"Festen" : quand la vidéo sublime le théâtre<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Festen" : quand la vidéo sublime le théâtre
©

Atlanti-culture

Après une pitoyable version des "Trois soeurs", de Tchekhov, le Théâtre de l'Odéon se rachète avec une superbe version de "Festen", la pièce de Vinterberg et Rukov: la mort et la vérité s'invite à table. On est pris aux tripes.

Louis-Bertrand Raffour pour Culture-Tops

Louis-Bertrand Raffour pour Culture-Tops

Louis-Bertrand Raffour est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

THEATRE

FESTEN

De Thomas Vinterberg et Mogens Rukov

Adaptation française : Daniel Benoin

Mise en scène: Cyril Teste

Avec Estelle Andréì, Vincent Berger, Herveì Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Beìneìdicte Guilbert, Mathias Labelle, DanieÌle Leìon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic MolieÌre, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Geìrald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep

INFORMATIONS

Odéon – Théâtre de l’Europe 

Ateliers Berthier 

1 rue André Suarès - 75017 Paris

Jusqu'au au 22 Décembre

Du mardi au samedi à 20h., le dimanche à 15h. Relâche le lundi 

Réservations : 01 44 85 40 40  

www.theatre-odeon.eu

RECOMMANDATION

            EN PRIORITE

THEME

Helge Klingenfelt, notable aisé, organise un dîner parfait pour ses 60 ans. Tout est réglé au millimètre : la table, le service …  Les invités triés sur le volet : ses enfants – sauf Michaël, l’ainé, qu’il juge vulgaire et imprévisible et la cadette Linda qui s’est suicidée l’année d’avant -, quelques amis. Le scénario de la fête est parfait.

Mais tout, rapidement, se dérègle, le passé fait surface. Invité à prononcer le discours d’anniversaire,  Christian – le jumeau de Linda – laisse son père choisir entre deux versions, puis s’adressant aux convives, révèle que Linda, sa sœur et lui, enfants,  ont été régulièrement violés par leur père.

 Un père qui nie et très vite reprend la main, mettant en avant la fragilité mentale de ce pauvre Christian, bien connue, bien sûr, de tous les convives.

Expulsé, Christian est battu à mort par Michaël, son frère ainé. Tout rentre dans l’ordre, l’incident est clos; à table, le dîner peut reprendre entre convives…

Soutenu, par le « petit » personnel, qui, comme dans toutes les bonnes maisons sait tout, Christian revient et parle… l’horreur d’un passé qui a tué sa sœur et qui détruit sa vie !

Malgré la pression sociale et le cynisme du père, la réalité gagne peu à peu les âmes et les consciences…

POINTS FORTS 

- La complémentarité vidéo /théâtre : deux acteurs filment en permanence la pièce, celle que l’on voit sur scène : dans la salle à manger, le salon; et  celle que l’on ne voit pas ou peu : les chambres, la cuisine, la cour, la cave… Leurs images sont projetées, en direct au dessus de la scène.

Ce recours à deux media en temps réel est une réussite totale.

Chacun explore avec un regard différent et parfaitement complémentaire la montée en puissance du drame : l’affrontement violent entre la vérité contestée d’un enfant détruit et le cynisme aveugle de l’égoïsme et la pression sociale.

On assiste en effet à un ballet croisé permanent  entre réalité et représentation, entre  vidéo et  théâtre : le cérémonial d’anniversaire d’Helge avait, dans sa tête la précision d’un script de cinéma, l’irruption de l’inceste et de la souffrance n’y étaient pas invités,  mais le théâtre – comme image de la réalité –a permis leur irruption !  Chaque media – vidéo et théâtre – nous accompagne à tour de rôle  - comme les invités au dîner – vers la lumière et a libération.

- Les interprètes: toute la troupe, entre sentiments contradictoires, entre amour et violence, mais toujours avec beaucoup de sensibilité,  est remarquable. Mathias Labelle (Christian, le fils victime), Hervé Blanc (Helge / le père) portent la pièce avec force et fragilité. Une mention spéciale pour Catherine Morlot qui dans le rôle de la mère, laisse passer comme malgré elle, toute en retenue, une déchirure qu’elle a masquée durant toute sa vie.

POINTS FAIBLES

Les odeurs…: le programme annonce, comme une grande innovation, des effets olfactifs correspondant à diverse atmosphères successives. Le procédé était-il en panne ce soir là ? Mais indépendamment de son intérêt… les odeurs n’étaient perceptibles. C’était peut être pas plus mal !

EN DEUX MOTS  

Avec le rituel social de ce dîner d’anniversaire c’est toute l’hypocrisie d’une société qui explose face à l’indicible. Il faudra aller au fond de la souffrance, à la frontière de la mort (avec les très belles apparitions du fantôme de Linda, défunte, première victime de son père) pour que les conventions craquent définitivement.

On pense bien sur à Hamlet et à un autre dîner danois où la mort et la vérité s’invitèrent à table.

UN EXTRAIT

« On espère que ceux qui sont invités viendront et que ceux qui ne sont pas invités ne viendront pas »

Helge – le père annonçant son dîner d’anniversaire.

LES AUTEURS

- Thomas Vinterberg est un scénariste et producteur de cinéma danois dont l’œuvre a remporté de nombreux prix. Il a notamment reçu le prix du jury à Cannes pour sa version cinématographique de Festen (déjà) en 1998. La Chasse en 2012 reçoit le prix œcuménique à Cannes. Au théâtre il a fait ses débuts de dramaturge avec l’Enterrement  (Rond Point 2012).

- Morgens Rukov (1943-2015), co-auteur de Festen, a co-signé la plupart des scénarios et textes dramatiques  de Thomas Vinterberg.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !