"Est-ce que le pass sanitaire protège réellement ?". La réponse est non, et c’est le professeur Delfraissy qui le dit<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Delfraissy, chef du Conseil scientifique français sur le Covid-19 lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat, en septembre 2020.
Jean-François Delfraissy, chef du Conseil scientifique français sur le Covid-19 lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat, en septembre 2020.
©THOMAS SAMSON / AFP

Gestion de la crise sanitaire

Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, était auditionné au Sénat sur la situation sanitaire, le mardi 8 décembre. Il a été interrogé sur l’intérêt du pass sanitaire. Face à la pandémie de Covid-19, peut-être faudra-t-il recourir à une quatrième dose vaccinale.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Voilà, l’idée est lancée : face à la pandémie de Covid-19, peut-être faudra-t-il recourir à une quatrième dose vaccinale. Oh, rien n’est certain, ce n’est qu’une simple possibilité dont le Pr Jean-François Delfraissy qui préside le Conseil scientifique Covid-19 s’est ouvert avec la plus grande prudence et moult « je ne sais pas » auprès des membres de la Commission des affaires sociales du Sénat qui l’auditionnaient mercredi 8 décembre dernier afin de s’informer sur la situation sanitaire.

Qu’un vaccin s’accompagne de doses de rappel au cours du temps (cas du vaccin antitétanique) ou de renouvellements saisonniers pour les publics à risque (cas du vaccin antigrippal) n’a rien de bien nouveau ni de choquant en soi, et peut-être est-ce en effet un schéma qui pourrait s’installer au sein des mesures de prévention anti-Covid pour les personnes fragiles.

Mais là n’est pas mon propos. Le problème, le grave problème, réside dans l’instauration du pass sanitaire, outil strictement administratif qui limite la circulation et les accès des personnes non-vaccinées en différents lieux très fréquentés où l’on suppose qu’elles pourraient transmettre le virus.

L’expérience montre que même si le Président de la République en personne a affirmé (et répété, agacé qu’on lui repose la question) que le vaccin ne serait pas obligatoire et qu’il ne serait « jamais un droit d’accès qui différencie les Français », chaque étape vaccinale a été systématiquement suivie par la mise en place dudit pass comme ne l’a que trop bien montré récemment le traitement de la troisième dose. Dans ces conditions, vous pensez bien que la quatrième dose qui pointe son nez dans le débat public conduira elle aussi à la désactivation du pass sanitaire tant qu’elle ne sera pas faite dans les délais prévus par le gouvernement.

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Il n’empêche que des questions sur la réalité de la protection apportée par le pass sanitaire commencent à émerger « officiellement ». Chez les sénateurs, par exemple. Lors de l’audition évoquée plus haut, la Présidente de la Commission des affaires sociales du Sénat Catherine Deroche (LR) s’est adressée au Pr Delfraissy en ces termes :

« On a vu l’effet du pass sanitaire sur l’incitation à se faire vacciner. Ça, c’est indéniable. En revanche, maintenant que l’on sait que les personnes vaccinées contaminent, beaucoup se disent : ‘Mais finalement, à quoi sert ce pass sanitaire’. Quel est votre avis à ce sujet ? »

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Réponse sans fard du Pr Delfraissy (vidéo ci-dessous, 01′ 02″) :

« Est-ce que le pass protège réellement ? Eh bien, vous avez donné la réponse, la réponse est non. Il y a des limites puisqu’on peut être vacciné et être porteur du virus. »

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L’affaire a l’air entendue. D’où question : puisque le pass sanitaire ne protège pas réellement, pourquoi le garder, pourquoi toujours chercher à l’étendre de dose en dose de rappel ?

Supprimons une bonne fois pour toutes cet instrument médicalement inutile qui défigure profondément notre État de droit et tournons-nous plutôt vers une politique publique d’information large et sans tabou sur la pandémie qui laisse à chacun, avec l’assistance de son médecin, le soin de déterminer les meilleures protections possibles face au virus en fonction de sa situation personnelle et de ses circonstances de vie. Comme disait Emmanuel Macron avant de tourner brutalement casaque :

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Eh bien, non, ce serait trop simple.

