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Mercredi, Jérôme Cahuzac a avoué détenir un compte bancaire non déclaré à l'étranger.
Mercredi, Jérôme Cahuzac a avoué détenir un compte bancaire non déclaré à l'étranger.
©Reuters

Chroniques du pot aux roses

Cette semaine, Serge Federbusch revient aussi sur la plongée de François Hollande dans les enquêtes d'opinion.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Une fois n’est pas coutume, la première rose de ce pot sera un témoignage personnel. Et il ne va pas aller dans le sens du déchaînement médiatique qui a cours depuis mercredi après-midi.

J’ai croisé pour la première fois Jérôme Cahuzac il y a 18 ans et j’ai même eu l’occasion de travailler avec lui, à l’occasion de la campagne pour les élections présidentielles de Lionel Jospin, où nous nous occupions des questions économiques.

A l’époque, j’étais un membre encore jeune du parti socialiste, nul n’est parfait. Depuis, j’ai guéri du socialisme et hélas aussi de la jeunesse. Cahuzac était un homme intelligent, déterminé et sympathique et, bien que je nous n’ayons plus aucun contact ces dernières années, ce que j’ai pu entendre de ses récentes déclarations publiques me fait penser qu’il l’est resté. Ce rocardien se plaignait hautement, qu’après avoir quitté les cabinets ministériels, ses successeurs d’obédience mitterandiste allaient jusqu’à lui mettre des bâtons dans les roues lorsqu’il cherchait du travail, y compris comme chirurgien dans le privé.

Quel est donc ce péché qu’il avoue aujourd’hui comme une maladie horrible et honteuse et pour lequel il présente des excuses à la république et se fait cracher dessus par à peu près tout le monde ? Il a eu de mauvaises fréquentations dans les laboratoires pharmaceutiques, a ouvert une clinique à succès, fraudé, caché ses économies en Suisse et à Singapour et a nié le tout pendant des mois au nez et à la barbe de ses collègues. Pour un ministre du Budget, le cas est certes indéfendable. Cela étant, il est douteux que ses chefs aient ignoré la réalité des faits depuis quelque temps déjà. Ou alors Hollande n’a qu’à congédier tous ses responsables du renseignement !

Mais, au fond, de quoi la "lutte intérieure taraudante" de Cahuzac est-elle le nom ? Tout simplement d’un homme qui a travaillé dur, a été pourtant ostracisé, a réussi à s’en sortir malgré tout et voulait échapper à une pression fiscale éreintante et vécue en son for intérieur comme injuste. Cahuzac est un jouisseur individualiste, bien sûr. Oui mais voilà, il était aussi socialiste et il n’avait pas le droit à ce genre de pensées blasphématoires et de plaisirs égoïstes, du moins pas le droit de les avouer publiquement.

Il a voulu continuer à s’amuser en politique et faire partie du cabinet Ayrault. Quand on voit cet Hellzapoppin nommé gouvernement on se dit : pauvre Jérôme, quel gâchis ! Tout ça pour ça ! Telle est la véritable erreur de Cahuzac, sans laquelle il coulerait en ce moment des jours heureux loin des fouille-caca de Médiapart.

Au fond, Cahuzac est un entrepreneur un peu honteux, un libéral qui n’a jamais pu se l’avouer ou tout au moins le dire en public. C’est une question de "coming out" jamais assumé.

La fraude fiscale est là mais, s’il n’était élu et, plus encore, s’il n’était ministre socialiste, elle serait d’une consternante banalité et n’aurait nourri que des cabinets d’avocats et des mémoires en défense. Par-delà le délit, elle pose la question de la légitimité d’une règle fiscale spoliatrice. La gauche, qui aime d’ordinaire absoudre les délinquants, devrait le comprendre, quoi ! Pour les cols blancs et évadés fiscaux, elle fait des exceptions.

Souhaitons que Cahuzac, se concentre sur lui-même, envoie bouler toute la petite clique moralisatrice qui va le frapper maintenant qu’il est à terre, accepte de perdre son argent et crache au loin ses fausses convictions. Courage Jérôme !

Est-il immoral de tirer sur les "ambulances du 51 rue du Faubourg Saint-Honoré" ?

A force de chuter dans les sondages, Hollande va forer le sol de France et nous fournir bientôt du gaz de schiste : encore un reniement ! Et le tout sans même une autorisation d’exploiter, ce doit être ça le choc de simplification administrative ...

Bon, grève de plaisanterie, comme on dit à la CGT, est-il immoral de tirer sur l’ambulance élyséenne ? Lorsque j’ai inauguré ces chroniques du Pot aux roses, en mai 2012, méfiance et suspicion m’entouraient : à quoi bon critiquer ce quinquennat qui commence à peine, rire d’un président à l’onction républicaine aussi fraîche d’un coup de peinture sur un mur sale, préjuger du résultat, etc. ? J’étais un mauvais citoyen.

