Réfugiés : mais ils fuient quoi, au juste ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un grand nombre de réfugiés syriens fuit les exactions de l'Etat islamique.
Un grand nombre de réfugiés syriens fuit les exactions de l'Etat islamique.
©Reuters

Martiens, go home !

L'Europe n'est pas à la hauteur, aucun doute là-dessus, mais c'est moins sur la question de l'accueil des réfugiés que sur celle des raisons pour lesquelles ils sont forcés de s'enfuir.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Le débat portant exclusivement sur l'incapacité de l'Europe, et singulièrement de la France, à accueillir les migrants, on en viendrait presque à se demander ce qui jette des familles entières sur les routes ou dans des zodiacs couverts de rustines au péril de leur vie depuis des mois.

Et un Martien qui ferait escale sur Terre le temps d'un plein de diesel au relais Total de la porte de Bagnolet (car les vaisseaux martiens fonctionnent au diesel, je le tiens d'un raélien qui fait du Blablasoucoupe avec eux régulièrement), en regardant les infos sur BFMTV, imaginerait sans doute que quelque désastre climatique insurmontable est à la base de cette migration géante.

C'est que notre Martien en panne sèche n'aurait guère d'opportunité d'apprendre que les réfugiés en question, Syriens pour la plupart, tentent en fait, et simultanément, d'échapper à une armée de fanatiques religieux coupeurs de têtes et à un dictateur sanguinaire adepte du bombardement de populations civiles.

S'il restait un peu plus longtemps chez nous, le temps, par exemple, de faire vérifier ses niveaux, un passage au kiosque lui fournirait plus de détails, mais n'éclairerait pas davantage sa lanterne extra-terrestre. Il comprendrait vaguement que les fanatiques ne peuvent pas être dénoncés trop vivement parce que ce serait prendre le risque de stigmatiser certains éléments de la population des pays qui rechignent à accueillir les migrants, mais que s'en prendre au dictateur sanguinaire passerait mal chez d'autres éléments de la même population – qui le perçoivent plutôt comme un rempart contre les coupeurs de têtes.

M'est avis qu'une fois le plein fait, il remonterait fissa dans sa soucoupe pour rejoindre sa planète rouge, où l'on s’affronte sur l'utilisation du diesel d'une manière un poil plus rationnel (du moins d'après le raélien sus-cité mais je lui fais confiance sur ce point). Et s'il a de la suite dans les idées, le Martien se demanderait pourquoi cette fameuse Europe, puisqu'elle a tant de mal à accueillir des réfugiés par centaines de milliers mais se préoccupe suffisamment de leur sort pour s 'émouvoir de la noyade d'un petit garçon chassé par les deux factions, ne décide pas de régler leur compte une fois pour toutes au dictateur sanguinaire ET aux coupeurs de têtes.

Mais bon, ça c'est de la logique de Martien. Et nous n'avons pas de leçon à recevoir de types qui infestent la galaxie avec leur carburant pourri, merde alors !

Tracteurs or not tracteurs

La France, qui n'est jamais en retard d'un débat introspectif à la gomme, s'émeut ces jours-ci de ce que nos gazettes aient fait l'impasse sur la photo du petit garçon noyé, pourtant à la une de tous les journaux anglais. Ce serait troublant, en effet, si la capitale n'avait pas été envahie, le même jour, par quelques milliers de tracteurs menaçant de prendre la Bastille.

On imagine qu'un régiment de gentlemen-farmers en colère déferlant sur Londres aurait pourtant eu la même influence sur les rédactions britanniques, qui se seraient elles aussi concentrées sur cette menace plus directe. Ce qui n'enlève rien, ceci dit, à l'horreur objective illustrée par la fameuse photo, mais nous ramène logiquement au propos précédent : ne peut-on pas faire la une sur les tracteurs ET régler leur compte aux coupeurs de têtes et au dictateur sanguinaire ? Il y aurait peut-être moins de photos de petits garçons noyés à publier et l'on pourrait se concentrer  sur nos jacqueries paysannes sans arrière-pensées hypocrites.

Punaise, je crois que je suis en train de virer martien, moi...

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