Quelle menace représente vraiment la mystérieuse nouvelle arme spatiale russe ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Vladimir Poutine a récemment déclaré que le T-90M, le char russe, était le meilleur char du monde.
Vladimir Poutine a récemment déclaré que le T-90M, le char russe, était le meilleur char du monde.
©Mikhail METZEL / POOL / AFP

Géopolitico Scanner

Les États-Unis préviennent leurs alliés que la Russie pourrait mettre une arme nucléaire en orbite cette année.

Fabrice Wolf

Fabrice Wolf

Fabrice Wolf est ancien pilote de l’aéronautique navale, et rédacteur en chef du site d’information Meta-defense.fr.

Voir la bio »

Atlantico : Depuis l'annonce d'informations relatives à une grave menace pour la sécurité des États-Unis, l'Occident s'inquiète du développement par la Russie d'une nouvelle arme qu'elle pourrait déployer dans l'espace. La cible serait les satellites américains notamment. En quoi consisterait cette arme spatiale ? Quels sont les projets russes en la matière ? Et les satellites occidentaux pourraient-ils être impactés ?

Fabrice Wolf : Ce projet d’arme suscite beaucoup de spéculations. La Russie n'a pas donné d'informations précises à son sujet. Ce dispositif serait une arme nucléaire capable de déclencher une impulsion électromagnétique qui va détruire tous les circuits électroniques à proximité. La puissance de la bombe et l’amplitude de la zone touchée ne sont pas connues. L’incertitude demeure également sur l’altitude que pourrait atteindre ce projet d’arme spatiale et le contenu précis de la charge nucléaire n’est pas officiellement connu. Il y a donc beaucoup de spéculations au sujet de cette arme spatiale russe.

Mais ce type d’arme a un inconvénient. Il s’agit d’une arme indiscriminée. Tout ce qui est dans le rayon d'action de l'arme va être touché. Comme cela correspond plutôt à des armes qui sont destinées à évoluer dans les couches basses de l'atmosphère, l’arme va cibler des satellites. Cela pourrait donc freiner le projet du Pentagone d’avoir plus de 1.000 satellites. Mais l’arme russe va impacter tous les satellites, pas uniquement ceux appartenant aux Etats-Unis. Des satellites européens, chinois, indiens seront aussi détruits par cette arme. 

Ce projet d’armement pour l’espace contiendrait une charge nucléaire. Les Américains souhaitaient justement  avoir beaucoup de satellites afin de rendre impossible l'utilisation d’armes anti-satellites classiques. 

Ce projet russe à destination de l’espace va donc faire un trou dans le dispositif de satellites. Afin de cibler un maximum de satellites américains, plusieurs envois de cette arme seront nécessaires. 

Cette arme spatiale sert à la Russie d’outil de communication. Ce cas est similaire à la torpille Poséidon. Le projet Poséidon ne sera pas capable d’engendrer un tsunami mais cette arme pourrait éventuellement déclencher une charge sous-marine comme lors de la période de la guerre froide.

En revanche, le projet d’arme à destination de l’espace ou la torpille Poséidon constituent une menace nucléaire. Il y a des risques que l'impulsion électromagnétique vienne impacter la Terre. Cela pourrait entraîner des réactions en chaîne avec d’autres puissances en Chine, en Europe, en Inde. 

Ces armes sont très puissantes mais ont une utilité somme toute assez réduite du point de vue opérationnel. La riposte américaine pourrait être immédiate.

La dissuasion russe repose aujourd’hui sur les douze sous-marins de nouvelle génération, sur les Tupolev Tu-160M et sur les nouveaux missiles RS-28 Sarmat.

Vladimir Poutine pourrait-il aller aussi loin ou est-ce que ce projet d’arme spatial russe fait-il partie d’une stratégie de dissuasion, la Russie étant signataire du traité qui interdit aux Etats tout lancement d'une arme nucléaire ou de destruction massive dans l'espace extra-atmosphérique ? Cette arme spatiale russe pourrait-elle être utilisée comme une sorte de bombe à retardement prête à exploser en cas de sanctions trop fortes ou d'oppositions militaires ? 

