Quand les écureuils s'habillent en micro-mosaïque, quand les panthères filent en platine et quand les milliardaires font des caprices en couleur<!-- --> | Atlantico.fr
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Un bestiaire qui ne tient qu’à un fil, tressé d’or et de platine martelés et assemblées pour composer un décor semé de pierres précieuses.
Un bestiaire qui ne tient qu’à un fil, tressé d’or et de platine martelés et assemblées pour composer un décor semé de pierres précieuses.
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Atlantic-tac

Dernière chronique horlogère de l'année, avec une montre qui tient sa promesse, une HMS qui tient parole (heures, minutes, secondes) et une année 2015 qui nous tiendra en haleine…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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CARTIER : Dentelles sans arsenic et panthères cousues de fil d’or…

Délicieux prédateurs avec leur regard d’émeraude et leur fourrure tachetée de laque noire, dans un magnifique entrelacs de fils d’or et de platine. Il faut saluer le clin d’œil de cette fourrure qui vient décorer la « lunette » de la montre (cerclage supérieur du boîtier) en complétant le travail de sertissage des diamants, qui se prolonge lui-même dans les lignes qui structurent le cadran. C’est le grand retour du filigrane joaillier dans une approche à la fois figurative et stylisée, harmonieusement mise en valeur par le ciel étoilé sur lequel se détachent les deux panthères, animal fétiche de la marque…



SICIS : Sous les écureuils en micro-mosaïque de verre, une montre-noisette qui donne l’heure…

On trouve de sympathiques petits écureuils dans les grands jardins de Londres (Hyde Park), de New York (Central Park) et de Paris (le Luxembourg). La maison italienne Sicis, spécialiste des techniques ancestrales de micro-mosaïque de verre, a dédié trois petits écureuils à trois montres qui ont tout pour se faire remarquer au poignet. À gauche : l’aventurier de Hyde Park sur fond de fourrure bleu électrique (il ne s’agit évidemment pas d’un manchette de vair, nom ancestral de la fourrure de petit-gris, l’autre nom de l’écureuil). Au centre : plein de caractère et logé dans sa fourrure noire, l’hôte rougissant de Central Park. À droite : avec des touches de bleu et de chalcédoine, un des résidents du Luxembourg. Vous aurez noté la petite montre qui sert de noisette au pied de ces malicieux écureuils, qui jouent sans trop de mièvrerie dans un registre précieux.



ROMAIN GAUTHIER: L’extravagante perfection d’une haute horlogerie de tradition…

Jeune horloger indépendant (dix ans d’atelier sous sa signature), Romain Gauthier est né dans cette vallée de Joux dont les enfants n’ont pas vraiment d’autre choix que d’entrer en religion horlogère : 6 500 habitants dans cette étroite tranchée de 25 km de long, mais 6 700 emplois dans quelques-unes des plus célèbres manufactures suisses, comme Jaeger-LeCoultre, Breguet ou Audemars Piguet. Né dans le chaudron de potion magique, Romain Gauthier a tenu à en relever les traditions deux fois séculaires, comme en témoigne sa dernière HMS en platine. HMS pour Heures Minutes Secondes : du grand art côté conception (admirez la subtilité des courbes qui structurent le cadran ou l’absence de couronne de remontage, reléguée au dos de la montre), mais aussi côté finitions – chaque pièce est longuement polie et repolie à la main, avec des anglages très soignées et un mouvement entièrement développé et réalisé à la main par l’équipe du maître-horloger. Les collectionneurs sont sur les dents, puisqu’il n’y aura qu’une dizaine d’exemplaires en platine de cette HMS d’anthologie. On est évidemment très loin du tapage de la montre surdistribuée et surpromue à grand renfort de publicités…



BAUME & MERCIER: À nous, les belles petites montres françaises…

Que réclament les jeunes femmes d’aujourd’hui, du moins celles qui n’ont pas d’amants richissimes dont l’égo passe par le poignet de leur compagne ? De jolies petites montres, simples, classiques, inspirées par la tradition de la belle horlogerie suisse, avec une discrète touche de modernité. Des montres à vivre, capables de passer en toute complicité du bureau à la piscine et de la soirée chic au week-end entre copains. Le tout avec une bonne marque et à un prix accessible, même si quelques diamants peuvent faire monter l’addition dans des proportions très raisonnables. C’est l’équation de la nouvelle Promesse lancée par Baume & Mercier pour la fin de l’année : vous risquez d’avoir du mal à la trouver tellement elle a tout de suite trouvé son public. Des rondeurs qui rassurent pour une marque qui assure, un bracelet tout-terrain, ce qu’il faut de joaillerie parce que les femmes aiment se dire « qu’elles le valent bien », un peu de nacre qui ondule sur le cadran et des chiffres romains pour affirmer une forte personnalité (comptez trois ou quatre billets de 500 euros, un peu plus avec les diamants). Il y a suffisamment de références dans cette nouvelle collection pour ne pas retrouver cette future icône au poignet de toutes les copines du bureau ou de la salle de gym…



