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Valls Premier ministre ou la mort du clivage droite-gauche, Européennes : le FN number 1, le PS number 4 ?, Identité française : les élites responsables de sa conception figée et "fermée"
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Revue de presse des hebdos

Mais aussi Hollande "en équilibre au-dessus du vide", le "pacte de non-agression" des ex-futurs "jeunes lions" de Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, Christiane Taubira partie du ministère de la Justice avant d’y être reconduite et, et, et… la naissance du "1", le nouvel hebdo de presse écrite. Y’a de l’info et du grain à moudre, dans la revue de presse des hebdos !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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Dix jours ou presque après la nomination de Manuel Valls à Matignon, les hebdos, un peu pris de court la semaine dernière, reviennent sur le sens et les implications du choix fait par François Hollande. Au lendemain du discours du Premier ministre à l’Assemblée nationale et du vote de confiance qui en a résulté, “ Le Point ” s’inquiète de voir le gouvernement céder face aux “ exigences délirantes de la gauche “ dure ” et (des) écologistes ” quand d’autres se demandent s’il n’a pas, déjà, basculé du côté obscur de la force… c’est-à-dire… à droite. Hou, en voilà un chouette débat — et de haute volée ! — qui va encore nous faire sacrément avancer, grrrml, grrrml…Mais peut-être y a-t-il, malgré tout, quelque chose à sauver, et à tirer, de ces discussions mort-nées, quelque chose qui éclairerait ce que l’on sent monter, monter irrésistiblement, à savoir l’indistinction grandissante et passablement inquiétante entre ce qui est “ de gauche ” et ce qui est “ de droite ”… Petite question, comme ça : vous sauriez, vous, définir ce qui permet de faire la différence ? Nous, perso (et même si on garde, un peu naïvement, ou “ optimistiquement ”, une certaine foi), on se gratte — et de plus en plus, faut dire… Reste ce qu’ils en pensent, et ce qu’ils en font, eux, de ce sacré et de plus en plus indéfinissable “ clivage droite-gauche ”…

Valls ou le triomphe de la démocratie sondagière contre le verdict des urnes

Dans “ Les Inrockuptibles ”, Frédéric Bonnaud s’interroge : “ pourquoi François Hollande a-t-il nommé Manuel Valls ? En quoi celui-ci a-t-il moins perdu les élections municipales que les autres ? (…) Pourquoi s’infliger une cohabitation qui ne dit pas son nom ? Pour le carboniser en vue de 2017, lever l’hypothèse, comme on dit ? Ou parce qu’il reste le favori des sondages, et le seul qui se croit capable de limiter les gros dégâts des européennes de mai prochain ? Je crains que la seconde explication soit la plus probable — la plus stupidement évidente, hélas. Valls est devenu populaire auprès de l’électorat de droite en singeant les coups de menton et le fonds de commerce sécuritaire et identitaire de Sarkozy. Alors que Hollande, lui, n’a été désigné candidat socialiste puis élu président que parce qu’il n’était pas Sarkozy, le plus différent possible, justement. (…) Mais Valls est prétendument populaire, selon ces mêmes sondages qui viennent de se planter, une nouvelle fois, aux municipales (…). Alors Valls : la démocratie sondagière contre le verdict des urnes ”. 

De gauche ou de droite, peu importe : “ c’est sur l’efficacité qu’il faudra juger, point sur l’idéologie ”

Si l’on résume : pour se faire réélire, François Hollande, n’écoutant que les sondages, a choisi Valls, le chouchou de l’électorat de droite. Par là, le président a trahi l’électorat de gauche, mais aussi “ le verdict des urnes ” : nous sommes entrés à l’ère de “ la démocratie sondagière ” où ce qui importe n’est plus la défense d’idées “ de gauche ” ou “ de droite ”, mais simplement la victoire à l’élection d’après. De là à penser que le clivage droite-gauche est devenu lettre morte… Heureuse coïncidence : dans “ Challenges ”, André Comte-Sponville s’interroge sur “ ce qui fait une politique de gauche ”. “ Le gouvernement Valls fera-t-il mieux (que le gouvernement Ayrault) ? Rien ne le garantit. Rien ne l’interdit. Mais, note l’éditorialiste, c’est sur l’efficacité qu’il faudra le juger, point sur l’idéologie. Sur sa capacité à atteindre les buts qu’il se donne, point sur les moyens qu’il utilise ”. Wahou ! En voilà une affirmation qui remue : fini de raisonner par rapport à l’idéologie, ce qui compte : c’est l’ef-fi-ca-ci-té ! Hou, ça mérite d’être développé, ça…

