La déflation, le vrai risque systémique en vue (et comment s'en protéger)<!-- --> | Atlantico.fr
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"On risque d’assister à une "nipponification des économies" qui se traduira par de la déflation.
"On risque d’assister à une "nipponification des économies" qui se traduira par de la déflation.
©Reuters

Revue d'analyse financière

Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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Un des « traders pour compte propre » qui intervient régulièrement sur BFM a prononcé cette semaine une phrase d’anthologie : « Si on veut vraiment comprendre ce qui se passe sur les marchés, il vaut mieux arrêter de réfléchir » !

Essayons donc de faire le contraire.

1/ L’injection massive de liquidités par les banques centrales ne provoque pas de reprise significative des économies. Le multiplicateur bancaire est cassé, ce qui signifie que toutes les liquidités qui sont fournies aux banques ne sont pas utilisées pour consentir des crédits aux entreprises, qui n’en demandent pas vraiment d’ailleurs.

2/ La masse monétaire se contracte partout aux Etats-Unis, en Allemagne comme en France en Italie et en Espagne.

3/ La politique de taux courts très bas (Zero Interest Rate Policy- ZIRP) est une catastrophe. Bloquer les taux d’intérêt, c’est aussi stupide que de bloquer les loyers. Cela permet aux Etats de continuer à emprunter de l’argent dans de très bonnes conditions et de ne pas faire les réformes indispensables. Cela fait ensuite monter le prix des actifs. Cela garantit enfin une mauvaise allocation du capital, bun appauvrissement des classes moyennes et de la déflation. Une économie dont les prix sont fixés par les marchés ne peut fonctionner sans coût du capital. Les taux bas empêchent la croissance. C’est une politique qui est très anti sociale, car elle favorise le remplacement des salariés par des robots. De nombreuses entreprises américaines qui avait créé des usines en Chine sont en train de rapatrier leur production aux Etats-Unis en achetant des robots.

Cela aboutit a réaliser finalement des transferts de la poche du petit épargnant à celle du spéculateur.

4/ Les niveaux de valorisation des marchés ne sont pas particulièrement attractifs. Aux Etats-Unis, les indices S&P 500 et Nasdaq ont monté respectivement de 32% et 40% alors que les profits des entreprises ont très peu progressé.

5/ Le rythme d’inflation est très faible. Hors pétrole, il est autour de 1%. Les prix de gros baissent même en Allemagne.

6/ Malgré cette situation préoccupante, beaucoup d’économistes pensent que nous sommes en phase de reprise, car les indicateurs économiques avancés sont en hausse. Ce n’est pas forcément le cas, car ces indicateurs sont souvent trompeurs.

En Italie par exemple, les indicateurs avancés sont à un niveau élevé, mais la production industrielle continue de baisser.  Et puis après tout cela n’est pas un problème, puisque les banques centrales vont continuer à imprimer toute la monnaie dont les marchés ont besoin jusqu’au jour où la reprise se produira.

Tout investisseur raisonnable ne peut pas ne pas prendre en compte ces éléments, mais comme le disait Chuck Prince patron, de Citigroup, en 2007 : « Quand la musique s’arrêtera cela deviendra compliqué en terme de liquidité, mais tant que la musique continue de jouer, il faut se lever et continuer de danser ».

Contrairement à ce que pensent les économistes keynésiens, la seule chose qui compte vraiment, ce n’est pas tant le niveau des taux que la relation entre les taux d’intérêts et la croissance. Quand les taux d’intérêts réels sont supérieurs au taux de croissance, on est dans une trappe à dette. La rentabilité des entreprises n’est pas suffisante pour rembourser leur dette.

En revanche en Grande Bretagne, les taux d’intérêts sont proches du taux de croissance car ils ont pu utiliser la baisse de la Livre Sterling pour effectuer les ajustements nécessaires.

Le vrai risque systémique, c’est donc la déflation. On risque d’assister à une « nipponification des économies » qui se traduira par de la déflation. Les victimes seront les entreprises dont les prix sont inélastiques et les entreprises endettées. Il est particulièrement difficile de se protéger contre la déflation.

