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Le mariage princier 
vu de chez mon coiffeur
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Port de tête

Le prince William et Kate Middleton se marient ce vendredi 29 avril dans le faste habituel de la monarchie britannique. Pour le blogueur Santiago, le mariage princier vu de chez son coiffeur, c'est vraiment plus poilant.

 Santiago

Santiago

Santiago est blogueur.

Il tient la bibliothèque en ligne catallaxia.net et écrit de temps en temps pour le webzine La catallaxine.

 

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Nous sommes nombreux à devoir fréquenter des jeunes donneurs de leçon, qui, agaillardis par la lecture d’un Hessel, par exemple, viennent de temps en temps s’indigner de l’immoralité et – osons ! – de l’indécence des mariages princiers. Les coiffeurs sortant rarement d’une thèse au nom ronflant et n’intéressant que cinq personnes en France, les salons de coiffures sont des endroits de mixité sociale où la France de tous les jours se réunit régulièrement pour débattre entre deux coups de ciseaux. Coincés dans le fauteuil les cheveux encore à moitié coupés (donc impossible de s’enfuir !), il y est aussi impossible d’échapper aux concours de clichés qui y ont lieu, et auxquels on vous somme de participer en vous demandant votre avis.

Nous sommes tous des aristocrates !

Face à la rancune affichée face aux classes oisives, il faut ainsi bien répondre que nous sommes tous des aristocrates à notre niveau, nous intéressant à des débats non-vitaux et parfois futiles. Comme celui de savoir si Taiwo ferait mieux de garder ses pulsions sexuelles pour les lillois plutôt que les négligeables parisiens alors que la Syrie est ensanglantée, que nous consacrons égoïstement une part non négligeable de nos ressources à la culture alors que des gens meurent de faim sur Terre, aimons des choses aussi dérisoires que l’Art alors que c’est la crise, etc.

Alors que le Mozart [1] du cuir chevelu [2] s’apprête cependant à vous répondre que l’on n’est pas obligé d’aller jusqu’au bout de la logique du don de soi, ni de donner dans l’égalitarisme conséquent, pour sauver sa bonne conscience, vous lui rappelez qu’en tant que Français il est au malheureux de certains des pays les plus pauvres ce que William et Kate sont au Français ou à l’Anglais moyen : un nanti. Puis vous le lancez sur les Tunisiens injustement déshengenisés à la frontière française, pour tâter la force de son envie de s’engager pour les plus défavorisés, qui risquent, dans l’espoir d’un improbable avenir dans les pays riches, infiniment fois plus que ce que lui-même rejeton de la société du spectacle élevé en temps de paix n’osera jamais entreprendre, pas même pour se divertir avec de l’adrénaline sans risque (paintball, saut à l’élastique), avec risque limité (Quick, Disneyland, préservatif qui craque) ou virtuel (Meetic ou Chatroulette). D’ailleurs, vous êtes pour qu’on établisse un fichier recensant tous les crétins oisifs qui n’ont rien d’autres à faire que regarder la télévision avec les 4h de réduction de temps de travail qu’Aubry leur a offert, et ajoutez qu’on devrait occuper tous ces gens-là à des travaux f… solidaires. « Alors, il est bon ton os de bonne conscience », auriez-vous envie de lui dire, s’il n’avait pas votre tête entre ses mains plus armées qu’une bande de terroristes aériens formés à la Ben Laden University…

Rien de grand n'a été fait sans passion... nés fortunés

S’il se rebiffe, rajoutez quand même qu’en tirant les conclusions des réflexions de F. Hayek concernant l’utile indépendance des gens dégagés de tous besoins urgents (qu’on appelle aussi vulgairement les riches) [3], on peut observer que ce sont aussi ceux qui contribuent le plus au patrimoine mondial. On vient des quatre coins du monde visiter des tombeaux grandioses (le Taj Mahal, les pyramides), des antres du gaspille ostentatoire et comme Versailles ou les expositions universelles : qu’ont laissé de mémorable les régimes dont l’idéal est de construire des HLM grisâtres où l’on déprime tous collectivement dans une médiocrité égalitaire ? Depuis au moins Feuerbach, on ne sait plus très bien si les cathédrales ont été construites à la gloire de Dieu ou pour la beauté de l’architecture, mais on sait que ces édifices n’étaient pas faits pour servir la soupe populaire [4]… Le Kremlin n’a pas été construit par les soviétiques mais les tsars, et loin de détruire ces traces de l’oppression passée, les représentants du peuple se sont empressés d’y inscrire leur propre pouvoir. D’ailleurs quand on voit dans quelle mollesse bourgeoise ont terminé des gens comme le guérillero compagnon du Che Régis Debray ou la génération de Mai 68 – qui avaient plein de théories marxistes et une autre trempe que lui, petit intellectuel autodidacte fort de la lecture d’un recueil de citations philosophiques en terminale et même pas foutu de terminer un Super Mario sans tricher – ce n’est pas un membre de la génération Loft Story qui va vous donner des leçons, à vous qui avez connu la première guerre du Golfe en direct sur la Cinquième avec Jean-Claude Bourret. Merde !