Aujourd’hui, alors que le grand timonier de pédalo se noie tristement dans des abysses d’impopularité, qu’il est désemparé, repousse à 2015, après avoir évoqué 2013 puis 2014, d’improbables lendemains qui chantent, ce pot hebdomadaire est perdu au milieu d’une véritable roseraie de critiques. Il faut faire des efforts pour trouver sur le Nouvel Obs des articles fatigués de Joffrin expliquant que Super-Normal est méprisé parce qu’il est un social-démocrate sincère.

Les partisans de Mou-Président seront bientôt moins nombreux, à gauche, que ceux qui expliquent que Hollande échoue parce qu’il n’est pas suffisamment méchant avec les riches et n’écoute pas assez Mélenchon. Ça c’est vexant !

Ne reste plus à ce dernier carré d’irréductibles, pour la plupart des employés du système socialo-étatiste au pouvoir, qu’à dénoncer avec rage le procès en illégitimité fait à leur champion. Si l’on en croit par exemple Frédérique Espagnac, sénatrice PS, on a affaire à une amorce de sédition, une ébauche de complot, presque un projet de coup d’Etat.

Dans l’ombre, une conspiration de forces obscures oeuvrerait pour abattre ce chef charismatique. Qui sont-ils ? Des homophobes, des fachos, des anti-tout, des taupes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, des sous-marins de Corée du Nord financés par Depardieu. Ils ont en commun de vouloir que la France échoue pour qu’Hollande échoue. Brrr ...

Cette rhétorique d’un pouvoir aux abois après 10 mois alors qu’il détient tous les leviers de décision, ce dogme qui postule que ses difficultés n’existent que parce qu’il essuie des critiques, sont, en réalité, irrespectueux du droit de contester. Dénoncer Hollande, sa politique et même souhaiter que son mandat soit abrégé n’est en rien illégitime ou anti-démocratique. Réclamer la démission d’un président élu par l’esbroufe et la dissimulation n’est pas choquant et la gauche a naguère passé son temps, si l’on s’en tient à la seule cinquième république, à réclamer le départ anticipé des présidents de droite. La différence est que, désormais, chacun sent bien que Sa Normalité aura les plus grandes difficultés à passer 2014. Les critiques n’en sont que plus vivement ressenties par ses derniers soutiens.

Mais alors, sans amorce de sédition, ébauche de complot ou projet de coup d’Etat, comment s’en débarrasser ?

Quelques scénarii pour le vrai changement maintenant, là, tout de suite !

Egrenons quelques solutions le sourire aux lèvres, pour oublier la moite pesanteur de l’actualité. Sérillon ne tenant manifestement pas la route et Hollande ne disposant d’aucun conseil stratégique, c’est gracieusement que nous lui fournirons nos services. Mais attention : nos propositions sont radicales !

*  D’abord, un hara-kiri sous forme de dissolution ratée, forcément ratée. Il ne serait pas inutile pour Super-Normal de remplacer rapidement Ayrault et de former un gouvernement d’ouverture avec Villepin à sa tête, lequel sera chargé de mener la bataille électorale. Après sa défaite aux législatives anticipées, ragaillardi par trois ans de cohabitation, Hollande serait triomphalement réélu en 2017.

*  Autre piste : le grand retour de Lionel Jospin à Matignon avec décentralisation des conseils des ministres à l’Île de Ré. Dans la foulée, une révision constitutionnelle ferait de la France une république fédérale dont le gouvernement central ne compterait plus. Hollande trouverait la paix dans l’oubli, tel Benoît XVI. Dans ce cas, l’achèvement de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est urgent pour de bêtes raisons logistiques.

*  Envisageons aussi une crise avec Merkel et un referendum où Hollande demanderait aux Français d’approuver notre retrait de l’Union européenne, conformément à l’article 50 du traité de Lisbonne. Dans la pagaille généralisée et le séisme politique que cela provoquerait, Doudou rusé pourrait peut-être tirer son épingle du jeu, qui sait ?

*  Plus vicieuse encore serait l’organisation d’un tintamarre d’appareils électro-ménagers made in France, monté en sous-main par Montebourg pour dégoûter les Français de l’opposition qui perturberait leur quiétude.

*  Une Twittaxe d’un euro sur chaque connexion Internet, mail ou chaque SMS et message envoyé pourrait paralyser les index des opposants et folliculaires tentés de clavioter avec les loups. Les recettes fiscales seraient énormes et nous nous désintoxiquerions de ces saletés d’ustensiles numériques qui font baisser nos vues.

*  Bon, il y pour finir la possibilité pour Lui-Président de démissionner d’ici six mois et de faire le « coming out » libéral que Cahuzac n’a pas osé. De dire aux Français : « oui, je mens depuis des décennies, vous ne vous en sortirez pas sans efforts et réformes profondes et maintenant débrouillez-vous sans moi. » La fin de la « lutte intérieure taraudante présidentielle », c’est maintenant ?

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