Vous noterez que comme Mme Deroche, le Pr Delfraissy souligne le « rôle majeur » du pass sanitaire pour « pousser à la vaccination ». Il ajoute même que c’est pour cela que le Conseil scientifique l’avait recommandé initialement et il continue à penser qu’on « en a besoin, un peu, dans une certaine mesure, pour la troisième dose ».

Dans les faits, le pass sanitaire est bien un outil qui pousse à la vaccination. C’est un pur chantage sur le droit de revivre « comme avant » auquel il est extrêmement difficile de se soustraire. À partir du moment où vous constatez que vous ne pourrez plus aller au cinéma ou au restaurant sans ce laissez-passer, que vous ne pourrez plus accéder aux déplacements en TGV, que parfois même vous ne pourrez plus travailler, grande est la tentation de foncer se faire vacciner, indépendamment de votre situation personnelle au regard de la pandémie. 

C’est du reste exactement ainsi qu’Emmanuel Macron avait présenté l’affaire dans son allocution du 12 juillet 2021 qui marquait le début de l’ère du pass :

« La vaccination n’est pas tout de suite obligatoire pour tout le monde, mais nous allons étendre au maximum le pass sanitaire pour pousser le maximum d’entre vous à aller vous faire vacciner. » (Adresse aux Français du 12 juillet 2021)

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Dans la foulée, on avait vu tous les ministres concernés, les Castex, Véran, Djebbari (transports) s’aligner sur la parole présidentielle pour faire le service après-vente de ce pass présenté comme un formidable accélérateur de liberté. Notamment, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal soulignait dès le lendemain que s’il n’y avait pas d’obligation vaccinale, il y avait une « incitation maximale. »

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De plus en plus curieux. Il se trouve en effet que dans son avis du 19 juillet 2021 sur le pass sanitaire, le Conseil d’État a spécialement indiqué que :

« L’application du ‘passe sanitaire’ à chacune des activités pour lesquelles il est envisagé de l’appliquer doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie, au vu des critères mentionnés précédemment et non par un objectif qui consisterait à inciter les personnes concernées à se faire vacciner. »

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Un avis purement consultatif que le gouvernement n’a pas jugé utile de retenir mais qui donne cependant une bonne évaluation du pass sanitaire relativement à l’ambition de la France d’être à jamais « la patrie des droits de l’homme » qui éclaire le monde : la réduction des libertés individuelles induite par le pass est telle que ce dernier ne peut décemment s’appliquer que s’il offre une vraie valeur médicale, c’est-à-dire s’il permet effectivement de circonscrire l’épidémie.

Grâce à M. Delfraissy, nous venons d’apprendre « officiellement » que ce n’est nullement le cas.

Dans ce contexte, impossible de ne pas voir que la prolongation du pass sanitaire répond uniquement au besoin de conservation arbitraire d’un instrument de pouvoir gouvernemental sur les citoyens. Les justifications médicales font défaut, mais le discours de la peur savamment instillé autour de la cinquième vague – « fulgurante », évidemment – et autour des variants delta puis maintenant omicron en tiendra lieu. Et si Emmanuel Macron supprime le pass, au hasard au printemps, un peu avant le 10 avril 2022, les Français lui diront merci. 

Résumons :

· D’après Le Pr Delfraissy, le pass sanitaire ne protège pas réellement puisqu’on peut être vacciné et porteur du virus, mais il est utile pour inciter à la vaccination.

· D’après le Conseil d’État, le pass sanitaire ne doit s’appliquer que s’il permet de limiter la propagation de l’épidémie, pas pour inciter à la vaccination.

D’après moi, il est donc temps d’y mettre fin car il s’avère inutile sur le plan sanitaire, dangereux pour nos libertés, et même dangereux pour notre santé car il véhicule un faux sentiment de protection contre le coronavirus.

Ajoutez à cela le précédent du traçage numérique étatique qu’il banalise comme si cela était une bonne chose, et il n’est plus seulement temps mais absolument urgentissime de rejeter clairement la politique de contrôle social vers laquelle tend immanquablement cette expérience de pass sanitaire en vertu du phénomène inexorable de la « pente glissante. »

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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