Comment tirer avantage de l'événement

S’il est socialiste, il s’en ira en boudant chercher des débats contradictoires avec des gens d’accord avec lui. S’il est un rien ouvert d’esprit, vous pourrez continuer la conversation en soulignant que, de plus, l’industrie autour du Royal Wedding est, comme les produits dérivés Johnny Hallyday, Céline Dion ou jadis les gilets jaunes sur les sièges avant des voitures, un business appréciable comme un infaillible révélateur de bons gros lourds [5]. Puis impressionnez-le, en lui racontant comment vous avez vous-même pimenté chaque moment du long protocole ennuyeux de vendredi, en cédant au nouvel opium du pari en ligne qui fera d’un peu tout et n’importe quoi, ce jour-là, l’occasion d’autant de micro-drames personnels. De sorte que vendredi soir, vous ne savez pas encore si vous serez un pauvre clochard céleste détaché du confort sordide des biens matériels pour vous être trompés sur la couleur du chapeau de la reine et autres peccadilles, soit un nouveau riche vaniteux dilapidant avec légèreté son argent avec des vautours avides et des blondes plantureuses intéressées.

William et Kate : pauvres victimes d'une télé-réalité sans breaks

Comme il n’ose vous demander où aurait lieu l’éventuelle orgie (dans l’espoir secret de vous y retrouver pour profiter de vos largesses), vous lui rappelez enfin que votre sort à vous, petits anonymes ignorés même des télé-réalités, est plus enviable que celui de ces deux tourtereaux poussés sur le devant de la scène sans relâche, sans même un contrat de travail … Lorsque lui-même mettra un peu de relief dans sa vie monotone en trompant sa banale copine lors d’une soirée arrosée au Macumba du coin passée en compagnie de sa collègue de travail un rien vulgaire mais pas mal tout de même, le pauvre Willy ne pourra pas faire une petite incartade sans que les tabloïds n’étalent ses ébats. Voir Bill, Silvio, et Dominique : impossible de faire son métier d’homme zemmourien tranquille dans ces conditions-là, foutue société castratrice. Kate se méfiera de tous les ponts, aura Elisabeth II dans les pates (on a connu belle-famille plus cool), et devra pas faire oublier le charisme d’une belle-mère défunte avec qui on ne cesse de la comparer. Bref, l’horreur : eux, les « rois du monde ont tout ce qu’ils veulent », mais nous on fait l’amour, etc. et puis « l’argent ne fait pas le bonheur », n’est-ce pas ? [6]. Enfin, ils font rêver les filles oiseuses nourries aux contes de fée [7] et nous, les hommes, nous aurons peut-être une sextape pirate de la nuit de noce pour qu’on puisse tous un peu participer à leur bonheur.

Enfin, il n’aura pas de pourboire : cette pratique qui consiste à laisser le consommateur libre d’attribuer (certains travailleurs) un peu d’argent en plus du tarif convenu et accepté, est-elle autre chose qu’un vieux reliquat de répugnante vanité aristocratique, misérable façon d’avilir la personne en face en lui extorquant une reconnaissance, là où l’échange laissait les deux partis en situation de parfaite égalité ? Vous lui laissez réfléchir à cette question jusqu’au mois prochain, …en remerciant William et Kate de vous avoir occupé l’esprit pendant ce moment prosaïque.

[1] Mais Mozart de l’opéra-rock, pas celui de Salzburg, entendons-nous bien.

[2] Qui doit fréquenter les soirées d’un club d’éloquence pour avoir autant de répartie.

[3] Réflexion qu’il pourra approfondir en lisant le chapitre 8 de La constitution de la liberté.

[4] A moins qu’à l’époque les pauvres eussent pu se sustenter avec la paix du Christ, une gorgée de vin et une chips dans le ventre…

[5] Exception faite de votre copine et de votre mère qui ont acheté leur babiole pour le second degré…

[6] Conseillez-lui le dernier Klapish, des gens comme lui en sont le cœur de cible : il va adorer !

[7] Vous sentez bien l’admiration dans le regard en coin que la collègue vous lance, vous qui maitrisez la psychologie féminine aussi bien que John Gray !

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