Il est possible que cette arme soit utilisée comme une menace à retardement mais les satellites ou ce type de dispositif finissent par retomber. Or, la moitié des satellites se désagrègent. La rentrée atmosphérique ne permet pas de maîtriser les retombées sur Terre. 

Les Chinois, en revanche, travaillent sur un projet avec un bombardement orbital fractionné. Un avion spatial, qui transporterait des charges nucléaires, pourrait parcourir la distance entre Pékin et Washington pour lâcher une charge nucléaire. 

Je crois qu'il n’est pas possible de se fier au fait que la Russie ait signé un traité. Ils ont tendance à adapter leur engagement au contexte qui les arrange. Cela ne devrait pas changer l'équation stratégique mondiale. En déployant cette arme spatiale, ils vont faire un trou dans le dispositif de satellites américains mais également pour les satellites chinois. Envoyer une arme nucléaire dans l’espace représente aussi un risque considérable et une énorme incertitude. 

 Ces armes ont plus vocation à être utilisées comme des outils de propagande. Les Russes ont des atouts dans le cadre de la dissuasion comme le missile balistique intercontinental, les ICBM que nous n’avons pas en Europe. Les Russes ont des bombardiers stratégiques que les Européens n’ont pas. Ils ont des missiles nucléaires à courte portée comme le Iskander. La Russie dispose aussi de missiles balistiques aéroportés.

Les Russes ont un vocabulaire que nous n’avons pas dans le dialogue de la dissuasion nucléaire. Le fait de perdre le parapluie américain est donc très inquiétant. La France et la Grande-Bretagne ont des sous-marins nucléaires mais la Russie aussi. Nous faisons à peu près jeu égal mais les Russes ont beaucoup d’arguments que les Occidentaux n’ont pas. 

Lorsque des régiments de missiles Iskanders avec une capacité nucléaire sont mis en alerte à Kaliningrad, cela envoie un message extrêmement clair et qu’il n’est pas possible d’ignorer.

Quelle est la réalité des nouvelles armes non-conventionnelles russes ? Les Russes ont-ils fait d'importants progrès dans le développement de l'armement et des technologies militaires ?

Les Russes font des progrès constants. Ils étaient à peu près au même niveau que les États-Unis, que les Européens à la fin de la guerre froide. Les Occidentaux se sont ensuite vantés d’avoir une avance phénoménale sur la Russie. Pendant la guerre du Golfe, il y a eu une démonstration de force énorme des Occidentaux. L’industrie russe a considérablement ralenti des années 1990 aux années 2000. Puis elle a redémarré doucement. Les Russes ont rattrapé les Occidentaux et développent des technologies militaires et des équipements qui dépassent les Européens ou les Américains. Les Russes commencent à faire jeu égal dans certains domaines avec les Occidentaux. 

La France avait un excellent missile, le Hadès, qui a été mis en service cinq ans avant d’être supprimé sur l'autel des bénéfices de la paix. Les Russes avaient l'équivalent du Hadès au même moment. Ils l’ont conservé et cela nous pose problème. 

Les Russes ont aussi progressé sur les armes tactiques. Ils se sont améliorés sur les drones notamment.

Vladimir Poutine a récemment déclaré que le T-90M, le char russe, était le meilleur char du monde. Objectivement, c'est un très bon char. Son plus gros atout est qu’il coûte cinq fois moins cher que les chars Leclerc, Abrams, Leopard.

Pour le prix d'un Rafale, vous avez trois Soukhoï 35. 

Est-ce que la guerre en Ukraine a permis à la Russie de faire encore plus de progrès sur les armes non conventionnelles et les armes innovantes ?

La Russie a complètement changé son fusil d'épaule en termes de drones. Ils sont rentrés dans la guerre en Ukraine et ils n’avaient que quelques drones légers. Là, ils produisent à tour de bras la version russe du FAED. Ils produisent l'équivalent russe du Switchblade américain. Les Russes produisent beaucoup et s'adaptent vite. 

Les Occidentaux sont en retard vis-à-vis des Russes d'un point de vue technologique. La Russie a redémarré son industrie de défense à partir du mois de juillet 2022.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !