Gilles-William Goldnadel : ce qui m'anime<!-- --> | Atlantico.fr
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Chaque semaine, Gilles-William Goldnadel chronique pour Atlantico l'actualité française et internationale.
Chaque semaine, Gilles-William Goldnadel chronique pour Atlantico l'actualité française et internationale.
©DR

La semaine Goldnadel

Chaque semaine, Gilles-William Goldnadel chronique pour Atlantico l'actualité française et internationale. Quelques thèmes privilégiés reviennent fréquemment dans ses écrits. Non sans susciter la polémique ! Pour cette première édition de l'année, interview sur les motivations de notre chroniqueur.

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il a notamment écrit en 2024 "Journal de guerre : C'est l'Occident qu'on assassine" (éditions Fayard) et en 2021 "Manuel de résistance au fascisme d'extrême-gauche" (Les Nouvelles éditions de Passy). 

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Atlantico : Dans votre dernier bloc-notes de 2012, consacré au succès de la blogosphère de droite (voir l'article en cliquant ici), vous suggérez, comme souvent, que la gauche exerce sur la vie médiatique et intellectuelle française une emprise intolérable. Pourquoi ne pas y voir, tout simplement, une attractivité supérieure des idées assimilées à la gauche ?

Gilles-William Goldnadel : Tout d'abord, sérions les questions : sur l'impérialisme de la gauche intellectuelle, il ne me viendrait pas à l'idée de reprocher au Monde, à Libération ou aux Inrockuptibles d'être de gauche et donc de véhiculer "une pensée".

Ce que je considère, en revanche, comme effectivement intolérable - et qui est pourtant considéré comme normal - c'est le manquement du service public audiovisuel de l'information à son obligation de neutralité. Le personnel de France Inter, France 2 et 3, d’Arte - et c'est vrai que je l’ai dit, écrit et que je le répéterai ad nauseam - trouve parfaitement normal de laisser transparaître, de manière quasi unanime, sa "sensibilité de gauche", revendiquée à  plusieurs reprises. Pour moi c'est un manquement déontologique à l'égard d'une partie des Français qui payent une redevance.

Si le personnel politique de droite avait plus de courage et de conviction, ce combat devrait être une priorité. Ce n'est pas une question seulement de désinformation, c'est encore et surtout parce que sous couvert de service public et d'un ton moralisateur, on laisse à penser depuis des lustres à une large partie du public que la vision sociétale ou politique de ces journalistes, par ailleurs souvent talentueux, correspondrait à la norme.

Mais au-delà de la question de l'information stricto sensu, la véritable domination culturelle gauchisante s'exerce, de manière peut-être insoluble, dans le domaine cinématographique et artistique. De tout temps, l'utopie artistique aura rempli son office salvateur tant pour aiguillonner le prince que pour ré-enchanter un monde angoissant. Mais dans le monde virtuel dans lequel nous vivons, l'artiste a ravi aux acteurs politiques déclinants la place centrale qu'ils occupaient. L'image a triomphé de l'idée et l'illusion de la réalité. Ajoutez à cela des artistes qui se sont toujours présentés sous leur meilleur profil (de l'occupation à aujourd'hui, on sait que la réalité est évidemment moins attrayante) qui n'ont pas une réflexion ou une culture très impressionnante et vous pouvez comprendre le produit soi-disant culturel qui a été présenté aux deux dernières générations d'occidentaux. Et c'est encore beaucoup plus important que l'information biaisée.

C'est quoi un film américain de politique fiction produit par Hollywood depuis des années ? Un complot dans lequel est fatalement mêlée la CIA. C'est quoi un film social français des années 2000 ? Une histoire dans laquelle un bon bourgeois culpabilisé  vient en aide à un sans-papiers menacé d'expulsion. C'est quoi un vidéo-clip de rap en boucle ? Un noir révolté, entouré de femmes soumises et dévêtues, très en colère contre les flics français racistes. Et ça fait 30 ans que ça dure.

Nous ne sommes pas dans le domaine des idées et de la réflexion, nous sommes dans celui des fantasmes construits et de la perception imposée.