“ Changer de logiciel, quant aux moyens, ce n’est pas renoncer aux fins qu’on poursuit ”

“ Libéraliser l’économie, flexibiliser le marché du travail, combattre les déficits ? Ce peut être une politique de gauche, si elle est favorable aux plus nombreux et d’abord aux plus pauvres, affirme André Comte-Sponville. Nationaliser, pressurer les entreprises, taxer à tout-va ? Qu’y aurait-il là-dedans de gauche si cela appauvrit le pays, détruit des emplois, augmente indéfiniment et la misère et l’assistanat ? Qu’est-ce que le social-libéralisme ? C’est la social-démocratie confrontée aux contraintes et aux opportunités de la mondialisation. Je n’y vois, pour la gauche, aucun reniement. Changer de logiciel, quant aux moyens, ce n’est pas renoncer aux fins qu’on poursuit. C’est se donner une chance — en s’adaptant au monde tel qu’il est — de les atteindre ou de s’en approcher ”. Ainsi donc, si la fin est “ de gauche ”, les moyens peuvent être “ de droite ”… Même si on comprend bien l’argument, on est obligé de constater qu’en ce qui concerne les moyens de parvenir aux fins, la frontière droite-gauche est bel et bien tombée. Et pôf !, fait la frontière.

Nouvelle ère : le président préside, le gouvernement gouverne — et Hollande est en équilibre, "au-dessus du vide"

Un peu de politique politicienne, pour s’égayer ? Oui, mais alors, juste un doigt, hmmm… “ Le Nouvel Observateur ” nous l’apprend : “ Vendredi 4 avril, juste avant de se rendre à la première réunion du conseil des ministres de cette nouvelle ère, (François Hollande) a sciemment laissé son portable sur son bureau. Fini les textos rigolards, fini les messages amusés ou taquins autrefois échangés avec les ministres — Duflot en particulier — sous l’œil excédé de Jean-Marc Ayrault. Hollande s’est désarmé lui-même. Pour cette rentrée d’un genre inusité, le président préside. Un peu en retrait sur son fauteuil. Face à lui, c’est un Manuel Valls plus raide que nature qui dirige les débats. Le gouvernement gouverne. (…) Le destin (de Hollande) est lié, quoi qu’il arrive, à celui de son Premier ministre dont le pis qu’il puisse craindre est qu’il souligne, avec un peu trop d’éclat, sa propre inutilité en dehors de la scène européenne et internationale. Cette position d’équilibriste, au-dessus du vide, n’est sûrement pas celle qu’il espérait en arrivant au pouvoir. On dira, malgré tout, conclut “ L’Obs ”, qu’elle est éminemment hollandaise ”. Et chlaaa.

Le “ pacte de non-agression ” des ex-futurs “ jeunes lions ”

Et puisqu’on parle de l’éclat dont le président pourrait pâtir, “ Les Inrocks ” consacrent un papier au “ pacte de non-agression ” conclu par les ex-futurs “ jeunes lions ”, on veut parler, bien sûr, de Manuel Valls, d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon. “ Il y a eu le temps des éléphants, désormais révolu. Voici maintenant venu le temps enthousiasmant des jeunes lions ! ”, pronostiquait Arnaud Montebourg, il y a sept ans, comme nous le rappelle le mag. Aujourd’hui, enfin, les trois fauves aux dents longues se retrouvent au gouvernement. “ Jadis adversaires politiques pour ne pas dire ennemis idéologiques, Manuel Valls et Arnaud Montebourg se sont violemment affrontés lors de la primaire socialiste de 2011 — déjà un moyen d’exister face aux éléphants, note l’hebdo. Montebourg estimait que Valls n’avait “ qu’un pas à faire pour aller à l’UMP ” et ce dernier qualifiait la démondialisation de Montebourg de “ dépassée ” et “ franchement ringarde ”. Une autre inimitié lie aussi Manuel Valls et Benoît Hamon depuis leurs débuts politiques aux clubs Forum à la fin des années 80. “ C’est parce qu’ils se détestaient que Forum a implosé, Manuel en gardant la direction et Benoît prenant la tête du Mouvement des jeunes socialistes ”, raconte un cadre du PS. Leurs différends n’ont fait que s’accroître avec le temps, Hamon dénonçant les “ transgressions ” du ministre de l’Intérieur suite à ses propos sur les Roms lors de la dernière université d’été de son courant politique en septembre dernier ”. Oh, mais comment ces trois-là ont-ils fait pour se rabibocher ?

