L'opinion française face à la Syrie : pourquoi Hollande joue (très) gros sur le fond et sur la forme<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le jeu des dominos diplomatiques fait peser un risque de plus en plus fort sur la situation au Moyen-Orient."
"Le jeu des dominos diplomatiques fait peser un risque de plus en plus fort sur la situation au Moyen-Orient."
©Reuters

Politico Scanner avec Délits d’Opinion

Alors que Barack Obama a demandé un vote du Congrès américain pour décider d'une éventuelle intervention militaire internationale en Syrie, François Hollande exclut toujours un vote du Parlement. Or, comme le révèle plusieurs sondages, le président joue dans ce dossier son rapport avec une importante partie des Français.

Raphaël  Leclerc

Raphaël Leclerc

Raphaël Leclerc est co-fondateur du site Délits d'Opinion, site de référence de l'opinion publique et des sondages. Il a commencé sa carrière au pôle politique de l'Ifop avant de travailler au sein des cabinets de conseil TILDER et VAE SOLIS de 2008 à 2011. En 2011 il rejoint "BSA" le département conseil de l'Institut d'études et de conseil CSA.

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S’il est bien un domaine dans lequel le président Hollande n’a pas souhaité prendre le parfait contre-pied de son prédécesseur, c’est celui de la politique étrangère ; tout du moins celui du volontarisme sur la scène internationale. Domaine réservé du chef de l’Etat, il a, très tôt, été confronté au choix d’une intervention au Mali, comme le fut Nicolas Sarkozy il y a quelques années en Libye. Alors que la communauté internationale et l’opinion publique semblent de plus en plus impatientes de voir la situation se régler en Syrie, le jeu des dominos diplomatiques fait peser un risque de plus en plus fort sur la situation au Moyen-Orient, redevenu ce « baril de poudre prêt à exploser ».

En effet, les positions de Téhéran et de Moscou semblent irréconciliables avec celles de Paris et de Washington, lesquels envisageraient une sanction ou a minima des attaques ciblées même si Obama éprouve les plus grandes difficultés à obtenir l’aval du Congrès qui doit se prononcer le 9 septembre. Ainsi, François Hollande, chef des Armées, doit patienter encore quelques jours avant de prendre sa décision. Si la sollicitation extraordinaire du Parlement mercredi 4 septembre ne devrait pas déboucher sur une décision d’intervention, elle va accentuer la pression sur le président : si une intervention et la gestion post-conflit pourraient ressembler à l’Irak, faire marche arrière reviendrait à ne pas sanctionner l’utilisation présumée d’armes non-conventionnelles.

François Hollande l’a bien compris, la Vème République donne au Président un poids très fort sur ces questions d’interventions militaires. Le droit d’ingérence (ou non), théorisé par Jean-François Revel en 1979, est une opération risquée mais qui peut, si elle est bien menée, asseoir définitivement l’autorité du chef de l’Etat. A quelques jours d’une décision sans doute cruciale pour la France et alors que Bachar el-Assad ne cache plus ses menaces « contre les intérêts français au Moyen-Orient », Délits d’Opinion s’est penché sur l’arbitrage suprême qui se profile pour le président ; désormais engagé en France sur ce dossier international.

De l’indispensable soutien de l’opinion publique française en cas d’intervention à l’étranger

Si la France n’est pas officiellement en guerre, ses forces armées sont cependant fréquemment mobilisées sur le front. Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur apporte la preuve que le soutien de l’opinion publique a toujours été un facteur déterminant pour les différents présidents français.

En janvier 2013, l’Ifop indiquait que 65% des Français se déclaraient favorables à une intervention au Mali. Quelques années plus tôt, sous la présidence de Nicolas Sarkozy les interventions au Darfour (juillet 2007 – 62%) puis en Libye (mars 2011 – 66%)  avaient été elles aussi très soutenues. Au cours du mandat de Jacques Chirac, là encore les interventions en Afghanistan (octobre 2001 – 55%) et au Kosovo (avril 1999 – 58%) avaient trouvé un soutien majoritaire parmi l’opinion. Enfin, la présence de troupes françaises en Somalie (décembre 1992 - 82%) et en Bosnie  (mai 1994-68%) s’étaient elles aussi appuyées sur une opinion publique volontariste.