FRANCK MULLER : À ce niveau d’exclusivité, ça devient de la très haute voltige…

Si vous croisez cette montre, dans cette couleur, au poignet d’un monsieur, vous pourrez en déduire deux choses : son propriétaire est plus riche que tout ce que vous pourrez imaginer et sa voiture est de couleur bleue. Signée par Franck Muller, la célèbre manufacture de Genève, cette montre Lykan est réservée aux propriétaires de la voiture Lykan, qui est actuellement l’automobile la plus chère du monde (3,4 millions de dollars, avec 15 carats de diamants dans les phares !), même si ce n’est pas la plus chère de toute l’histoire des supercars. Chaque propriétaire pourra assortir la couleur de sa montre à celle de la carosserie de sa Lykan, première voiture produite au Proche-Orient (Dubai), capable de rouler (où ?) à 400 km/h. Il n’y aura que sept exemplaires de cette Lykan – et donc de cette montre. Au-delà de cette frénésie ostentatoire et statutaire, culturellement endémique dans la région de production, une idée intéressante dans ce partenariat avec le groupe Franck Muller : les ateliers de Genève produiront certains composants de la voiture, dont la mise au point réclament des technologies d’usinage de haut niveau telles qu’on les pratique dans les manufactures de montres suisses… 



CAFÉ DU COMMERCE & DES MONTRES : On en parle devant le comptoir…

L’année 2015 s’annonce chahutée pour l’industrie horlogère suisse. Ce sera l’année où les montres connectées (smartwatches) vont déferler sur le marché, avec une bataille de chiffonniers qui s’annonce entre Apple, Samsung et les outsiders de l’électronique : d’une part, les Suisses n’y croient pas tellement ils sont convaincus de la supériorité ontologique de leurs montres ; d’autre part, à deux ou trois exceptions près, ils n’ont rien préparé pour endiguer ce « tsunami » qui va balayer les poignets de centaines de millions d’amateurs. L’histoire de la carpo-révolution (la bataille du poignet) reste à écrire, mais celle de l’horlogerie suisse arrive sans doute à la fin d’un glorieux chapitre… ••• Un peu partout dans le monde, les ventes de montres suisses s’érodent quand elles ne s’effondrent pas, comme en France où le reflux des touristes asiatiques a laissé les marques nues sur la plage, face à des amateurs qui n’ont plus les moyens de s’offrir des belles montres à des prix décents. Les Chinois et les Russes boudent. Même les riches Américains ont des états d’âme. Entrerions-nous dans des années de « vaches maigres » après des trois quinquennats de « vaches grasses » ? Le signal d’alarme est tiré, mais qui croit vraiment, en Suisse, au dégonflement de la bulle horlogère ? ••• Dans les économies occidentales, le rapport au luxe des amateurs a définitivement changé de paradigme : moins d’ostentation sociale, davantage de gratification intime, une solide exigence de qualité à un prix justifié par l’intelligence du produit plus que par le prestige de la marque. La mutation est profonde, sinon périlleuse en période de récession économique, mais les marques suisses s’accrochent à leur modèle économique dépassé et à la valeur statutaire et patrimoniale de leurs montres « intemporelles » : qui se souvient du nom des derniers grands fabricants de calèches, qui excellaient dans les beaux-arts du cheval et dans un somptueux « art de vivre », alors que les premières automobiles hoquetaient leur puanteur et leur inconfort sur les chemins ? L’histoire a tranché… ••• Le prix des montres suisses a été multiplié par 2,5 depuis l’an 2000 : quels amateurs – hormis les spéculateurs-fraudeurs, les narco-trafiquants et les ripoux des marchés émergents – ont vu leurs revenus croître dans ces proportions ? Le grand défi pour cette industrie des montres est aujourd’hui non seulement de répondre de façon créative au défi des smartwatches, mais surtout de le faire à des prix qui ne relèvent pas du grand banditisme en col blanc. Question de survie… ••• Tout ceci alors que 2015 pourrait bien être l’année de la grande offensive internationale des marques horlogères chinoises, qui se contentaient jusqu’ici de leur marché captif : leurs montres sont aux standards européens, mais avec des prix qu’on pratiquait ici à la fin du XXe siècle. Vous avez aimé le TGV, l’Airbus ou les téléphones chinois ? Vous allez adorer l’horlogerie mécanique à la mode Xi Jinping…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004... Lien : http://www.businessmontres.com

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