Comment les ex-ennemis se sont rabibochés

“ Le premier rapprochement entre Montebourg et Valls a lieu grâce à Aquilino Morelle, nous informe le journal (comme, d’ailleurs, “ Le Point ”). Le conseiller du Président a été directeur de campagne du Bourguignon lors de la primaire et collègue du Catalan à Matignon sous Lionel Jospin. Ministres populaires d’un gouvernement impopulaire, ils comprennent l’intérêt qu’ils peuvent tirer d’une alliance. Alors, bras dessus, bras dessous, un grand sourire en bandoulière, ils se déplacent en duo pour les municipales (…). Ils partagent la même ambition et assument leur côté trublion du PS. Un parti dont Valls, qui voulait le débaptiser, a failli être exclu sous Martine Aubry, et dont Montebourg a failli claquer la porte. Forts de leur légitimité depuis la primaire, ils n’hésitent pas à critiquer Jean-Marc Ayrault — Valls lors de l’affaire Leonarda, Montebourg sur le dossier Florange —, se trouvant par là-même un ennemi commun. Moins virulent, Hamon n’en ronge pas moins son frein en privé, contraint de gérer le grand écart entre les intonations sociales-démocrates du gouvernement et la frustration de son groupe à l’aile gauche du parti ”. Forcément, ça crée des liens, tout ça… de là à ce que ça tienne…

Tiendra, tiendra pas, le “ pacte de non-agression ” ?

“ Les Inrocks ” le soulignent : “ s’ils se sont soutenus pour accéder au pouvoir en 2014, les ambitions de ces jeunes lions restent fixées sur une autre échéance. Il y a la présidentielle de 2022, bien sûr. Mais aussi celle de 2017, où Manuel Valls et Arnaud Montebourg sont persuadés d’avoir une carte à jouer face à un Hollande mal aimé. Il se pourrait alors que le compagnonnage d’aujourd’hui vire au pugilat demain. Après les guerres Mitterrand-Rocard et Jospin-Fabius, le PS se déchirera-t-il dans un conflit Valls-Montebourg ? ” Pfiou ! Passé l’ennui que tous ces petits calculs nous inspirent, on a envie de dire : on n’en est pas encore là, hmmm ?

Avant d’être reconduite, Christiane Taubira avait déjà fait ses cartons

Encore un peu de basse politique ? Promis, après, on arrête — c’est pas comme si tout cela nous réjouissait, en même temps… Au lendemain de l’annonce, dans “ Le Figaro ”, du départ imminent du gouvernement de Christiane Taubira, “ Le Point ” révèle les dessous des tractations qui ont eu lieu entre François Hollande et la ministre de la Justice à la veille du remaniement. “ Le désistement de Duflot a rendu plus que nécessaire le maintien de Christiane Taubira, comme un symbole pour la gauche généreuse qu’elle incarne, explique l’hebdo. La garde des Sceaux demeure inflexible lundi (31 mars, ndlr) : avec Valls à Matignon, il ne faut plus compter sur elle. Elle demande à son cabinet de faire ses cartons. Arnaud Montebourg se rend Place Vendôme, lundi, pour la persuader de rester et d’accepter peut-être un autre poste : la Culture. Pourquoi pas ? Mais la justice reste son premier choix… à ses conditions, expliquent ses proches. Taubira se fait prier. Elle fait monter les enchères. Valls résiste. Lundi soir, les affaires de la garde des Sceaux sont empaquetées, elle est dehors… ” Et alors ? Et alors… !

