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"C’est ainsi que son passage à l’OM se termine, dans la stupeur" : le jour où Marcelo Bielsa a bien mérité son surnom "d'El Loco"
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Bonnes feuilles

Il est surnommé "El Loco" parce qu"'il est imprévisible et capable des décisions les plus surprenantes, comme de quitter l'OM à la première journée du championnat à l'été 2015, juste après avoir prolongé son contrat. Mais est-il vraiment fou ? Certainement pas. Extrait du livre "Le mystère Bielsa" de Romain Laplanche aux Editions Solar

Romain Laplanche

Romain Laplanche

Romain Laplanche est journaliste, spécialiste du football argentin.

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Rien ne laissait présager un tel dénouement. Aucun signe avant-coureur n’avait permis de penser une seconde au cataclysme qui s’annonce. Jusque-là, Marcelo Bielsa avait passé son mois de juin à travailler. À l’orée de la saison 2015‑2016 de Ligue 1, l’OM de Bielsa reste même sur un succès de prestige, en amical, dans le cadre du trophée Robert-Louis-Dreyfus face à la Juventus (2‑0), finaliste sortant de la Ligue des champions. Nous sommes le 8 août 2015, l’Olympique de Marseille s’incline à domicile face au Stade Malherbe de Caen (0‑1) dès la première journée du championnat. Comme après chaque match, café en main, Marcelo Bielsa se présente en salle de presse pour répondre aux journalistes. Il analyse brièvement la défaite avant de faire une annonce-choc.

« J’ai une annonce à faire. Je viens de démissionner de mon poste de l’Olympique de Marseille […]. J’ai donné ma démission au club à travers une lettre que j’ai remise au président avant de venir parler avec vous. Je voulais la rendre publique pour expliquer ma décision. »

Lettre de Marcelo Bielsa à l’adresse de Vincent Labrune, président de l’Olympique de Marseille

Monsieur Labrune,

Je vous communique aujourd’hui que je ne continuerai pas à être l’entraîneur de l’Olympique de Marseille. Je voudrais vous expliquer les motifs de mon départ. Je rendrai publique cette lettre parce que je considère qu’il est nécessaire d’expliquer ma position de manière identique à ce que je vous transmets. Si, ensuite, vous voulez que nous donnions une conférence de presse ensemble, je me joindrai à vous.

Ce que je vais dire correspond à ce qui s’est passé. Après une série de rencontres aux mois de mai, juin et début juillet, nous avons réussi à trouver un accord sur les aspects de la prolongation, pour les saisons 2015‑2016 et 2016‑2017, du contrat qui s’était terminé le 1er juillet 2015.

À ces rencontres, en plus de vous-même [Vincent Labrune] et moi-même, ont participé MM. Philippe Perez [le directeur général] et Luc Laboz [le directeur général adjoint]. Tout était clair pour qu’aucun des points considérés ne soit revu plus tard. Il ne manquait plus que la signature. Depuis mi-juillet, avec tous les membres du staff, nous travaillons ensemble, même si la relation n’a pas été définie de façon officielle ; il ne manquait que les contrats écrits. Mercredi dernier, j’ai été convoqué par le directeur général, Philippe Perez, pour une réunion à laquelle a également participé l’avocat Igor Levin, représentant de Margarita Louis-Dreyfus.

Le directeur général appartient à l’administration dont vous êtes le président et l’avocat participait pour la première fois à ce sujet. Ils m’ont informé qu’ils voulaient changer quelques points au nouveau contrat, à l’accord que nous avions déjà trouvé et tous deux m’ont dit qu’ils avaient le pouvoir et la représentativité nécessaires pour assumer les positions qu’ils allaient me transmettre.

Nous avons lu tous les points de l’accord précédent. J’ai pris en compte tous les changements qu’ils voulaient introduire dans ce contrat et en regardant les points qui ne devaient pas être modifiés, je n’ai négocié avec personne, j’ai seulement écouté et, après cette réunion, j’ai pris la décision que je suis en train de vous expliquer. Même si je pense que vous ne le vouliez pas, ce qui s’est passé fait partie de votre aire d’autorité et je ne sais pas si vous avez consenti ou ignoré.

