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Le livre de l’eau, d’Edouard Limonov, Bartillat. 292 p., 20 euros.
Le livre de l’eau, d’Edouard Limonov, Bartillat. 292 p., 20 euros.
©Reuters

Atlantico Lettres

"L’eau de Limonov" se descend cul sec comme une vodka de haute graisse. Une critique du journal Service Littéraire.

Christian Montaignac

Christian Montaignac

Christian Montaignac est écrivain et journaliste pour le journal Service Littéraire. Dernier ouvrage paru : “Le soir venu” au Cherche-Midi.

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Nous devons à Emmanuel Carrère, qu’il fait bon suivre hors de son dernier exercice d’étouffe-chrétien, d’avoir découvert Limonov. Son récit biographique, publié en 2011, était à déguster sans modération, à descendre, à dévaler. Plein assuré, le tout sans autre raison qu’une rencontre avec un invraisemblable personnage, il s’agissait de savoir si l’on attendrait de se dégriser ou si l’on en reprendrait. La dépendance guettait, elle vient de frapper. Il a suffi de la goutte d’ironie contenue dans un titre, “Le livre de l’eau”, pour, désolé, replonger. Goût de pomme ou pas, c’est du brutal. Mais pas seulement, il y a du sentiment coulé dedans. D’accord, l’iconographie de bonne compagnie se passera de lui. Limonov est moins recommandable qu’Hemingway, Edouard le Terrible ne sera jamais Tonton Ernest. Né en 1943 avec le chaos, il passera sa vie à le chercher, à le provoquer. Et, de Manhattan à Sarajevo, de Paris à Moscou, dandy ou voyou, clochard ou maître d’hôtel, toujours canaille, il restera dans la quête permanente de la transgression, de la provocation. Pour cet Ukrainien embastillé par Poutine et qui soutient, à présent, la Russie, il en va du sexe comme de l’idéologie, tous les coups sont permis, qui déteste me suit. À l’arrivée, mais rien n’est fini, d’une foi et d’une loi à l’autre, les siennes et sans vergogne, quel écrivain les amis ! Si vous en doutez, offrez-vous “Le livre de l’eau” comme une grosse pinte d’un alcool rare. Et, désolé pour les voisins, inscrivez au fronton de votre pavillon le conseil de l’auteur haïssable : « Choyez votre mégalomanie, cultivez ce qui vous distingue des autres, évitez la contagion de l’ennui ». Lisez-le surtout, il vous en restera un certain goût car le bonhomme écrit comme personne.

Né en prison après ses romans inclassables comme “Le poète russe préfère les grands nègres”, “Le Petit Salaud”, “Autoportrait d’un bandit dans son adolescence”, sans oublier “Journal d’un raté”, “Le livre de l’eau” est la remontée aux sources d’un néo-punk nationaliste, allumé de première, illuminé de toutes les causes. Tour à tour rocambolesque et odieux, ce pirate de notre temps est un époustouflant créateur d’images. Au fil de toutes les eaux, lacs, fleuves, fontaines, mers, ruisseaux, il flotte d’une aventure à l’autre, poète sanglant, chien écorché, chat battu, instinct roi, repoussant et fascinant. N’en jetez plus, cet affreux, sale et méchant à plus d’un titre dérive et nous emporte. Toute comparaison avec les maîtres russes serait superflue. L’amoral de l’histoire c’est lui, Limonov, ce pseudonyme qu’il s’est choisi, en référence au citron qui pique et à la grenade qui dégoupille. Une fois ouvert le livre de cet infréquentable, on ne le lâche pas. Garçon, remettez-nous ça !

Le livre de l’eau, d’Edouard Limonov, Bartillat. 292 p., 20 euros.

Source : Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l'actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, cliquez sur ce lien.

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