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Affaire DSK : 
le vagin, la crise et la loi du profit
©DR

Revue de presse des hebdos

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le vagin de Nafi. Reste à savoir si c’est par souci de justice ou pour l’argent. Car tout est lié, y compris, apparemment, “ la crise ” qui nous fait nous ronger les sangs.

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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A J – 7 de l’audience qui nous a pollué l’été et menace sérieusement de nous gâter l’hiver (sans parler, oh la la !, du printemps 2012), on s’attendait bien à un petit éclat — on veut bien sûr parler d’une énième révélation sur l’affaire DSK. Dans le registre glauque, on pensait avoir touché le fond. Hé bien, on s’était mis le doigt dans l’œil. Et jusqu’au coude, encore ! Mis en ligne mardi après-midi, veille de la sortie en kiosque du magazine, le “ scoop ” de “ L’Express ”, toujours très en pointe sur le dossier (ce n’est pas la première fois qu’on le fait remarquer — on vous renvoie à l’interview de Tristane Banon et à la “ confession-choc ” de sa mère, Anne Mansouret) a immédiatement suscité une avalanche de commentaires outrés. De là à estimer que “ le rapport médical de Nafissatou Diallo ” ne devait pas être publié… à vous de trancher. Reste le contenu : sordide, qu’on est, hélas, bien obligé de rappeler.

Localisation : “ 5 and 7 o’clock ”

D’après le rapport médical que s’est donc procuré “ L’Express ”, allons-y gaiement, “ “ l’homme nu aux cheveux blancs verrouille la porte et entraîne (la jeune femme) sur le lit ” pour une première tentative, puis au fond du couloir, où il déchire ses collants, saisit “ la partie extérieure de sa zone vaginale ”, “ enfonce profondément son pénis dans sa bouche en la saisissant par les cheveux ”. Jusqu’à l’émission du sperme dont elle décrit le goût et “ qu’elle crache sur la moquette ”. (Sur le) schéma de la zone vaginale de la victime, la partie inférieure du vagin, “ la fourchette postérieure ”, est hachurée au crayon pour marquer l’emplacement d’un traumatisme. A droite sur la page, le praticien a inscrit au stylo rouge “ rougeur sur la fourchette ”. Il précise encore : “ 5 and 7 o’clock ”. Entre “ 5 et 7 heures ”, comme sur le cadran d’une montre. (…) Le rapport conclut : “ Diagnostic : agression. Cause des blessures : agression. Viol ”. Ca, c’est fait.

Le témoignage de Tristane Banon pas assez “ important ”

Deuxième scoop : à côté du rapport, “ L’Express ” publie une interview exclusive de l’avocat de Nafi, Kenneth Thompson. Est-il convaincant ? A voir. “ Les procureurs n’ont jamais fait grand cas de ces éléments médico-légaux ”, remarque le mag. — “ En réalité, ils en ont parlé, mais au tout début ”, répond-il. — “ Reste que Nafissatou Diallo a beaucoup perdu en crédibilité durant l’enquête ”, réagit le journal. — “ La presse a livré une petite phrase, prétendument tirée d’une conversation avec un détenu d’une prison d’Arizona, pour démontrer que Nafissatou discutait avec un dealer de drogue du meilleur moyen de rançonner le patron du FMI. Or, je veux le souligner, cette phrase n’existe pas ! (…) Cette phrase est un amalgame délirant produit par des traducteurs incompétents ”. 

D’après “ VSD ”, qui consacre sa couverture à “ l’audience décisive du 23 août ”, “ Ce problème de traduction n’est toujours pas réglé. Pour étayer leur dossier, les défenseurs de Nafi Diallo se sont concentrés sur la recherche de témoignages d’autres victimes présumées de “ M. Strauss-Kahn ” ”. Dans “ L’Express ”, Kenneth Thompson le précise : “ Deux femmes m’ont contacté et sont prêtes à venir témoigner. L’une d’elles dit avoir été agressée par DSK dans une chambre d’hôtel ; une autre vient d’Afrique, mais je ne peux pas en dire plus. — “ Le cas de Tristane Banon pourrait-il servir au procès civil ? ”, interroge le news. —“ Je sais qu’elle dit la vérité et qu’elle pourrait donner un aperçu des comportements sexuels de Strauss-Kahn. Mais les témoignages que je viens d’évoquer peuvent être d’une autre importance ”.

