Petite historiographie des gains et des pertes électorales suite à un changement de nom de parti politique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'UMP à utiliser le nom "Les Républicains".
Le Tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'UMP à utiliser le nom "Les Républicains".
©Reuters

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Mardi 26 mai, le Tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'UMP à utiliser le nom "Les Républicains". Mais que ce soit pour le RPR en 2002, ou le Modem en 2007, un changement de nom de parti n'apporte pas toujours que des résultats positifs.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Globalement, quels enseignements peut-on en tirer de l'impact d'un changement de nom sur l'électorat en général, et sur les sympathisants en particulier ?

Christian Delporte : L’impact est immédiat mais ne dure pas. Le changement de nom s’accompagne de l’affichage d’une unité retrouvée, de sourires partagés, d’un élan communicatif. Tous les médias ont le regard fixé sur la mutation en cours. L’électorat se remobilise. Bref, c’est le moment de l’émotion. Et puis le quotidien de la politique revient, avec ses difficultés, ses épreuves, ses déceptions, et on s’aperçoit que rien n’a vraiment bougé, que les clivages sont les mêmes, que l’échiquier politique français reste intact. En France, la politique tient du glissement, pas de la rupture.

Le changement de nom d’un parti n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est qu’il réponde à la question fondamentale : au service de qui est-il placé ? Surtout à droite où le parti est organisé autour du chef. En 1976, le passage de l’UDR au RPR était symbolique : il signifiait que, désormais, le mouvement gaulliste se mettait en ordre de marche pour permettre à Jacques Chirac, et lui seul, de conquérir l’Elysée. Le "RPR", désormais, s’identifiait à Chirac. Derrière le changement de nom, ce qu’il faut observer, c’est la mutation de la structure du parti, le renouvellement des hommes qui l’accompagne, la transformation du projet au profit de l’ambition présidentielle du chef.

S’agissant des Républicains, ce qui compte c’est l’initiative du changement de nom par Nicolas Sarkozy, parce qu’il prépare la suite pour la reconquête de l’Elysée. En changeant le nom de l’UMP, il veut certes tourner la page, mais surtout construire une machine électorale pour 2017. Ceux qui viendront rejoindre les Républicains dans les semaines et les mois prochains, entraînés par l’émotion et l’élan du changement, viendront d’abord par adhésion à leur chef, Nicolas Sarkozy. Ils se transformeront comme autant de relais pour la primaire. Bref, en imposant un changement de nom, le grand vainqueur est nécessairement celui le porte : Chirac en 1976, Sarkozy en 2015 ou, à gauche, Mitterrand, en 1971.

  • Du RPR à UMP en novembre 2002

Après le changement de nom en novembre 2002, on observe une certaine stabilité de l'opinion à l'égard du parti. Mais une baisse des mauvaises opinions (passées de 44 à 40, données Ipsos voir ici). Comment l'expliquer, au regard du contexte de l'époque ?

L’UMP est créée entre les deux tours les législatives de 2002, après le coup de tonnerre du 21 avril, pour réunir la droite et le centre dans une "majorité présidentielle". C’est une idée de Jérôme Monod, grand fidèle de Jacques Chirac. Les élections gagnées, l’Union pour la majorité présidentielle devient l’Union pour un mouvement populaire : Alain Juppé voulait l’appeler la "Maison bleue", les centristes libéraux penchaient pour un nom propre du "parti populaire" européen. L’Union populaire l’a donc emporté.

A ce moment, on sort d’une période pleine de turbulences où le Parti socialiste est totalement à reconstruire. Il n’existe plus, seule la droite compte. La relative bonne image de l’UMP est caractéristique des débuts du nouveau quinquennat, où les Français, bien que sans grandes illusions, ont besoin de reprendre confiance. Les électeurs de droite et du centre ont toujours souhaité l’union : l’UMP la réalise par sa structure et dans la durée, pas seulement à l’occasion d’un scrutin électoral. Les électeurs de gauche, eux, espéraient un geste d’ "union nationale" que Chirac a ignoré. D’où ce résultat mitigé : le changement de nom, attirant l’attention des médias, suscite une modeste émotion, mais pas vraiment d’espoir. Au fond, dans le contexte si particulier de 2002, l’apparition de l’UMP est passée assez inaperçue.

L'évolution de la côte de popularité de Nicolas Sarkozy ne suit pas la même logique : elle baisse de 3 points en décembre (à 50), puis remonte à 58 le mois suivant (janvier 2003). Quel est l'effet du changement de nom sur les personnalités qui en sont à l'origine ? 

Beaucoup d’hommes politiques, à l’époque, enviaient les chiffres de popularité de Nicolas Sarkozy ! A cette époque, il est globalement dans une phase ascendante de sa popularité, qui fut toujours très médiocre avant 2002. Elle couronne l’action du ministre de l’Intérieur, pas du responsable UMP où il n’a pas de fonction essentielle, l’homme de la situation étant Alain Juppé. Sarkozy n’a pas joué un grand rôle dans le choix du nom de l’UMP, même s’il en est nécessairement l’une des figures marquantes, en raison de sa fidélité à Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle. La haute popularité de Sarkozy, qui peut fluctuer au cours des mois, est une popularité personnelle sans lien avec celle de l’UMP qui reste le "parti du Président". Mais c’est sa popularité auprès des militants qui lui permet d’en prendre la tête en novembre 2004.

  • De l'UDF au Modem en décembre 2007 

On observe une forte évolution dans l'opinion du parti suite au changement de nom de UDF à Modem. Ainsi, les opinions positives à l'égard du parti augmentent de 9 points (à 41), quand l'opinion négative baisse de 50 à 31. Comment l'expliquer ? Pouvez-vous nous rappeler le contexte de l'époque ?

Le Modem est créé en décembre 2007, à la suite du très bon score réalisé par François Bayrou lors de l’élection présidentielle : près de 19% des voix. Il réanime en quelque sorte l’UDF et repositionne le Centre sur l’échiquier politique. Bayrou lui-même, à l’époque, bénéficie d’une bonne image et son indépendance affichée à l’égard de l’UMP et du PS lui est favorable. En fait, le Modem bénéficie de l’effet Bayrou dont la cote de popularité s’élevait à 65% en mai 2007 et du caractère de nouveauté que représente son apparition. Mais l’émotion de la présidentielle passée, la vague retombée, les perspectives électorales restant lointaines, la popularité de Bayrou et de son mouvement s’érodent : en mai 2008, elle est retombée à 39%. Reste que le Centre est une donnée de la vie politique française : si ses leaders (à l’exception de V. Giscard d’Estaing) n’accèdent pas à la magistrature suprême, ils bénéficient généralement d’une assez forte popularité. Paradoxe d’une France qui rêve d’être gouvernée au Centre mais qui vote, alternativement, à gauche ou à droite…

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