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Quand Mars regarde la Terre et quand les stylos écrivent l’heure : c’est l’actualité des montres aux premières neiges
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Mais aussi une fumée bleue qui se précise à cinq minutes près, une incursion fantastique dans un autre univers, une enchère faramineuse qui peut en cacher d’autres et un héritage militaire dignement assumé…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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DE BETHUNE : Quelque part entre Jules Verne et Giger…

Amateurs de montres bien sages, bien vintage, aux codes bien classiques, ne poursuivez pas la lecture de cette chronique, vous allez être horrifiéspar cette Dream Watch 5 Armilia que nous propose la manufacture suisse De Bethune. Ce n’est pas la première fois que cette maison « faute » ainsi contre les canons de la bienséance de l’intégrisme horloger : ses précédentes dream Watch témoignent d’une vive tendance à prendre les mécaniques horlogères pour des supports de rêves et d’utopies. Ce qu’elles sont, probablement : la communauté horlogère a toujours été fertile en créateurs qui poussaient le goût de l’indépendance jusqu’au bout de leurs convictions libertaires. Denis Flageollet, le maître-horloger (français) qui a co-créé De Bethune est un de ceux-là et il aime tant les montres qu’il réussit à en faire des vaisseaux d’évasion vers d’autres montres, comme celui du dessinateur belge François Schuiten. Il était donc inévitable de voir un jour fusionner l’imaginaire de Schuiten et l’approche non-conformiste de l’horlogerie de Flageollet, avec un trait d’union assuré par Michèle Rothen, dont on pourrait sans peine considéré qu’elle est une des meilleures – sinon la meilleure – graveuse sur métal du monde. Le résultat est assez stupéfiant, et même pire : ni la forme de la montre, ni son style artistique[inspiré par un célèbre dessin de la cité d’Armilia, dans les « Cités Obscures » de François Schuiten], ni même son affichage de l’heure ne correspondent à l’idée qu’on se fait d’une montre contemporaine. Avec cette pièce unique créée par De Bethune, on entre dans un ailleurs fantastique qu’on n’oubliera pas de sitôt : quelque part entre Jules Verne et HR Giger (celui d’Alien), à mi-chemin entre les armures de la Renaissance et les cosmo-croiseurs de la Guerre des étoiles, cette Armilia ressuscite la tradition des montres de caractère qui ne s’en laissent pas conter – inutile de vous dire que la mécanique est tout aussi exceptionnelle, avec ses heures et ses minutes numériques dans l’alignement d’une Lune sphérique. Tant que l’horlogerie suisse saura produire de tels chefs-d’œuvre, elle saura tenir au loin les nains californiens et leurs banales smartwatches

CARAN D’ACHE : Des mots qui écrivent des heures…

Pour une fois, on ne va pas parler d’une montre, mais d’un stylo-plume –sauf que c’est aussi une montre qui donne l’heure, qui est en même temps un stylo qui écrit ! On s’y perd et c’est tant mieux, parce que ce Timegraph relève d’une nouvelle catégorie horlogère, celle des objets polygraphes et multifonctionnels, capables d’écrire les heures aussi bien que les mots : on devrait bientôt parler d’une « haute écriture » comme il existe une « haute joaillerie » et une « haute horlogerie ». Cet objet d’exception est signé Caran d’Ache, maison genevoise qui porte haut les couleurs de l’écriture Swiss Made à travers le monde : il a fallu deux ans de travail pour réussir à intégrer un mouvement mécanique horloger qui se remonte et qui donne l’heure dans un corps de stylo à encre de dimensions classiques. Le tout avec des finitions dignes de la haute mécanique horlogère. Le résultat est assez bluffant et il permet aujourd’hui de classer Caran d’Ache parmi les… nouvelles références de l’horlogerie contemporaine…

MEISTERSINGER : Une fumée à cinq minutes près…

On a réservé aux amateurs français cette édition de la Pangea Date habillée d’un cadran bleu lagon – le bleu est la nouvelle mode pour les cadrans horlogers ! Encore plus mode, le bleu « fumé », c’est-à-dire dégradé du centre vers les bords, ce qui apporte une touche de fantaisie à une montre que son concept mono-aiguille [une seule aiguille pour les heures et les minutes : on s’habitue vite à cette précision à cinq minutes près !] rend un peu austère. Une autre touche un peu décalée : le discret petit guichet de la date à six heures. Le tout avec un mouvement automatique suisse. Dommage que cette précision très « philosophique » dans son approximation contrôlée soit un peu gâchée par l’énorme mention « Limited Edition » apposée sur ce beau cadran : franchement, qu’est-ce que ce renseignement apporte au poignet de l’amateur qui a précisément choisi d’échapper à la dictature des montres hyper-précises à la seconde près ?