La seule très bonne nouvelle serait une forte baisse du prix du pétrole. On peut se demander si l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine et des sunnites n’est pas précisément de maintenir par de la tension internationale élevée un prix élevé de l’or noir. Vladimir Poutine veut déstabiliser l’Arabie Saoudite pour essayer de porter le prix du baril à 200$. Si cela se produisait, il faudrait encore compenser la hausse des matières premières par une baisse des salaires.

En France, l’Euro a jusqu’à maintenant permis à la France d’éviter de faire des réformes car elle a pu continuer d’emprunter sur les marchés financiers dans de très bonnes conditions (1,49% en 2013). En revanche, cela asphyxie les entreprises françaises. Comme l’Europe a 170Md€ d’excédent courant grâce à l’Allemagne, il n’y a aucune raison pour que l’Euro baisse. Tout cela n’échappe pas à la Commission Européenne, qui a placé la France sous surveillance renforcée avec les plus mauvais élèves de la zone Euro. La Commission dénonce un coût du travail très élevé en France et une baisse du chômage en trompe l’œil. En Allemagne, les marges des entreprises devraient s’écrouler dans les deux ans qui viennent compte tenu de la forte baisse du Yen qui rend les produits japonais beaucoup plus compétitifs.

Aux Etats-Unis, l’augmentation de la dette des entreprises est allée principalement dans l’ingénierie financière (rachat par les sociétés de leurs propres actions notamment). Les sociétés américaines ont augmenté leur endettement de 1950md$. Depuis le début de la crise, elles n’ont investi que 450Md$... La politique monétaire US est stupide, mais les Etats-Unis ont pour le moment la chance d’avoir la seule monnaie de réserve importante du moment. Elle peut solder ses déficits en imprimant sa propre monnaie. Si la Federal Reserve n’arrivait pas à normaliser la situation, on pourrait assister à ce qui s’était passé en 1934 où une récession américaine avait été transformée en dépression mondiale.

La Chine est le seul pays à fixer ses taux d’intérêt à un niveau raisonnable. Elle va sortir progressivement de toutes les activités à faible valeur ajoutée. Comme le salaire mensuel d’un ouvrier du textile est désormais de 155$ par mois, elle va arrêter de produire de Tee Shirts et  laissera le textile à de nouveaux pays comme le Bangladesh (68$), l’Inde (71$), le Sri Lanka (73$), le Pakistan (79$), le Cambodge (80$), le Vietnam (96$).

Les crises dans les pays émergents se produisent quand les banques centrales sont obligées de vendre leurs réserves de change. Quand les réserves de change baissent, cela produit des « Black Swan » très bien décrits dans le livre de Nassim Taleb.

Le Japon a plus de dépôts bancaires à vue que les Etats-Unis. Le Japon n’est pas endetté vis-à-vis de l’extérieur. Les japonais préfèrent acheter des obligations d’Etat qui ne leur rapportent rien plutôt que de payer des impôts. Cette situation devrait évoluer. Il faudra donc essayer d’acheter ce que les particuliers chinois (la fameuse Madame watanabe) vont avoir envie d’acheter dans les dix ans qui viennent.

Allocation

Dans un monde idéal, il faudrait avoir un portefeuille 50% actions/50%obligations pour attendre que la poussière retombe.

On est obligé de détenir des actions, mais il faut se concentrer sur les valorisations et protéger son exposition. Les sociétés doivent avoir un cash flow positif. Il faut être aux Etats-Unis en raison de la baisse du coût de l’énergie et acheter dans les pays émergents pendant les crises de liquidités mais ne pas toucher aux pays traversant une crise de solvabilité. La discipline consiste à acheter des sociétés de qualité à des prix raisonnables dans les secteurs de l’économie qui vont connaître une forte croissance comme l’économie de la connaissance, l’économie de la démographie, l’économie de la sécurité et l’économie verte.

Il faut détenir des obligations longues, comme les Bons du Trésor US à 30 ans.

Acheter des « Dim Sum Bonds » ce sont des obligations en Renminbi émises par de grandes sociétés comme IBM, Air Liquide etc... La monnaie chinoise va devenir la devise de règlement des échanges commerciaux de toute l’Asie. C’est déjà le cas pour 17,5% du commerce extérieur en Asie. L’ambition de la Chine pour sa devise est qu’elle devienne une sorte de deutschemark. Si on ne peut pas le faire, il faut les remplacer par des obligations en Livre Sterling et en Couronne Suédoise.

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