Comme vous le savez, j’ai refusé plusieurs offres importantes parce que je voulais rester à Marseille. Je ne le regrette pas, car je l’ai fait avec beaucoup d’enthousiasme et j’étais très attiré par ce projet.

Je me suis adapté aux variations constantes du plan sportif, mais après trois mois de discussion et à deux jours du début de la compétition officielle, je ne peux pas accepter la situation d’instabilité qu’ils ont générée en voulant changer le contrat. Ma position est donc de ne pas continuer de travailler avec vous, elle est définitive. Le travail en commun exige un minimum de confiance que nous n’avons plus ; je ne voulais pas toucher la préparation du match contre Caen, voilà pourquoi j’ai attendu avant de divulguer cette lettre. S’il y a des choses légales à voir avec mon départ, je vous assure être à votre disposition pour les résoudre de manière juste et je sollicite ma participation directe à ce sujet.

Je vous remercie d’avoir pensé à moi pour diriger l’Olympique de Marseille, j’ai travaillé avec de grands footballeurs et j’ai pu profiter de l’inoubliable Vélodrome et de son public. Je vous salue, Marcelo Bielsa

Après avoir exprimé en quelques mots les raisons de sa démission à travers cette lettre, le technicien argentin continuera de se confier plus en détail lors de sa conférence de presse d’après-match. « Je vais vous dire quelque chose, peut-être que vous ne me croirez pas. J’ai mis toute ma détermination pour continuer à l’OM. Quand je n’étais pas à Marseille, j’étais en Argentine. On a interprété que j’étais en vacances et que je ne faisais pas mon travail pour l’équipe. Mais pendant ces trois semaines, j’ai observé trente joueurs à raison de quinze matchs par joueur. Je ne l’ai pas fait seul, j’ai eu de l’aide, avec des résumés notamment, et j’ai toujours travaillé en pensant que j’allais continuer ici, car c’est ce que je voulais. Nous avions trouvé un accord même si le club a le droit de changer d’opinion. Moi, j’ai également le droit de prendre la décision que je prends, sachant que des changements voulaient être faits à partir d’un accord qu’on avait déjà trouvé. Je n’ai aucun problème avec le président ou avec le club. Simplement, quand des conditions déjà établies évo‑ luent, cela altère la confiance mutuelle. Je n’ai rien à reprocher au club et je n’ai rien à reprocher à ma déci‑ sion et à ma conduite. […] Je ne pars pas d’ici pour aller autre part. Je n’ai parlé avec personne. C’est très simple : il y avait un accord et les conditions ont été modifiées. Des modifications que je n’ai pas acceptées, ni même le procédé. Je ne dis pas que c’est mal. Ce que je dis, c’est que pendant deux mois un accord a été négocié puis finalement trouvé et comme le dit le com‑ muniqué, il y a trois jours, quand je pensais aller lire et signer les documents, au lieu de ça, il était question de revenir sur un accord déjà trouvé. J’ai juste écouté, je n’ai négocié avec personne, j’ai noté les changements proposés et demandé s’ils avaient l’autorité du club pour ces changements, ils m’ont dit que oui. J’étais avec le directeur général du club (Philippe Perez) et l’avocat qui représentait l’actionnaire du club (Igor Levin), et je ne voulais pas accepter ces changements et surtout le procédé. Il n’y a rien de mal à prendre la décision que je vous ai transmise lorsque des change‑ ments sont faits de cette manière. »

C’est ainsi que son passage à l’OM se termine. Dans la stupeur et la désillusion. Bielsa repartira chez lui à Rosario et n’ira rejoindre ni la sélection mexicaine ni la sélection chilienne (après la démission de Jorge Sampaoli, il refusera via un émissaire la proposition de la Fédération chilienne de football présidée par Arturo Salah).

Extrait du livre "Le mystère Bielsa" de Romain Laplanche aux Editions Solar

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