Quand Taubira, se sentant condamnée, fait débloquer in extremis, une subvention en faveur d’une association guyanaise

“ Finalement, résume “ Le Point ”, le dénouement intervient mardi matin quand Hollande décroche son téléphone et capitule face aux exigences de Christiane Taubira : elle reste Place Vendôme, sa réforme pénale passera en l’état, mais après les européennes. Elle obtient, au passage, la tête de sa directrice de cabinet, Christine Maugüe, avec qui les rapports se sont tendus, bien que celle-ci soit l’épouse de Bernard Rullier, le conseiller parlementaire de Hollande. Petit détail : alors qu’elle se pensait condamnée à quitter le gouvernement, Taubira a fait débloquer in extremis 86 000 euros de subventions en faveur d’une association guyanaise ”. No comment.

Européennes : le FN number 1, le PS number 4 ?

Mais revenons à plus sérieux, et plus préoccupant. Dans leur chronique “ Double je ” de “ Challenges ”, Pierre-Henri de Menthon et Airy Routier racontent s’être comme qui dirait cognés à Marine Le Pen dans un restaurant parisien, alors qu’elle buvait “ un verre avec un ami commun ” — bonjour, la candidate “ anti-système ” ! “ Flanquée non plus d’un mais de deux gardes du corps, précisent les journalistes, la fille de Jean-Marie Le Pen explique que son parti deviendra “ le premier parti de France ” au lendemain des prochaines élections européennes de mai. Elle caresse même l’idée que le PS termine à la quatrième place, derrière l’UMP et les écologistes ! Marine Le Pen est persuadée — elle le répètera d’ailleurs en boucle dans les médias — que François Hollande n’aura d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée nationale après un tel séisme ”. Gasp ! C’est si grave que ça, docteur ?

59 % des Français estiment aujourd’hui que “ l’Europe aggrave les effets économiques de la crise ” contre 27 % en 2009

C’est grave, oui, c’est pas la première fois qu’on le dit — le fait que “ ça remonte pas ”, et qu’ “ en haut ”, on ne se remette pas en question pour autant, c’est d’ailleurs là, le plus préoccupant. A l’heure où la Bleu Marine se voit victorieuse aux européennes, un sondage TNS-Sofres-Sopra pour “ Le Nouvel Observateur ” vient confirmer qu’il y a urgence, gros danger et qu’il n’est que temps de passer en alerte rouge. “ Les Français sont aujourd’hui 59 % à estimer que “ l’Europe aggrave plutôt les effets de la crise économique ”, contre 24 % qui pensent que “ l’Europe nous protège plutôt des effets ” de cette crise. Par rapport à 2009, date des dernières élections européennes, c’est un renversement total, souligne “ Le Nouvel Observateur ”. TNS Sofres avait alors posé la même question. 39 % des sondés avaient répondu “ l’Europe nous protège ” ; 27 % seulement que l’Europe “ aggrave ” les effets de la crise ”.

Le FN number 2 derrière l’UMP mais devant le PS

“ Dans ces conditions, remarque l’hebdo, comment s’étonner de la véritable explosion du vote FN enregistrée par notre sondage ? Alors que Marine Le Pen a fait de la critique de l’Europe et de l’euro son nouveau credo, le FN pourrait voir son score… quadrupler ! Aux européennes de 2009, il a obtenu 6, 34 % des voix, après, il est vrai, un net recul à l’élection présidentielle de 2007. En mai prochain, il pourrait atteindre, selon notre sondage, 24 % ”. Cela le place derrière l’UMP, crédité de 25 %, mais devant le PS, qui enlève seulement 19 % des intentions de vote. Manière de se rassurer ? “ Le Nouvel Obs ” indique que “ le FN, (comme aime à le rappeler Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen), a toujours réalisé des scores faiblards aux élections européennes, marquées par une abstention de plus en plus forte : 60 % en 2009 ”. Le journal le souligne aussi : “ paradoxalement, par rapport à 2009, l’UMP régresse et le PS progresse. Le parti de la droite pâtit de la percée du FN et de la défection des centristes. Le PS, quant à lui, a enregistré un score historiquement bas en 2009, à cause de l’excellent résultat des listes Europe Ecologie emmenées par Daniel Cohn-Bendit. Les Verts de Cécile Duflot sont beaucoup moins attractifs : 9 % contre plus de 16 % ”. Cela n’empêche pas certains dirigeants du PS, note l’hebdo, d’ “ envisager un score… à un chiffre ! Sans sombrer à ce niveau, conclut le journal, les élections européennes pourraient définitivement installer le PS en situation de grande précarité avec, comme perspective, à la présidentielle de 2017, un nouveau 21 avril… ” N’en jetez plus !

