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Risque de 3ème vague : voilà pourquoi nous sommes en train de rater ce deuxième (semi) déconfinement
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Crise sanitaire sans fin

Avec plus de 10 000 cas par jour, la barre des 5000 cas détectés semble inatteignable pour le 15 décembre bousculant ainsi la stratégie du gouvernement.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico.fr :Lors de sa conférence de presse lundi, Jérôme Salomon a fait savoir le risque d’une reprise épidémique restait élevé et que la barre des 5000 cas par jours ne serait sans doute pas atteinte dans les temps. Est-ce un aveu d’échec de ce deuxième déconfinement ?

Dr Jérôme Marty : Je ne sais pas si l’on peut tellement parler d’un échec. Tout le monde tâtonne et la gouvernement a essayé quelque chose. Le problème étant qu’il ne faut pas se fixer des objectifs difficilement atteignables avec cette maladie. Lors de ce rapide point, Jérôme Salomon a avoué qu’il n’avait pas les remontées des tests antigéniques et qu’il allait les rajouter demain. Ainsi, il a ouvert la porte à une augmentation des cas. Je ne vois pas comment il pourrait atteindre les 5000 cas par jour, même si cette maladie nous a tellement surpris depuis le début. 

Au vu des détails qu’il a donné et que nous avions aussi dans les régions où ça monte, il y a tout de même une tendance qui va largement à la baisse. Nous ne constatons pas encore l’effet de l’ouverture des magasins et nous avons déjà un plateau directement en lien avec le froid et la pluie. Nous allons en plus rajouter les tests antigéniques que nous n’avions pas jusque-là et on risque d’avoir quelques milliers de cas en plus. Soit, ils vont lisser cela sur plusieurs jours, comme ils l’ont déjà fait lorsqu’ils avaient des retards pour les maisons de retraites ou autres, soit ils vont les mettre d’un coup. 

Atlantico.fr :Qu’est ce que le gouvernement a mal fait dans ce second déconfinement qui pourrait expliquer la situation sanitaire actuelle ? 

Dr Jérôme Marty : Il y a deux choses que l’on ne fait pas. La première c’est de ne pas mettre en place en place une vraie politique de tests, articulée. On laisse faire une espèce de concurrence politique, avec certains qui disent ‘il n’y a qu’à tester tout le monde. On va tester tout le monde avant et après les fêtes et c’est comme ça qu’on va s’en sortir’, comme peut le dire Laurent Wauquiez. Il y a un hiatus entre le jeu politique et le jeu sanitaire qui s’agrandit de plus en plus. Car le premier problème c’est que c’est impossible structurellement. Il faudra m’expliquer comment en période de pleine charge, où l’on testait le plus, nous étions à deux millions de tests par semaine et là on imagine tester 40 millions de personnes en deux jours. Le second problème c’est que ça ne sert à rien à part créer des files d’attente immenses juste avant Noël. 

Le test a une efficacité sur quelques jours, mais après il n’est plus efficace. La seule possibilité c’est celle qu’on répète nous médecins depuis le début et qu’on ne veut pas faire : déterminer où sont les lieux où le virus circule vraiment et aller tester là-bas. Et le faire avec des tests itératifs, reproductibles à l’envie. Ce sont les tests salivaires que l’on demande depuis dix mois et qui ne sont toujours pas arrivés. Cela fait appel à la méthode du RT-LAMP et l’achat de robots, ils coutent 3000 euros. Ce n’est pas très cher et ça permet à l’entreprise de tester tous ses salariés en salivaire tous les jours. Et on fait de même dans les lieux scolaires, universitaires ou sanitaires. Ainsi chaque fois qu’il y a un cas, on peut l’écarter, et c’est comme ça que l’on peut gagner. Et on ne le fait toujours pas. Il faut le coupler avec le RT-PCR, qui maintenant est plus performant car il n’y a plus de files d’attente, et aux tests antigéniques faits dans les cabinets de médecins. Si vous testez avec ces trois méthodes vous allez écraser la maladie pour longtemps et vous n’aurez pas les reprises que l’on connait puisque tout cela est surveillé en permanence et de manière structurée.  Le problème c’est que le test RT-LAMP est considéré par la Haute autorité de santé comme pas assez performant car il y a trop de faux résultats. Et c’est une erreur car elle le compare au PCR, ce qui est comme comparer torchons et serviettes. Par ailleurs, ils sont trop lents sur le plan administratif. 

La seconde chose que l’on ne fait pas, c’est que nous ne sommes pas assez sévères sur les gens qui racontent des inepties depuis des mois. Il faudrait taper fort car ces personnes mettent en danger la France, la population. Ce sont les anti-masques, les antivaccins, ceux qui disent que vacciner les vieux est un génocide, etc. Il faut taper du point sur la table. Enfin, il pourrait aussi y avoir un problème d’isolement des malades, parce que ce n’est pas dans la culture française que de forcer à l’isolement des malades. Il faut donc jouer sur la cellule familiale et dire aux gens de rester chez eux. Mais on ne va pas le forcer à l’enfermement parce qu’il est malade et le menacer d’une amende de plusieurs milliers d’euros.

Atlantico.fr :Est-ce qu’une partie du problème est un manque de confiance envers le gouvernement ? Y-a-t-il des pays d’Europe où la situation épidémique se passe mieux ?

Dr Jérôme Marty : Vous avez une défiance vis-à-vis de ce gouvernement qui est montrée par les sondages, la crise des gilets jaunes, les violences, etc. Tout ça vient impacter l’aspect sanitaire. En attendant, les courbes ont baissé parce que les Français ont porté le masque, les vaccins contre la grippe ont été en rupture de stock car les gens les ont demandés. Ce dont ont besoin les gens c’est d’explications claires et qu’on leur dise la vérité. C’est la même chose que ce qu’ils veulent faire pour la politique vaccinale : transparence et confiance. Il faut qu’il l’étende à toute leur stratégie et ils ne l’ont pas fait jusqu’à présent. Ils ont beaucoup à se faire pardonner. Ils ont à se faire pardonner sur les masques et ils ont fait une erreur sur la politique de test. En voulant faire du chiffre et monter jusqu’à deux millions de tests par semaines ils ont embolisé les laboratoires et les diagnostics arrivaient au bout de dix jours et n’avaient plus aucun sens. On a perdu du temps pour de la communication. Malheureusement, la Suède que l’on prenait comme modèle alternatif pour son absence de confinement est en train de revenir sur tout ce qu’elle a fait. Aujourd’hui on a une reprise ou des plateaux un petit peu partout et c’est très lié à l’effet du froid. Parce qu’il induit des concentrations de population.

Atlantico.fr :Etant donnée la situation actuelle, doit-on s’attendre à une troisième vague ? 

Dr Jérôme Marty : Depuis le début on parle de première, deuxième et troisième vague, on ne devrait pas. L’erreur est sémantique. Il faudrait dire il y a une reprise de la maladie. C’est la même vague depuis le début, mais dire qu’il y en a plusieurs ça induit dans la tête des gens qu’il y a des moments où ça s’arrête, alors qu’en fait ça ne s’arrête pas. Quand on comprend ça, on encaisse mieux le choc de la reprise. On est sur un plateau, une base virale qui ne soit pas vraiment parce qu’elle est quiescente, faible, et puis il y a des moments où ça ressort, à la faveur du froid, des rassemblements de population. Ce qu’il faut c’est annoncer les choses, dire que ça va reprendre, que ça impose qu’on respecte les mesures barrières, mais que ça ne met à mon avis pas un terme au déconfinement. Il est probable qu’après les fêtes, où à la rentrée, on vive une nouvelle hausse de la présence virale. On va avoir des soirées avec des débordements, des concentrations. On ne peut pas surveiller toute la France en même temps ni dire aux gens qu’on va continuer à tout fermer. La reprise a été constatée après Thanksgiving aux Etats-Unis et au Canada. Dans la province du Manitoba, au Canada, le chef du gouvernement a déclaré « Je suis celui qui vient vous voler Noël, vous n’avez pas à m’aimer, mais j’espère que dans les années à venir vous me respecterez pour vous avoir dit ça ». Ils sont dans une telle situation qu’il dit vous ne pouvez pas regrouper les gens. Nous n’en sommes pas là, nous ne sommes pas à un moment où le virus circule beaucoup mais plutôt dans un creux. On se dirige vers un rebond épidémique vers février ou mars, c’est quasi sur. Mais la question c’est de savoir de quelle ampleur il sera. C’est très difficile. J’ai toujours dit que je n’étais pas pour le principe de prévision face à cette maladie. Elle doit se regarder dans le rétroviseur : où en est-on aujourd’hui et quelle était la situation quinze jours avant.

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