Roger, Roger ! On a perdu Sarko !

Historique ! De mémoire de papivore, on n’avait pas vu ça depuis… au moins 2007. Cette semaine, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy a totalement disparu des écrans radars. Après des semaines — des mois — de débats, d’analyses, de critiques, de surenchères sondagières, les hebdos ont, par on ne sait quel prodige et comme d’un commun accord, mystérieusement décidé ce jeudi de ne pas parler de Lui. Rien dans “ Le Nouvel Observateur ”, “ L’Express ”, “ Le Point ”. Même “ Les Inrocks ” sont passés à autre chose. Seul “ VSD ” évoque indirectement le chef de l’Etat via le film “ La conquête ” qui raconte l’ascension de Nicolas Sarkozy à la présidence. Signe que c’est la fin ? Le président est devenu un personnage fictif. Il est apparemment sorti de la réalité.

Hasard du calendrier ? Un mois avant la projection, à Cannes, de “ la politique-friction ” de Xavier Durringer, où Denis Podalydès tient le rôle du chef de l’Etat, “ Le Nouvel Obs ” célèbre l’arrivée au pouvoir, il y a trente ans, de François Mitterrand. “ 10 mai 1981. La gauche gagnait ”, titre le journal. “ Pourquoi cette victoire, si improbable un an plus tôt ?, s’interroge Laurent Joffrin. La crise, bien sûr, les revendications insatisfaites, la longue attente d’une alternance et l’impopularité du sortant, Valéry Giscard d’Estaing, dont le pays un instant séduit se détournait, et la division de son camp, où un certain Jacques Chirac avait intérêt à la défaite du pouvoir, ont porté Mitterrand au pouvoir. A cet égard, note le journaliste, la situation de 2011 réunit quelques traits similaires (…). Mais il y eut, ajoute-t-il, un élément décisif, qui manque aujourd’hui et sans lequel la gauche risque fort de rater, une nouvelle fois, l’échéance historique : la ferveur ”. Avec le nombre de candidats en lice, déclarés ou pas, autant dire qu’il y a du boulot. L’hebdo le précise d’ailleurs quelques pages plus loin : “ Martine Aubry, elle aussi, veut y aller ”.

Nostalgie des années 80 ? Difficile de ne pas sourire, en vérité, à la lecture de ce dossier “ 10 mai ”. Après le récit de l’après-midi de la victoire (“ Mitterrand n’a pas cillé ”, raconte Robert Schneider), “ Le Nouvel Obs ” propose une série d’éclats sur les années Tonton (télé, chansons, “ nouveau look ”) mais aussi la campagne de 1981. A côté des “ secrets du bras de fer Giscard-Mitterrand ”, on retiendra le récit de la séance photo pour l’affiche de “ La force tranquille ”. Sommé par Jacques Séguéla de revêtir un “ costume Marcel Lassance ”, le futur président a été obligé de se changer en rase campagne par “ un froid de gueux ”. “ Gérard Colé, le conseiller en com, Christian Michel, le directeur artistique de RSCG, et Patrick de Mervelec, le photographe, tous, détournent le regard. François Mitterrand en caleçon, derrière un fourré, ce n’est pas l’image qu’ils sont venus chercher ce matin-là. (…) Quand Patrick de Mervelec range ses appareils, François Mitterrand est presque bleu. Bleu de froid. Bleu comme le fond de l’affiche qui est, en fait, un coucher de soleil sur le golfe du Morbihan prélevé par Gérard Colé dans son album photo personnel ”. Si on nous avait dit…

Synchrone, “ Le Point ”, ou en panne d’idée ? L’hebdomadaire de Franz-Olivier Giesbert revient, lui, cette semaine, sur le 21 avril 2002 et son “ retraité apaisé ”, on a nommé… Lionel Jospin. “ A Daniel Vaillant, indique le journal, Lionel dit souvent que “ revenir comme avant serait une frivolité ”. “ Il a de ces raideurs ”, s’amuse Jacqueline Chabridon, intime du couple ”. Oui, ça, on l’avait noté. “ Que fait aujourd’hui Lionel Jospin, 73 ans ?, poursuit “ Le Point ”. Il joue au tennis deux fois par semaine. (…) Et ses partenaires de confier qu’il lui arrive fréquemment de battre son professeur. (…) “ Il adore chanter le répertoire français. Souvent, on se retrouve chez lui et Sylviane pour des soirées piano, toujours très animées. Il adore chanter, rigoler ”, livre Jacqueline Chabridon ”. En vrai, Yoyo, c’est Rires et Chansons. 

