Tous suspendus au Conseil constitutionnel : Les Sages ne sont pas une cour d’appel des votes parlementaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Conseil constitutionnel va rendre sa décision sur la réforme des retraites ce vendredi.
Le Conseil constitutionnel va rendre sa décision sur la réforme des retraites ce vendredi.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

Les neuf Sages rendront leur décision vendredi 14 avril. sur la réforme des retraites. Le Conseil constitutionnel va devoir s’assurer qu’il n’y a pas de vice de forme et pas d’atteinte flagrante aux droits et libertés fondamentales.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Le 14 avril, le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision sur la réforme des retraites. Un événement qui suscite beaucoup d’attentes politiques, qui risquent fortement d’être déçues. En effet, si le contrôle du Conseil constitutionnel intervient dans la foulée des débats parlementaire, son but n’est pas de revenir sur les choix politiques faits par le Parlement, mais de s’assurer qu’il n’y a pas de vice de forme, et pas d’atteinte flagrante aux droits et libertés fondamentales dans les lois votées.

Quand on regarde le texte de la réforme des retraites soumis à l’examen des Sages, il n’y a, techniquement, pas grand chose à se mettre sous la dent pour espérer une censure qui puisse être présentée comme une victoire de l’opposition.

Le principal risque est la censure de dispositions qui n’ont pas d’impact financier. Le gouvernement ayant fait le choix, pour des raisons de procédure, de passer par une rectification du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il en subit une contrainte forte : il ne peut pas y mettre de dispositions non financières. Et si le conseil constitutionnel est dur, cela peut même aller jusqu’à une censure des dispositions (même financières) n’ayant pas d’impact sur les finances sociales en 2023. L’article 2 de la loi, qui crée un index senior, devrait, selon toute probabilité, être censuré sur cette base, car il ne coûte ni ne rapporte rien au budget de la sécurité sociale en 2023. Laurent Fabius lui-même, en début d’année, avait laissé filtrer quelques doutes sur l’impact financier de la mesure, et donc, le fait qu’elle ait sa place dans une loi financière.

Le deuxième point de risque est la procédure parlementaire. En effet, cette réforme des retraites a été un véritable festival d’application de dispositifs inscrits dans la Constitution, mais pouvant être assimilés à du passage en force : l’article 47-1 permet de limiter les débats à 50 jours, l’article 44 (vote bloqué) et article 49 al 3 (adoption sans vote). On en est même arrivé à ce que la réforme soit adoptée, sans que les députés aient eu, formellement, à la voter. Les chances de censure sur ce point sont assez maigres, mais les Sages pourraient profiter de l’occasion pour donner, discrètement, un mode d’emploi, pour l’utilisation de procédures rares, ou sur le cumul des procédures.

Sur ces questions de forme, le conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur la bonne application du règlement des Assemblées, et vérifie surtout le respect du principe constitutionnel de clarté et de sincérité des débats. Il regarde si les éventuelles formalités préalables ont été respectées, et surtout, si les parlementaires ont eu le temps, et l’information suffisante pour débattre de manière éclairée. Pour cette réforme des retraites, les parlementaires ont eu 50 jours (tout compris) pour étudier un texte de 36 articles, ce qui est amplement suffisant en temps normal. Après, si l’opposition a choisi de pratiquer massivement l’obstruction, c’est un choix politique qui n’invalide pas nécessairement la procédure. Concernant les différentes procédures exceptionnelles, elles n’ont pas été appliquées en même temps : l’article 47-1 (sur le temps limité) a joué sur la fin de l’examen en première lecture à l’Assemblée, l’article 44 (vote bloqué) a été utilisé au Sénat, et le fameux article 49.3, n’a été dégainé qu’en fin de course, lors de l’ultime passage devant les députés.

Enfin, un autre risque, qui n’a été que peu soulevé par les oppositions, est le contrôle du respect des principes et libertés fondamentales (égalité, liberté d’entreprendre, liberté d’aller et de venir…). Il y aurait, éventuellement, quelques petites questions sur le respect du principe d’égalité (notamment sur l’égalité femmes-hommes). Mais le risque est très faible. Depuis plusieurs années, les Sages se limitent, dans leur contrôle effectué juste après le vote de la loi, aux inconstitutionnalités les plus flagrantes. En cas de doute, ils émettent une simple réserve, soit attendent d’être saisies plus tard par une question prioritaire de constitutionnalité, dans le cadre d’un procès en cours. Cette procédure donne plus de temps, et surtout, de tranquillité médiatique, qu’une décision rendue juste après le vote d’une réforme aussi contestée.

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