LONGINES : Un héritage militaire impossible à renier…

Encore une Longines, encore une réussite pour cette maison suisse qui aura marqué une impressionnante série de bons points au cours de cette année 2019. La recette paraît simple : la bonne montre au bon prix dans la bonne boutique. Longines est une des marques qui aura le mieux su rester au contact de ses clients grâce à un réseau de détaillants de proximité compétents et spécialisés [là où les autres marques préfèrent s’isoler dans la tour d’ivoire de leurs propres boutiques, réservées de fait aux grandes métropoles]. Le bon prix, c’est quand la montre est assez belle pour donner l’impression qu’elle coûte beaucoup plus cher à qualité égale [ici, on est nettement au-dessous des 2 000 euros – et ça ne se voit pas !]. La bonne montre se distingue par son allure classique, inspirée par les montres militaires des années 1930 : cette Heritage Military 1938 – il n’y en aura que 1938 exemplaires – n’a pas à rougir de cette génétique puissante, ni dans son style, ni dans sa mécanique à remontage manuel. Pour honorer cet héritage, les aiguilles et les chiffres ont été traités dans un Super-Luminova de couleur crème (genre patine à l’ancienne), alors que la « petite seconde » décalée à dix heures possède un « chemin de fer » on ne peut plus vintage [en prime, deux bracelets, le premier en cuir veilli, le second façon « NATO » de cuir cognac]. Que demander de plus à une montre contemporaine ?

RICHARD MILLE : Allo, la Terre ? Ici, la planète Mars…

L’horloger français le plus célèbre de sa génération – Sa Seigneurie Richard Mille – n’est jamais en retard, ni d’une tendance[il sait les devancer], ni d’une célébrité [il les accumule comme « ambassadeurs »], ni de propositions de « fétiches » horlogers capables de combler les vœux des (très) riches amateurs de montres capables d’exprimer tant ces tendances que l’aura qui s’attache à ces célébrités. Richard Mille a donc décidé de collaborer avec le célébrissime Pharell Williams, auteur, compositeur, interprète et producteur, qui a déjà une belle collection de montres Richard Mille. La prochaine sera la « sienne », un tourbillon RM 52-05 qui portera son nom, et elle exprimera un point de vue original sur le monde, puisqu’il s’agit de représenter la Terre à l’horizon de la planète Mars. Cette proposition radicale nous transporte dans le canyon martien baptisé Valles Marineris, puisque c’est là que s’est posé la première sonde spatiale Mariner 9 lancée depuis la Terre vers Mars. Pour le reste, or rouge, titane, diamants noirs, diamants blancs et émaux grand feu, avec une mécanique à hautes performances taillée dans des matériaux high-tech. Pour l’anecdote, la couronne de remontage reprend le dessin de la capsule spatiale et le bracelet en caoutchouc a le profil très particulier des pneus du rover martien. 

BON À SAVOIR : Quelques infos en direct du comptoir horloger…

C’était la grande semaine des enchères horlogères de fin d’année. Dans la lignée des adjudications euphoriques du printemps, on s’attendait à des coups de marteau pleins d’étincelles – et on n’a pas été déçus, sauf que ça n’a pas exactement fonctionné comme prévu. L’enchère spectaculaire, c’étaient les 28 millions d’euros payés par un mystérieux enchérisseur pour une Grande sonnerie de Patek Philippe, pièce unique en acier dont la version en or se paie dix fois moins cher (décryptage Atlantico du 14 novembre). C’est beaucoup d’argent pour une montre en acier, ce n’est pas forcément de l’argent propre et c’est en tout cas l’arbre qui cache la forêt parce que les autres enchères n’ont rien eu de bien spectaculaire : la géopolitique mondiale (Asie, Proche-Orient, Amérique latine, etc.) et la dépression économique rampante n’incitent pas à l’euphorie dans les salles de ventes, où on n’a guère battu de records tout en constatant qu’une nouvelle génération d’amateurs – plus jeunes, moins « collectionneurs » au sens technique et culturel du terme – venait de débarquer sur le marché, sans le moindre respect pour les icônes classiques de l’adjudication, mais avec la ferme intention de profiter des montres qu’ils sont prêts à surpayer pour se faire plaisir, pour frimer ou pour investir ailleurs que dans les valeurs chéries par leurs parents. Qu’est-ce qui fonde la valeur réelle de cette Rolex « Stelline », payé 1,8 millions euros, sinon qu’elle est à la fois très identifiable (cadran étoilé, triple calendrier et phases de Lune), très portable et donc très porteuse de sens (ci-dessous) ? On pourrait en dire autant de cette pièce unique Zenith El Primero en platine, avec son cadran en aventurine, partie à 230 000 euros, ce qui est en fait la Zenith la mieux adjugée de l’histoire de la marque (ci-dessous). On peut déjà prédire l’arrivée en bourrasque d’un coup de jeune sur le monde des enchères…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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