Nous l’aurait-on changé ? “ “ Jospin joue la posture de la réserve, mais tout prouve qu’il a tous les jours envie d’être là ”, analyse anonymement un membre du Bureau national. “ Son rêve absolu serait d’être réhabilité. Personne au parti ne creuse l’affaire Jospin et lui s’est construit un décorum, une vie de bobo à vélo pour échapper à la remise en question ”, cingle un autre. ” On l’apprend dans l’article, par la voix de Daniel Vaillant, l’ancien candidat à la présidentielle a bel et bien “ hésité ” à se représenter en 2007. “ “ Et puis, un soir, on s’est tous retrouvés ici, dans mon bureau à la mairie du 18^e, confie le fidèle soutien. Lionel s’est assis là, contre le radiateur. Il nous a dit qu’il ne serait pas candidat (…). Ce fut terrible. Beaucoup s’essuyaient les yeux, se mouchaient. Eric Besson était en larmes ” ”. Ah, ben, celle-là, on ne s’y attendait pas !

Il y en a un dont on sait de moins en moins à quoi s’attendre, c’est Nicolas Hulot. “ Il est encore trop ambigu pour certains, souligne “ Le Point ”. “ J’ai toujours été en retard, reconnaît l’intéressé, en se tortillant sur sa chaise. Moi, je mets du temps, j’ai besoin de savoir ce qui est faisable avant de dire “ je suis contre ” (…) “ La candidature d’Hulot est une candidature Bisounours, tacle le décroissant Paul Ariès. Il laisse penser que des milieux d’affaires au social l’union sacrée est possible ”, dit celui qui juge Hulot “ foncièrement de droite ”. Un reproche qui revient dans la bouche des partisans d’Eva Joly. (…) “ Il a un peu le cul entre deux chaises, confirme un proche. Mais les fondamentaux de l’écologie vont plutôt l’emmener à gauche ” (…) “ Hulot a des fils à la patte, résume Fabrice Nicolo, auteur de “ Qui a tué l’écologie ? ” (Les liens qui libèrent). C’est un boy-scout affreusement consensuel ”.

Du boy-scout aux cathos, il n’y a pas loin. Tandis que “ Les Inrocks ” reviennent sur l’affaire “ Piss Christ ”, “ L’Express ” consacre son dossier de une au “ Nouveau pouvoir des cathos ”. “ Hors des canaux traditionnels, une nouvelle génération de catholiques reprend le flambeau, le verbe haut, tissant ses réseaux. Avec, déjà, quelques jolies victoires politiques à la clef ”, titre le magazine. Et de citer en exemple le “ club des Bedeaux ” qui, “ chaque premier vendredi du mois, se réunit dans une église parisienne, pour une prière et un repas en commun. Ses membres sont “ banquiers, avocats, patrons d’entreprise, journalistes ” et se réunissent ainsi depuis “ près de dix ans ”. (…) En cas de besoin, le petit groupe “ s’entraide tout naturellement, dans une amitié joyeuse et gratuite ” ”. 

Parmi ces cathos nouvelle génération, raconte “ L’Express ”, le député maire de Paray-le-Monial, Jean-Marc Nesme, a réussi à dissuader l’UMP d’inscrire à son programme l’adoption pour les homosexuels. Il a également empêché un projet de loi autorisant les célibataires à adopter d’être “ présenté au Conseil d’Etat ”. En vue de la Présidentielle, “ François Billot de Lauchner, patron de la Financière Saint-Louis et président de la fédération Banque-Finance-Assurance de l’UMP, a (par ailleurs) dégainé en lançant en novembre dernier le club Audace 2012. Il soumettra aux candidats ses “ 12 mesures pour la France ”, dont la suppression de l’IVG et la “ suspension ” de l’immigration ”. Même Guéant n’aurait (peut-être) pas osé.

A lire encore dans vos hebdos, “ Christine Lagarde au FMI ? ” (“ L’Express ”), “ Les secrets du parrain proxénète de Marine Le Pen ” (“ VSD ”), “ Ceux qui ruinent la France ” et “ Mark Landis, peintre, faussaire et philanthrope ” (Le Point ”). Dans “ L’Obs ”, enfin, “ L’ère de l’enfant-femme ” et la bienfaisante interview de Frédéric Taddeï, “ La pensée n’est pas unique ”, qui mérite franchement d’être lue. Et méditée.