Sur un plan intérieur, ces interventions hors de nos frontières restent les marqueurs forts d’un mandat présidentiel. Pour des raisons historiques tout d’abord car la culture militaire française et le poids du pays sur la scène internationale demeurent une constante qui touche le patriotisme. La puissance nucléaire, le siège au conseil de sécurité de l’ONU et l’autorité de ce que Dominique de Villepin appelait « ce vieux pays d’un vieux contient » sont des éléments qui trouvent un écho important chez une majorité de Français.

Au niveau de l’impact de ces interventions pour l’exécutif, on peut tenter de l’analyser à deux niveaux : le bilan politique et l’effet sur la popularité du chef de l’Etat. Une intervention assumée et qui rassemble la communauté internationale est un point très positif qui permet de renforcer très fortement le poids politique du président dans le concert des nations. Ainsi, la non-intervention de Chirac en Irak ou l’engagement des troupes françaises en Libye sont de bons exemples de la capacité de la France à revêtir le costume de chef de file.

Sur le plan de la popularité, l’exercice est plus complexe dans la mesure où cet indicateur mensuel est un mélange extrêmement complexe et qu’une décision comme celle d’engager l’armée est bien souvent mélangée avec des résultats économiques, un projet de loi et un contexte social précis. On peut néanmoins confirmer que ce type de décision est l’occasion de rassembler dans son propre camp. Pour un François Hollande qui demeure bloqué à 2,8 sur l’Indice Délits d’Opinion et qui éprouve les plus grandes difficultés à faire l’unité dans sa majorité, l’exercice s’annonce donc périlleux.

Une opinion publique qui penche vers une intervention… sous bannière de l’ONU seulement

En fin de semaine dernière, alors que l’hypothèse d’une intervention était évoquée avec de plus en plus d’insistance, l’Ifop et l’institut CSA ont révélé les résultats de deux sondages qui précisent l’état de l’opinion publique sur cette question, ainsi que les limites à ne pas dépasser pour le président.

Selon l’enquête CSA, seuls 45% des Français sont favorables à une intervention des Nations-Unies en Syrie. L’Ifop apporte un résultat un peu plus favorable (55%) même si la question semble un peu trop « contextualisée » : « Vous savez que depuis deux ans une guerre civile occasionnant de violents combats… ». Un score qui diffère également du fait du choix méthodologique retenu : le CSA proposait une échelle de réponse dite « en 5 » avec la possibilité de répondre « sans opinion » ; alors que l’Ifop ne proposait qu’une échelle « en 4 » ce qui forçait d’une certaine manière la réponse. En conclusion, l’état de l’opinion doit se situer au niveau des 50%, soit un score inférieur à ceux observés pour toutes les autres interventions décrites plus haut. Une situation qui semble renforcer le besoin d’aller chercher au Parlement un soutien de poids.

Dans le détail on notera également un soutien plus marqué à gauche dans le sondage CSA (55%) mais cependant un score très faible pour le Front de gauche (38%) et plus mesuré pour EELV (50%). Dans le même temps on a pu noter que les groupes se fissurent : entre Harlem Désir qui évoque « l’esprit munichois de l’opposition » et une UMP qui vacille sur la question du débat et du vote. Un indicateur supplémentaire qui fait monter la pression politique pour un président dont on jugera autant la décision que la méthode employée s’il décide d’engager le pays dans ce conflit sans l’aval des Nations-Unies ou tout du moins l’aide de l’allié américain. 

Réalisés avant le refus du Parlement britannique, la convocation du Congrès américain et la réunion parlementaire prévue aujourd’hui mercredi autour de Jean-Marc Ayrault, ces deux sondages sont des signaux faibles que le président va devoir prendre en compte s’il ne veut limiter les dégâts, mais surtout éviter à la France une initiative qui pourrait s’avérer beaucoup plus grave que prévu initialement.

En effet, tout comme pour le Mali, la France est une nouvelle fois citée explicitement comme un « Etat ennemi » qui apporte son soutien aux terroristes ; ce qui devrait contribuer à accroitre davantage la pression de l’opinion sur l’exécutif comme en atteste le baromètre Ifop-Atlantico de la menace terroriste (72% début août 2013).

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