans cette dynamique, l’art contemporain se veut prophétique. L’artiste n’est plus médiateur mais « ingénieur social ». Le théâtre n’a plus vocation à expliquer l’histoire, mais à la transformer. Pour ce faire, les metteurs en scène ont recours à des dispositifs scéniques inspirés de la communication des publicitaires, inventeurs de l’écriture inclusive. Détaché de la représentation l’art contemporain devient un vecteur de déchirement contribuant à la montée de l’intolérance.

POINTS FORTS

Un important travail de recherche permet à l’auteure, d’une part de documenter son essai de très nombreuses références philosophiques et scientifiques, d’autre part de l’illustrer par nombre de création théâtrales contemporaines, dont elle est expert.

L’universitaire n’a pas cédé aux sirènes de la vulgarisation.

POINTS FAIBLES

Les points forts, relevés ci-dessus, ne facilitent pas la lecture de cet essai.

EN DEUX MOTS

Nonobstant la difficulté de lecture -mais cet essai s’adresse à des universitaires avertis- j’ai, personnellement, aujourd’hui, une autre perception de certaines œuvres contemporaines...

UN  EXTRAIT

Ou plutôt cinq:

Page 74 – L’art contemporain vit sous la double injonction de sa financiation (amorale), et de sa bureaucratisation (moralisatrice).

Page 82 – … le marché de l’art financiarisé surexpose son absence de nécessité… l’art subventionné s’autoconserve à travers une discursivité morale valant autojustificatoin.

Page 188 – … l’on est sommé de considérer le micro-trottoir comme un acte poétique d’amour de son prochain. Le réel vaut poésie, tandis que la poésie doit assujettir le réel.

Au-delà de l’empire inclusif de la Diversité commencent les terres crépusculaires de la fachosphère.

Page 191 – … il ne suffit pas d’avoir consacré toute sa vie et son art au dialogue culturel, comme c’est le cas d’Ariane Mnouchkine, pour sortir indemne de l’inquisition anti-raciste qui désormais surveille le monde de la culture. 

Page 195 – La censure assassine au nom de la liberté. L’art est détruit au nom de la culture.

L’AUTEUR

Universitaire, maitre de conférences en arts et spectacles à l’Université Paris Diderot, agrégée de lettres, Normale-Sup, chercheur associée au CNRS, Isabelle Barbéris est l’auteure de nombre d’articles et ouvrages sur la scène contemporaine, dont « L’économie du spectacle » (Que sais-je / Puf).

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