Atlantico Lettres
La croisière s’amuse
Mitterrand, Morand et quelques banquiers véreux dans un huis clos qui dégage. Une critique du journal mensuel "Service Littéraire".
Il y a deux côtés dans le dernier livre de Jean-Luc Gendry, financier écrivain, le côté « comtesse » et le côté « affaires ».
La comtesse est celle de Ségur car les deux personnages purement romanesques du roman sont archétypes d’aristocratie. L’un, narrateur principal, est Montmorency, grands seigneurs quand les Bourbons se débattaient dans la glèbe ; l’autre, son âme sœur est Wittelsbach – rien de mieux en Bavière. Nobles comme personne, les deux compères sont aussi fervents catholiques, préconciliaires il va sans dire, latinistes affectionnés. Voilà pour le côté comtesse. Le côté « affaires » est le gros morceau. Toutes les affaires sont concernées : financières, industrielles, littéraires, politiques et scientifiques. Jean-Luc-Gendry connaît tout le monde. Il a invité toutes ses relations à un huis clos magnifique.
Pour une croisière de rêve à bord d’un navire inouï, concentration des raffinements qui conviennent aux superbes. Les mêmes dont aujourd’hui les fortunes font boule de neige, selon Thomas Piketty, tandis que fondent les avoirs du vulgum pecus. On ne nommera pas les invités de Jean-Luc Gendry à bord du Night and Day. Ils n’étaient que trop connus à l’époque des faits (le début des années 80). Mitterrand est là, très entouré, ne doutant pas de s’installer très vite à l’Elysée. Débordants de secrets d’enrichissement, les banquiers, dont beaucoup ne sont pas encore morts, le fortifient dans sa croyance. Paul Morand est là aussi, intarissable au rebours de sa prose magnétique, dans le rôle du sage qu’il ne fut pas, courtoisement épaulé par Jean d’Ormesson. L’auteur n’est pas toujours tendre envers ces célébrités, mais il est toujours impartial hormis une tête de Turc : de Gaulle ; personne n’est parfait, de Gaulle ne l’était pas non plus.
Avec tous ces importants, les lecteurs chrétiens se verront loin du Magnificat. Une citation magnifique du père Sertillange, dominicain célèbre entre les deux guerres, les consolera de tout le reste.
J’aimais tous vos secrets, de Jean-Luc Gendry, Éditions de Fallois, 317 p., 19 €.
Source : Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l'actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Éric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc . Pour vous y abonner, cliquez sur ce lien.
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