Ce qui caractérise, le matraquage permanent post marxiste, c'est que nous sommes plus dans le domaine d'une théorie dogmatique et argumentée mais au contraire dans la non pensée moralisatrice et obligatoire. Une sorte de bouillon clairet et insipide de sous-culture anti-occidentale, qui lave le cerveau, et dont les seules épices pour donner du goût sont les adversaires à détester religieusement : comme, par exemple, le raciste franchouillard hétérosexuel et homophobe. J'ai expliqué dans "ma réflexion sur la question blanche" qu'il s'agit d'une tragique perversion du choc de cette Shoah dont le responsable serait l'Etat-nation occidental.

Mais quel rapport avec la gauche ?

C'est l'extrême gauche après 68 à la fois antiétatique et tiers-mondiste qui a véhiculé cette thématique perverse. Elle ne s’est plus appuyée sur la théorie marxiste qui avait manifestement échoué lamentablement partout, et elle a appliquée, sans doute sans le savoir, les théories gramscistes de la prise du pouvoir non plus par la force ou par les urnes mais en subvertissant les consciences. Sa réussite est exceptionnelle. Je ne parle pas seulement de ce qu'elle a converti largement l'ensemble de la gauche française, je parle de la sidération et de la culpabilisation des esprits par la création d'un surmoi tétanisant. Je parle enfin de la déstructuration de la société française et même de l'individu attaqué non seulement dans son identité culturelle, nationale mais encore aujourd'hui sexuelle par l'élaboration des théories du genre.

Pour lui résister et tenter de renverser ce formidable courant peut être irréversible, il faut procéder par l’imitation de leur procédé d'intimidation. Vous avez fait référence à mon dernier bloc-notes de l'année. Je me réjouissais du fait de ce que cette Vulgate post marxiste ou postmoderne comme vous voudrez, est sur le point d'exaspérer toutes ses victimes. C'est ce qu'on appelle "la droite décomplexée", mais je voulais surtout insister sur la nécessité, pour porter l'estocade, de désormais complexer cet extrême gauche qui n'est plus tout à fait en majesté.

Elle a fait son succès en invoquant superbement sa supériorité morale et intellectuelle.

On sait à présent qu'il ne s'agit que de pure frime. Il faut donc faire en sorte que le ridicule, le grotesque, le sordide changent de camp : dire, tranquillement, en utilisant si possible, la même causticité, que le  totalitarisme c'est le gauchisme - ainsi que son compagnon de route et complice islamiste - et plus crûment et plus prosaïquement encore, qu'aujourd'hui le beauf, le gros con bas du front, se recrute beaucoup plus facilement à gauche qu'à droite. A l'université, j'avais un copain, gentiment fayot, aujourd'hui confrère pénaliste avec un petit nom qui, un jour qu’il était en mal de confidences m'avait avoué qu'il se disait de gauche pour plaire aux filles. Il faut faire en sorte que pour emballer, ce soit mieux d'être de droite.

N'êtes-vous pas finalement aussi systématique que ceux que vous dénoncez ?

J'ai décrit à plusieurs reprises mon expérience personnelle de l'extrême droite intolérante et du catholicisme impérieux. Ne vous y trompez pas, si nous étions dans les années 30, quand le nationalisme chauvin tenait le haut du pavé intellectuel, j'aurais pris, j'en suis sûr, des positions exactement symétriques. Au fond, le fascisme intemporel n'est rien d'autre que la soumission conformiste à la mode qui trotte. Il faut comprendre qu'aujourd'hui le gauchisme n'est plus qu'un astre mort qui éclaire encore d'une lumière glauque les églises médiatiques. Comme dans tout phénomène d'essence religieuse, les petits clercs qui s'y convertissent encore ne le font plus que par habitude ou par un réflexe de crainte révérencieuse. Ainsi, dans un pays comme la France, où les journaux sont faibles et les places sont chères, un journaliste va encore épouser la pente de la facilité conforme par peur de déplaire et de nuire à sa carrière. Le militantisme n'est plus réservé qu’à une minorité d'obtus. L'intelligence et le courage ont largement changé de camp, cela commence à se savoir. Raison de plus pour oser le dire effrontément.

Sur le plan extérieur, on vous a souvent reproché d'être un sioniste, exagérément attaché à Israël. Qu'en est-il ?

