Ordo ab chao : l'Anarchiste de Caron <!-- --> | Atlantico.fr
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Caron n’a rien perdu de sa flamme ni de son audace originelle.
Caron n’a rien perdu de sa flamme ni de son audace originelle.
©Le Noeud Papillon Sydney

Atlantico Chic

Quatorze ans après son lancement, L’Anarchiste de Caron reste un parfum masculin à part et injustement mésestimé par le grand public. Décryptage de ce grand parfum par Greg Jacomet, le "nez" de Parisian Gentleman et d’Atlantico Chic.

Greg Jacomet

Greg Jacomet

Greg Jacomet, 24 ans, est éditeur du magazine Parisian Gentleman, éditorialiste pour le magazine "The Rake" et un expert aujourd’hui très réputé en matière de parfumerie, notamment masculine. 
 
Il est également un grand spécialiste du monde des jeux vidéo et l’animateur de la rubrique "Atlantico Games" consacrée à l’actualité internationale du secteur.
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Caron est décidément une maison unique.

Que l’on aime ou non, il est impossible d’accuser l’institution Parisienne d’avoir jamais cédé aux effets de mode et de s’être reposée sur les lauriers de ses succès historiques. Caron est une maison qui a en effet toujours fait dans l’avant-garde, sans compromis, et dont les nez successifs ont eu à coeur de proposer des jus innovants, voire de niche, avec enthousiasme et talent.

Pour Un Homme de Caron, le premier parfum exclusivement pour homme en est l’exemple parfait.

Avec L’Anarchiste, Richard Fraysse, le parfumeur-créateur maison, nous le confirme : Caron n’a rien perdu de sa flamme ni de son audace originelle et prouve déjà à l’époque (en 2000) qu’il est encore possible de sortir des parfums uniques sur un marché masculin qui commence à se noyer sous les hectolitres de jus standardisés et sans âme.

Dans le sublime flacon recouvert de cuivre, qui fait autant penser à une flasque à whisky qu’à une sculpture Art Déco, se trouve en effet l’un des parfums les plus indéfinissables et les plus singuliers de sa génération.

L’ouverture est puissante et – excusez ma prédictibilité – quasiment anarchique. On y trouve beaucoup de choses, dans un joyeux chaos qui mêle des notes d’oranges et de menthe avec du vétiver et du bois, probablement du cèdre. C’est quand les notes les plus volatiles s’évaporent au bout de quelques minutes que la confusion s’installe – car il est bien question ici de confusion, à en croire l’air inquisiteur et légèrement abasourdi des quelques personnes m’ayant arrêté dans la rue pour me demander ce que je portais.

Peut-être est-ce d’ailleurs par association d’idée, la bouteille étant couverte de cuivre, mais je jurerais sentir des notes métalliques, presque de rouille, à travers un mélange de clou de girofle, de cannelle et d’autres épices dont la chaleur vient bousculer la fraîcheur des notes de têtes. Très près de la peau, la base est musquée, et peut-être légèrement iodée.

Notez que le paragraphe ci-dessus n’est que ma propre interprétation du parfum, les descriptions officielles ne faisant état ni d’orange, ni de quoi que ce soit de métallique et encore moins d’épices à vin chaud. Quoi que L’Anarchiste contienne, les interactions y sont tellement complexes que chacun semble donc y sentir ce qu’il veut y sentir. Une sorte de solipsisme olfactif. J’ai pu lire que certains y sentaient même du sang…

Quoiqu’il en soit, pour toute sa complexité, l’Anarchiste est d’une cohérence surprenante et se révèle être une fragrance très masculine, à la fois chaleureuse et fraîche, légèrement sale et résolument boisée.

L’Anarchiste est cependant un parfum qui se fait remarquer, ce qui est un avantage autant qu’un inconvénient, question de point de vue et de personnalité. Son sillage étant fort et sa longévité excellente, attendez vous donc à vous faire questionner plus souvent qu’à l’accoutumée et à ne pas forcément savoir quoi répondre. L’Anarchiste est un parfum d’une grande complexité qui ne se révèle pleinement qu’après plusieurs jours, voire plusieurs semaines de port. Certains pourraient même aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’un « acquired taste » (un goût qui ne s’acquiert qu’avec le temps).

Quant au flacon, en verre et recouvert de cuivre véritable, il propose un design unique parmi la gamme des parfums pour homme de la maison. Quelle excellente idée !

Le cuivre se patine délicieusement à l’usage, laissant l’empreinte de la main de son propriétaire sur le flacon dans de belles teintes oxydées. Et si le pulvérisateur aurait pu gagner à ne pas avoir sa sortie noir sur noir (ce qui peut créer des situations comiques si vous ne faites pas attention où ce dernier pointe quand vous appuyez), le design global est audacieux et parfaitement en phase avec l’esprit sans compromis du parfum qu’il contient. Pour tout le charme des flacons Caron classiques, ces derniers n’avaient pas forcément le panache nécessaire pour accueillir une telle fragrance. Un choix discutable pour certains, mais que je trouve à titre personnel judicieux, audacieux et d’une grande cohérence.

Fidèle à sa réputation, Caron signe donc un parfum unique, qui divise autant qu’il rassemble.

Une dualité qui se retrouve dans L’Anarchiste comme dans beaucoup de parfums de Caron : du chaud au froid, des notes habituelles aux associations quasi-expérimentales, L’Anarchiste est un parfum urbain et cosmopolite. Il établit son propre précédent et cette qualité en fait probablement l’un des parfums les plus contemporains et les plus originaux qui soient.

Dans l’Anarchiste de Caron, l’ordre naît du chaos.

A porter en ville.

Greg Jacomet.

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