9 avril 2014 : un nouveau journal papier est né !

Mais passons à une joyeuse nouvelle : en ce 9 avril, un nouveau journal est né, et au format papier, s’il vous plaît ! Papier, papier, dites-vous… à l’ère du Net ? Oh, mais qu’est-ce que cela veut dire ? La presse, en crise, ferait-elle donc machine arrière, pour revenir à ses bons vieux modèles ? Pas tout à fait… C’est à la fois plus compliqué et plus simple que cela.Avec la naissance du “ 1 ”, on touche en fait à ce qui pourrait bien dessiner une ligne de partage — mais aussi une zone d’équilibre et de complémentarité — entre les journaux en ligne et les journaux imprimés. Le nouveau canard lancé par Eric Fottorino, ancien du “ Monde ”, se présente comme un grand dépliant, que l’on ouvre alternativement de droite à gauche, à la manière de n’importe quelle feuille de chou — ou de livre —, et de bas en haut, comme on le ferait un peu d’une carte routière, ou d’un poster (c’est d’ailleurs un véritable “ poster ” que le journal découvre à la fin). La grande particularité du “ 1 ” réside dans le fait qu’il ne traite que d’un seul thème d’actualité dans lequel on entre un peu plus avant à mesure qu’on le déploie — ou qu’on le “ déplie ”.

“ Les journaux informent. “ Le 1 ” se fait fort d’inspirer ”

“ Chaque semaine, écrit Eric Fottorino, nous nous proposerons d’éclairer un grand thème de l’actualité, à notre façon. Conscient que la racine latine d’expliquer n’est autre que… déplier. Un dépliage tout en littérature et en poésie, en philosophie, en anthropologie, en histoire ou en géographie, en chiffres et en lettres. Déplier, c’est ouvrir. (…) Dans notre époque où le présent ne souffre ni passé ni avenir, “ Le 1 ” se propose d’étirer le temps. Il veut offrir un espace de profondeur et de calme, accomplir l’unité du savoir, marier le sensible et le rationnel. “ Le 1 ” est un journal de questionnements. Tout ne s’explique pas, mais tout s’interroge. Les journaux informent. “ Le 1 ” se fait fort d’inspirer.Dans une approche instructive et non exhaustive. Donner des idées au lecteur, lui laisser le soin de se forger sa propre opinion. C’est notre offre, notre main ouverte, notre réponse à la vitesse qui égare et fait perdre connaissance ”. Donner, redonner, du temps au lecteur pour lui permettre de s’interroger, de réfléchir et de “ se forger sa propre opinion ”, en un mot, faire œuvre “ pédagogique ” (“ dans une approche instructive et non exhaustive ”), voilà l’idée qui préside à la création du “ 1 ”… Force est de reconnaître que le dépliage du journal, le rythme de lecture qu’il impose, se prêtent particulièrement bien au déploiement de la réflexion. De là à penser que le Net a vocation à informer, à livrer de l’info brute, tandis que le papier a vocation à instruire, à donner des clés et susciter l’interrogation…

Un poème de 1870 pour éclairer l’actualité ?

