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Le Japon produit des souliers élégants et raffinés.
Le Japon produit des souliers élégants et raffinés.
©The Armoury

Atlantico chic

Les artisans japonais sont réputés pour leur attention portée au détail et pour leur minutie peu commune, résultat d’une culture ayant toujours tenu l’artisanat en haute estime.

Greg Jacomet

Greg Jacomet

Greg Jacomet, 24 ans, est éditeur du magazine Parisian Gentleman, éditorialiste pour le magazine "The Rake" et un expert aujourd’hui très réputé en matière de parfumerie, notamment masculine. 
 
Il est également un grand spécialiste du monde des jeux vidéo et l’animateur de la rubrique "Atlantico Games" consacrée à l’actualité internationale du secteur.
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Le Japon est un pays fascinant.

Et je ne parle pas ici des éternels stéréotypes que certaines personnes se plaisent à maintenir en vie à grands coups d’aphorismes quasi-mystiques attribuant des pouvoirs magiques à tout ce qui est écrit en sanscrit / kanji / hanzi / hangul ou autre. Après tout, comme Oscar Wilde le disait si bien “The actual people who live in Japan are not unlike the general run of English people; that is to say, they are extremely commonplace, and have nothing curious or extraordinary about them.”

Dans notre domaine, il convient d’ailleurs de rétablir une simple vérité : le salaryman japonais n’est pas mieux habillé que le cadre moyen français.

Il est en revanche tout à fait exact de dire que le Japon n’est pas en reste quand il s’agit de produire des collectionneurs acharnés et autres passionnés atteints au dernier degré. Des individus magnifiquement irrécupérables, dont la vision idéalisée de « l’âge d’or » du style masculin classique est à la fois d’un grand romantisme et d’une grande fraîcheur. Des personnages étonnants comme le japanese centipede et sa collection de chaussures à donner le tournis, ou nos amis de the 30s Style pour n’en citer que deux.

Il ne serait pas non plus exagéré d’affirmer que les artisans japonais sont réputés pour leur attention portée au détail et pour leur minutie peu commune, résultat d’une culture ayant toujours tenu l’artisanat en haute estime. Comme la magnifique production locale de Whisky a pu nous le prouver, le Japon n’a pas non plus peur de s’approprier un artisanat originellement étranger pour l’enrichir de son savoir-faire local et pour finalement proposer quelque chose de neuf en retour.

C’est en feuilletant un numéro du Mook japonais Last (n°4) dédié au soulier masculin, que l’idée de cet article m’est venue. Bien que brièvement mentionné à quelques reprises sur PG, nous ne nous étions jamais réellement penché sur l’art bottier japonais.

La hasard des choses a fait que lors d’une visite d’une tannerie de cuir de chameaux à Dubaï, Hugo a croisé les deux éditeurs de Last, qui nous ont gracieusement offert un numéro ; une sacré aubaine, si l’on considère à quel point le magazine est dur à trouver en dehors du Japon. Et si mon niveau de japonais est en net progrès, mais reste pour l’instant trop faible pour en apprécier la ligne éditoriale à sa juste valeur, la grande qualité du guide d’achat proposé et les trois cours reportages dédiés à Yohei Fukuda, Bolero, et Regal Tokyo semblent extrêmement convaincants.

Le Japon produit des souliers parmi les plus élégants et les plus raffinés qu’il m’ait été donné d’admirer. Comme Justin Fitzpatrick, notre « Shoe Snob « préféré le dit si bien, « I never tire of looking at shoes made by Japanese bespoke shoemakers […] something about their shoes, even though they may be classic styles, always seem to set themselves apart from their competitors. »

© Spigola / The Armoury

Les souliers japonais ont indéniablement ce petit je ne sais quoi …

Il n’est pas difficile de caractériser les grandes lignes de l’art bottier italien et anglais. Comme pour l’art tailleur, les Anglais ont tendance à préférer les formes sobres, très classiques, là où les Italiens tendent à favoriser des formes plus élancées et plus naturelles. L’art bottier japonais semble être en revanche à peu près aussi indéfinissable que l’art bottier français. En cela il semble être une synthèse des écoles anglaises et italiennes, augmentée de la couleur et du savoir-faire local.

D’ailleurs, un certain nombre d’artisans bottiers japonais ont été apprentis pour des maisons Européennes. Un artisan comme Yukiko Bassett Okawa de Bench Made a par exemple étudié au « Cordwainers College of London » avant de travailler chez John Lobb pendant 8 ans. Sans surprise, ses créations sont bien plus proches de ce qui se fait en Angleterre que celles de Koji Suzuki avec Spigola, ce dernier ayant fait ses armes avec Roberto Ugolini en Italie. Et bien que le Japon compte lui aussi son lot de cursus locaux de grande qualité, une telle transmission de savoir dépassant les frontières n’est certainement pas anodine et est à saluer.

Et c’est sans doute cela qui fait de l’art bottier japonais une scène tellement intéressante à suivre ; le nombre de bottiers sur-mesure y est très important, tout comme le nombre de styles différents qu’ils proposent, et la demande locale ne semble pas prête de faiblir. Car c’est bien sur la consommation locale que les artisans japonais survivent ; certains, comme Bolero, affirment n’avoir jamais réalisé de paire sur-mesure pour des clients occidentaux ! Un tel vivier de talents fait aussi jouer la compétition de manière significative. Ainsi, il n’est pas rare de voir des offres sur-mesure à 200.000¥ (~1500e), bien que les prix moyens se situent plutôt aux alentours 315.000¥ (~2300e) dans le cas de maisons établies comme Otsuka (et leurs magnifiques bottines Balmoral).

L'école Japonaise a indéniablement des choses à dire.

Et bien au delà de l'aspect romantique et exotique de la chose, la simplicité, l'élégance et le rafinement extrême des lignes à la japonaise ont déjà conquis de nombreux amateurs de souliers masculins.   La minutie et l'attention au détail incroyable des artisans du cru ont donné également au soulier Nippon une très belle réputation internationale.

De nombreux artisans et apprentis sont d'ailleurs depuis de nombreuses années dispersés dans le monde entier (Emiko Matsuda chez Foster & Son, Kuroki Satoshi chez John Lobb), certains se sont même installés en Europe sous leur propre nom (Hidetaka « Il Micio » Fukaya à Florence, Ryota Hayafuji à Munich); et comme l'on peut s'y attendre, leur réputation les précède.

Et si le soulier du Japon ne s'exporte au final que peu en occident, c'est plus par contrainte financière (10h+ d'avion pour un essayage, c'est beaucoup !) qu'autre chose. Et puis ces maisons n'ont pas besoin d'exporter pour survivre (comme c'est le cas pour les maisons occidentales), le secteur se satisfaisant pleinement de la demande asiatique qui ne montre aucun signe de faiblesse.

Le grand nombre de bottiers sur-mesure présents au Japon, une presse passionnée et méticuleuse et un public éduqué et connaisseur font donc, sans surprise, du Pays du Soleil Levant un territoire extrêmement fertile et créatif pour le soulier masculin mais également pour l'élégance masculine classique.

Le Japon, l'autre pays du soulier ?

Assurément.

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