Des dizaines de millions de dollars de dommages et intérêts

A la question “ Pourquoi avoir lancé si vite un procès civil en dommages et intérêts, au risque de laisser penser que votre cliente cherche surtout à se faire de l’argent ? ”, Kenneth Thompson répond à “ L’Express ” qu’il “ n’avait pas le choix. Si un arrêt des poursuites pénales est prononcé, explique-t-il, dans les minutes qui suivront l’annonce, DSK pourra s’envoler pour la France, et je n’aurai alors aucun moyen de lui signifier légalement ma plainte civile ”. D’après “ VSD ”, la victime présumée pourrait réclamer “ des dizaines de millions de dollars. Ses avocats avouent à demi-mot que la partie est perdue au pénal. Au civil, ils s’adressent à la cour suprême du Bronx, en réalité un tribunal local, composé de jurés “ made in Bronx ”. Souvent pauvres, noirs ou latinos, ils seront peut-être plus enclins à croire Nafi et à enfoncer un riche Blanc. “ Les jurés du Bronx sont le meilleur redistributeur de richesses depuis l’Armée rouge ”, selon le bon mot de l’avocat médiatique Ron Kuby ”. Selon Michael Wittman, conseiller à la cour criminelle de Brooklyn, les avocats de la plaignante empocheraient “ un tiers de la somme des dommages et intérêts, comme c’est l’usage ”. Vous avez dit glauque ?

Crise à tous les étages

Et quoi, d’autre, sinon, dans la presse, cette semaine ? Mis à part le dossier “ Francs-maçons ” du “ Nouvel Obs ”, accommodé à la sauce 2012, histoire de faire plus riche, un sujet revient en boucle, qui n’est pas prêt d’être épuisé, vu qu’il est apparemment sans solution — on veut parler, bien sûr, de “ la crise ”. On le sait — du moins, on veut y croire : il n’est pas de problème que l’absence de solution ne permette de résoudre. Après lecture des dossiers consacrés à la question, en amis, on vous le dit tout de même : la situation a de quoi faire franchement baliser. Evidemment, certains en profitent, qui n’hésitent pas à verser dans le sensationnel. Pendant que “ L’Express ” vous explique “ Comment protéger votre argent ? ”, “ VSD ” vous prodigue carrément ses “ conseils pour éviter la ruine ”. En 2011, que voulez-vous, on se donne les frissons qu’on peut

Gauche/droite, tous coupables

Pour se donner des frissons, donc, et se remettre tout de suite les idées en place, on conseille le petit graphique “ A partir de quel mois l’Etat vit-il à crédit ? ”, extrêmement parlant, publié en page 28 du “ Point ”. En 1980, c’était à partir du mois de décembre, et “ le déficit budgétaire s’élevait alors à 1, 2 milliard d’euros, soit 0, 3 % du PIB ”. Trente ans plus tard, en 2010, l’Etat “ vivait à crédit ” dès le mois de juillet. Le déficit, lui, s’élevait à “ 136, 5 milliards d’euros, soit 7, 1 % du PIB ”. Ca défrise, hein ?

Le doigt vengeur, le magazine accuse : “ Depuis trente ans, la France n’a jamais présenté un budget à l’équilibre. Tout a commencé au début des années 80. Choc pétrolier, plan de relance de Pierre Mauroy, promesses électorales de François Mitterrand… Ensuite, tous les gouvernements, de droite et de gauche, ont choisi la même stratégie : surtout ne pas faire de rigueur, un horrible gros mot. Avec ce résultat : la dette a été multipliée par sept. (…) Petit à petit, la dette est même devenue une ressource supplémentaire, au même titre que l’impôt. (…) Ces lâchetés sont encore plus coupables au regard de ce qu’ont fait nos voisins. En 1994, la France était l’un des deux pays les moins endettés de l’Europe des Quinze. Seulement voilà… Entre 2000 et 2004, deux années à gauche, deux années à droite, tandis que nos voisins baissaient leurs déficits en moyenne de 3, 5 %, la France augmentait les siens de… 8, 3 %. Elle faisait un pari fou : la croissance, pour que tout aille mieux ”.

Concours Lépine or not concours Lépine ?

Parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer, “ Le Point ” ironise : pour s’en sortir, “ le concours Lépine fiscal est lancé. Hervé Morin veut augmenter la TVA sur le Coca-Cola (aujourd’hui à 5,5 %), Jean-Louis Borloo mettre en place une sorte de taxe Tobin (0,1 % sur les placements financiers). Marine Le Pen exige que “ l’Etat emprunte directement à taux très bas ou à taux nul auprès de la Banque de France ”. Etc, etc…

De concours Lépine, il en est aussi question dans la tribune que François Hollande publie ce jeudi dans “ Le Nouvel Observateur ”, mais pour mieux en réfuter le principe : “ Je veux dire la vérité aux Français, écrit-il. A court terme, un effort devra être consenti. Il ne pourra se résumer à un concours Lépine sur la réduction des niches fiscales. Il appellera une révision de l’ensemble de nos prélèvements ”. Rigueur annoncée ? Les Français y sont-ils prêts ? D’après “ L’Obs ”, toujours, “ personne ne croit aux prévisions du gouvernement pour 2012. (…) Alors que l’économie européenne s’effondre — excepté en Allemagne et dans les pays scandinaves — et que celle des Etats-Unis bat sérieusement de l’aile, comment croire François Baroin, le ministre de l’Economie et des Finances, quand il maintient que la France maintiendra ses objectifs de rigueur… sans augmenter les impôts sur les sociétés et les ménages ni les prélèvements sociaux ? ”. Est-ce le signe que le gouvernement revoit sa cutie ? “ A l’issue d’une “ réunion de crise ” improvisée mercredi 10 août, raconte le news, Nicolas Sarkozy a promis des arbitrages pour le 24 août ”.

Crise, sexe et profit

Le 24 août : juste au lendemain de l’audience new-yorkaise tant attendue. Etrange comme tout se recoupe… Avant d’être “ l’homme de la suite 2806 ”, Dominique Strauss-Kahn était le candidat providentiel qui devait “ nous faire sortir de la crise ”. Depuis son “ empêchement ”, force est de le reconnaître, celle-ci est bizarrement devenue plus présente, “ palpable ”, au point, même, qu’elle barre tout l’horizon. De là à poser un lien entre la crise, le sexe et le profit… A l’heure où résonnent les premiers échos de la rentrée littéraire, le nouveau livre d’Eric Reinhardt, “ Le système Victoria ” (Stock), laisse entendre de curieuses résonances avec la situation que nous vivons

Son héroïne, d’après “ Le Nouvel Obs ”, est “ un mixte de DSK et de Catherine Millet ”. “ Avec elle, explique l’auteur dans “ Les Inrocks ”, il me semble avoir créé un type romanesque nouveau et très contemporain : l’homme ou la femme de pouvoir de la mondialisation. Ces nouveaux VIP qui travaillent dans des multinationales, assument d’importantes responsabilités, passent leur temps à aller d’un pays à un autre, enchaînent les conference calls, voyagent en première classe, et descendent dans les meilleurs hôtels. (…) Victoria se montre très masculine, notamment dans l’affirmation de son désir et de sa sexualité dévorante. (…) Son insatiable besoin sexuel est une métaphore de l’idéologie du profit : elle cherche à assouvir ses pulsions coûte que coûte, quels que soient les dégâts que cela peut engendrer. (…) A la fin, elle implose, tout comme le système libéral a failli, à cause de son désir de profit démesuré, imploser au moment de la crise des subprimes ”. Un peu comme DSK, quoi. Avant, peut-être, cette fois, que le système n’implose vraiment.

A lire, encore

“ 11 septembre. Dix ans… ” (“ Télérama ”),  “ Chine : les nouveaux maîtres du monde ” (“ VSD ”), et les dossiers Angleterre (partout). Dans le "Nouvel Obs", “ Cosa Nostra : le crépuscule des repentis ” et l'interview du spécialiste des marchés financiers Marc Fiorentino "Ca ne sert à rien de courir après le triple A !". Dans “ Le Point ”, “ Michele Bachmann et l’appel de Dieu ”, “ Ces spéculateurs qui mettent le feu aux marchés ”, “ Le casse-tête de la primaire ” et l’interview du Dalaï-Lama, “ fraîchement retraité ”. “ La confiance résout tous les problèmes ”, dit-il. Bon, ben, y’a plus qu’à être confiants, alors.

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