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Misrata, aout 2011.
Misrata, aout 2011.
©Nasser Busen, sur son compte Facebook

Revue de Blogs

Les blogueurs libyens reviennent peu à peu en ligne. Condamnés au silence par les représailles et les coupures d'Internet depuis février, ils racontent la "libération" des Libyens ordinaires en photos ou en mots, avec une réserve et une prudence motivées par une situation compliquée, dans un pays compliqué.

Depuis février et les premiers rassemblements contre Kadhafi, les cyberactivistes libyens tels que Libyan Youth,ont mené la résistance en ligne, la plupart du temps depuis l'étranger. Les blogueurs de Libye s'étaient tu. Cette semaine, From the rocks, le blog  pionnier d'une Libyenne de Tripoli qui blogue en anglais sous le pseudo Highlander depuis quatre ans, est à nouveau actif, et c'est tout un symbole : aussitôt, d'autres blogs libyens lui ont emboité  le pas. Pour la plupart écrits en anglais, sous pseudo, les blogs libyens partagent tous la même émotion et les mêmes mots :" Le mur de la peur est tombé".

Highlander n'est pas si sûre que cela dure. "Je ne veux pas être pessimiste, enfin, pas tout de suite, au moment ou la liberté a été goûté, mais je suis au moins sûre que je peux maintenant parler de l'ère Kadhafi sans craindre des représailles, et c'est déjà en soi même un soulagement". Profitant de cette "petite fenêtre", elle a commencé à raconter l'insurrection libyenne de l'intérieur, jour après jour, et commence par l'une des journées qui l'ont le plus frappée, le 17 février, deux jours après la première manifestation au centre de Tripoli :

"Le 17 février, je sortais ma voiture du garage pour aller au travail, il faisait encore nuit, je pouvais entendre et voir les voisins qui sortaient des prières du matin de la mosquée ,de l'autre coté de la rue, et quand j'ai fait marche arrière, mes phares ont accroché quelque chose d'écrit sur le mur. J'ai eu si peur que j'ai calé au milieu de la rue ; je me suis demandée pourquoi les voisins n'avaient rien remarqué et j'ai compris qu'ils n'avaient pas vu, ou alors qu'ils avaient fait semblant de ne pas voir.

Le gros graffiti en arabe sur le mur disait :  "A bas Mouammar Kadhafi". Le même sur la maison à la gauche et sur l'immeuble en face de chez nous. Jamais encore je n'avais vu ça en Libye, que quelqu'un ose faire une chose pareille. Et le voir dans ma propre rue signifiait pour moi que vraiment, la peur et le silence avaient été brisés en Libye. J'avais peur que les gens de Kadhafi le voient et nous fassent du mal, j'étais sure que dans d'autres quartiers de Tripoli, leurs murs parlaient aussi. L'atmosphère était électrique". 

Imtidad , un blogueur chirurgien, emploie les mêmes mots : "Nous avons été libérés de la peur". Pour lui, ces six mois meurtriers ont aussi eu un aspect bénéfique : libérer graduellement la conscience d'être une nation.

"Ce ne sont pas seulement les peurs personnelles qui ont commencé à se dissiper en nous au cours des six derniers mois. Nous nous sommes activement réapproprié une nation qui avait été kidnappée pendant plus de quatre décennies. La bataille militaire a été accompagnée par une libération du sens de ce que c'est d'être Libyen, avec tout le poids historique et culturel que cela représente. En juste six mois, une génération de jeunes Libyens a commencé à apprendre ce que cela pourrait signifie de mener une vie sans la terreur de mal faire aux yeux des dirigeants. Une fois qu'ils ont gouté au fruit défendu, il n'y avait pas de retour en arrière possible'. C'est cette évolution humaine ou psychologique qui n'a peut etre pas été bien saisie par le monde extérieur. Les noms et les visages des Libyens ordinaires qui se sont mobilisés ont été cachés par le débat politique, surtout le pour et le contre de l'intervention internationale,car les fantômes des conflits passés ou actuels dans la région nous hantaient tous".

Il évoque aussi la complicité des états et médias occidentaux:

"Je ne peux pas nier que beaucoup de ceux qui ont subi 40 ans de silence durant le régime Kadhafi se sont sentis abandonnés. Pas seulement par les pouvoirs étrangers qui ont collaboré à ce pouvoir. Les médias occidentaux aussi nous ont abandonnés, en montrant toujours plus d'intérêt à couvrir les excentricités et les clowneries de Kadahfi que ce que vivaient les Libyens ordinaires, pas seulement les persécutions s'ils osaient faire dissidence, mais, dans une économie riche de pétrole, le manque des plus élémentaires services de santé et d'éducation et des infrastructures complètement dilapidées".

Khadija, mère d'un jeune "combattant de la liberté",  a passé la nuit historique du samedi  Tripoli  à faire la cuisine:

"La nuit dernière, après avoir passé toute la soirée à essayer de joindre Yusef, le téléphone a sonné. Il était presque trois heures du matin. et c'était Yusef : "Maman ! Je ne suis pas loin de la maison. J'amène des copains! Prépare nous quelque chose à manger!" "Vous êtes combien ?" "Juste six". Nos chiens ont commencé à aboyer pour annoncer l'arrivée de nos hôtes qui ont garé leurs voitures blindées dans la cour de la ferme. Ils ont refusé de s'approcher de la maison, préférant rester dans le champ sombre sous les étoiles. "ça fait cinq mois qu'on vit dehors" m'ont-ils dit. '"On est habitué à ça." Cela a été  vraiment un grand honneur de nourrir les combattants de la liberté".

On the Edge,l'épouse étrangère d'un Libyen qui réside à Tripoli depuis 20 ans, est d'un optimisme très prudent :

"Je prie pour que cette NOUVELLE LIBYE devienne un exemple à suivre pour d'autres, mais pour ceci arrive, il faut qu'elle ait des lois qui sont respectées par tout, et ne pas retomber dans les vieilles mauvaises habitudes où celui qui a le plus de " wasta"( influence) gagne.Ou celui qui a le plus d'armes gagne. Priez pour nous".

Morganleafya passé la nuit sur la Place des martyrs de Tripoli, avec les révolutionnaires de Misrata.

"Beaucoup d'entre eux ont perdu leur famille à cause des cadeaux de Kadhafi (bombes, mortier, mines) et j'espère qu'ils attraperont Kadhafi ou l'un de ses fils avant tout le monde, ils souhaiteront ne jamais être nés. Et ils étaient très en colère aujourd'hui quand ils ont appris que certains membres de la famille Kadhafi se sont échappés en Algérie. J'ai aussi visité l'endroit où se trouvent des centaines de mercenaires d'Afrique, de Serbie, de Croatie et de Mauritanie, et ils m'ont empêché de prendre des photos. Alors j'ai questionné mon ami au sujet des (mercenaires) européens, et il m'a dit : 'Ce sont des spécialistes des lanceurs de  roquettes multiples, des snipers, et des spécialistes des systèmes de missiles aériens". Merci à Kadhafi d'avoir débarrassé l'Europe de criminels de guerre. J'essaierai de faire des photos et de les compter, de savoir de quel pays ils viennent et comment ils sont entrés en Libye, mais le gros problème pour moi, c'est de passer les contrôles de sécurité, qui sont très durs. C'est une aventure, une grande aventure".

L'agrégateur de blogs libyens All Libyan Blogs permet de lire d'autres témoignages et informations publiés sur les blogs libyens.

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