Il n'y a aucun doute que je suis résolument attaché à l'existence d'un Etat-nation pour le peuple juif sur sa terre historique. Donc aux réalisations du sionisme. J'aurais beaucoup de mal à faire le départ entre ma sensibilité affective personnelle et le fait que je sois, de manière générale, un défenseur de l'identité et du droit pour chaque peuple de bénéficier de la protection physique et culturelle d'un Etat-nation démocratique. Je le défends résolument pour chaque peuple, français, algérien, tibétain et même arabe de Palestine pour autant que ce dernier ne milite pas comme il le fait depuis un siècle avec une belle constance pour la destruction de l'Etat-nation du peuple juif.

Sur le plan personnel, je me suis construit affectivement sur le terreau de l'antisémitisme chrétien et dans le souvenir, sans jouissance ostentatoire, de ce qu'avait été le sort de ceux qui m'avaient précédé et qui n'avaient pu bénéficier de la protection effective d'un Etat refuge. Je reconnais que les réalisations, y compris militaires, de l'Etat juif ont redonné une fierté, parfois excessive, à un judaïsme diasporique, qui, croyez-moi, faisait moins étalage de sa judéité il y a un demi-siècle. C'est la dette que je paye sans barguigner. J'ajoute enfin que même si, d'évidence, la politique gouvernementale israélienne ne saurait être exempte, par essence, de reproches, la détestation de l'Etat juif me paraît tellement extravagante, obsessionnelle et disproportionnée, qu'elle ne fait que renforcer ma détermination d'avocat de cette cause existentielle.

Où voyez-vous de la disproportion ou de l’acharnement injuste ?

Je me bornerai aux exemples les plus récents : songez que les massacres en Syrie depuis le début de la guerre ont causé près de trois fois plus de victimes que l’histoire du conflit israélo-palestinien ! Ainsi que je l’ai fait remarquer à plusieurs reprises, les belles âmes de gauche indignées, les grands amoureux français des peuples arabes, keffiéh autour du cou, les Mgr Gaillot, Stéphane Hessel, Alain Besancenot et consorts n’ont pas usé une seule fois leurs escarpins sur les pavés parisiens. Vous voudrez bien comparer leur silence et leur passivité avec les manifestations monstres organisées à Paris lorsqu’Israel a été conduit à riposter aux attaques de roquettes du Hamas.

Vous voulez un exemple encore plus frais d’acharnement injuste ? Je lis LeMonde, et notamment sa couverture du conflit proche-oriental, depuis 40 ans. Je jure que jamais ce journal, lorsque il a rendu compte d’un article d’un journal israelien, n’a donné à ses lecteurs autre chose qu’un point de vu anti-gouvernemental. Cette semaine, le grand journal The Jerusalem Post, a publié un article d’un important journaliste arabe-israelien nommé Khaled AbuToahmeh, celui-ci fait le procès en règle de la corruption, de l’atteinte aux liberté, et de la duplicité politique de l’Autorité Palestinienne. La semaine dernière, un des plus importants blogueur égyptien laïc, très critique envers les frères musulmans s’est rendu en Israel dans un geste de concorde.

Le Monde n’a pas parlé et ne parlera pas de ces deux sujets, tous deux traités dans la presse anglo-saxonne. On me demande parfois s'il n'y a pas une contradiction chez moi, le contempteur de l'antiracisme professionnel et  obsessionnel à reprocher aux antisionistes leur antisémitisme. Mais, je récuse la formulation de cette question biaisée : contrairement à ce que les pratiquants de l'anti-israëlisme obsessionnel feignent de penser, il est rare, et pour tout dire exceptionnel, que je leur reproche leur antisémitisme. On peut détester pathologiquement Israël pour bien d'autres raisons : l'ignorance, la stupidité, la méchanceté, la détestation de l’être et de l'Etat-nation occidental par exemple. Ces défauts me viennent naturellement à l'esprit, avant l'antisémitisme qui n'est peut-être pas le pire…

Cependant  une perversion intellectuelle s'est construite qui voudrait que ces gens bénéficient, précisément en raison de leur antisionisme, d'un brevet indiscutable de philo-sémitisme, bien dans la tradition d'insoupsonnabilité du gauchisme immaculé.

Or, on peut être ignorant, méchant ET antisémite. On peut être antisioniste ET antisémite, je pense même que ça doit  aider…

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