Mais quid de ce premier numéro ? Et d’abord, de quoi y parle-t-on ? “ La France fait-elle encore rêver ? ”, c’est le thème d’actualité choisi cette semaine par la rédaction, qui a sollicité l’avis d’écrivains (Jean-Marie Le Clézio, Erik Orsenna, Tahar Ben Jelloun, Andreï Makine…), de philosophes (Tzvetan Todorov, Olivier Pourriol), mais aussi du réalisateur Costa Gavras ou du chorégraphe Angelin Preljocaj. C’est à noter : à côté des articles et des témoignages, sont aussi présentées des photos de Raymond Depardon (où l’on voit un village de la Haute-Loire, des champs plantés d’éoliennes longeant une autoroute et la fête des cerfs-volants sur la plage de Berk-sur-mer), ainsi qu’une bande dessinée de Jochen Gerner (“ Repères sur la singularité française ”). Un poème de l’américain Walt Whitman apparaît même en page 2. Gadget ? Accessoire, la poésie, au jour d’aujourd’hui ? Le choix de ce texte, écrit en 1871, alors que la France vient d’être vaincue par l’Allemagne, ne manque pourtant pas d’à propos, comme en témoignent ces tout premiers vers : “ Ah ! étoile de la France/ Clarté d’espoir, de force, de gloire/ Semblable à un vaisseau qui si longtemps conduisit la flotte/ Tu me parais aujourd’hui une épave que ballotteraient les vents, une coque démâtée/ Dans l’affolement panique de tes foules quasiment englouties/ Plus de pilote plus de barre ”. Pas mal, non ?

“ Du génie français à l’identité française ”

Mais venons-en aux articles, proprement dit… Comme il se fait tard, nous nous concentrerons sur celui que Tzvetan Todorov consacre au passage du “ Génie français à l’identité française ”. Aujourd’hui, explique l’historien-philosophe, on a remplacé le mot “ génie ” qui “ évoque un principe agissant ” par le mot “ identité ”, qui “ suggère une forme d’immuabilité, d’un être toujours identique à lui-même ”. Or, relève-t-il, “ il n’existe aucune culture vivante et figée à la fois. La vocation d’une culture, donc des identités, est précisément d’évoluer constamment, y compris par l’apport des autres. (…) Il faut renoncer à l’illusion néfaste selon laquelle les changements d’une société, de sa culture, seraient d’abord liés aux modifications induites par l’immigration ”. Hou, voilà un point qu’il va falloir développer, Tzvetan !

Pourquoi l’immigration n’est pas responsable de la mutation de la société française

“ Le “ mode de vie américain ” a impacté la vie sociale française depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale beaucoup plus puissamment que celui des Maghrébins. Pourtant, note Todorov, les populations américaines ne sont pas venues “ envahir ” la France ! Par ailleurs, si l’on regarde le temps long, les Français sont passés d’un peuple catholique à un peuple majoritairement laïc sans grand lien avec les apports extérieurs. Ce fut une mutation interne. Le pluralisme intérieur, à son tour, provient non seulement de la présence d’étrangers, mais aussi des groupes constitutifs d’une société, dont les aspirations et les comportements ne coïncident pas : hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, illettrés et éduqués… ” Pas tout à fait convaincus ? Attendez la suite…

Les élites responsables de la conception fermée de l’identité française ?

“ La conception fermée n’a pas toujours été dominante en France, observe l’historien-philosophe. Au cours des siècles précédents, on considérait plutôt que le “ génie français ” était capable de tout absorber. Le Paris du XVIIIe siècle était la capitale des Lumières d’abord parce que les grands penseurs étrangers s’y rencontraient ; certains même y vivaient (…). Ce processus, signe de force et de confiance en soi, se prolonge tout au long du XIXe siècle. Paris était une capitale universelle. Ouvrez la “ Revue des deux mondes ” d’alors : tout ce qui advenait dans le monde faisait partie des préoccupations des élites françaises. La Première Guerre mondiale sonnera le glas de cette perception de soi. Et après la Seconde Guerre mondiale, la France cessant d’être une puissance internationale de premier ordre, l’attitude des Français changera progressivement. Aujourd’hui, il n’est qu’à comparer le rapport aux étrangers de l’université française à celui des universités américaines pour constater combien la France se replie. (…) Si une telle conception patrimoniale de l’identité s’impose dans un pays, entraînant avec elle la fermeture vers l’extérieur, elle devient un frein à son développement ”. Les élites, responsables de la conception figée, fermée, de l’identité française… ah, vous ne vous y attendiez pas à celle-là ! Avouez que ça fait du bien de voir nos instances pensantes — et dirigeantes — remises à leur place… et face à leurs responsabilités. Sur ce, bonne semaine, les gourmands de l’info : remâchez bien tout ça, un peu, mais pas trop, comme il faut, hmmmm ?

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