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Cote d'Ivoire : 
la guerre civile sur Twitter
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Revue de blogs

Le temps passé à débattre de l'impact de twitter ou facebook sur les révolutions du monde arabe est le temps que l'on ne passe pas à observer un phénomène lui aussi inédit sur Twitter, si on le supporte : une guerre civile en direct, en Cote d'Ivoire.

Sur Twitter, le mot clé #civ2010, créé avant l'élection présidentielle ivoirienne de novembre 2010, était à ses débuts un forum assez "citoyen" et courtois de débats pré-électoraux sous forme de messages en 140 signes. Il a suivi au fil des mois toutes les étapes de la  décomposition : des harangues exaltées aux menaces de morts, aux dénonciations "ethniques" et aux liens vers des vidéos  de massacres, en 140 signes.

Enjeu de pouvoir, champ de bataille virtuel des  états-majors et des Ivoiriens de la diaspora à l'étranger, le fil a peu à peu vu débarquer les ministres et les porte-paroles des deux camps. Voici le compte d'un conseiller du président Gbagbo. Et un compte "officiel" de Alassane Ouattara. Le fil est riche en rumeurs, inverifiable aujourd'hui  , en prophéties de grands mystiques, très nombreux sur ce canal, en "patriotes", pro-gbabgo, ou pro-ouattara  se battant à coup de vidéos amateurs de corps calcinés et de lapidations. Certains sont convaincus que la "Prophétie de Malachie" se réalisera à Abidjan. Mais dans le chaos actuel, Twitter reste avec les lignes fixes le dernier lien direct ouvert 24h sur 24 avec les habitants sur place, disponible 24h/24.

Voici quelques exemples de tweets choisis envoyés depuis samedi (Les noms ont été omis par mesure de sécurité pour les personnes citées)

"Nous allons dormir bercés par le bruit des hélicos" .

"Tu te réveilleras en enfer en tant que dégât collatéral de #ADO (Ouattara)!"
""Si tu habites près des zones de tir et que tu n'as pas prié en ces moments, tu peux être convaincu que tu es un vrai athée"

"La prophétie du Pasteur Koné s'est réalisé: "les prodiges venus dans haut" étaient des hélicoptères contre Gbagbo !!"

"Besoin d'une voiture pour se rendre a la pharmacie 8em trche Angré avec une fille blessée par balle"

"URGENT ! Nombreux blessés & tués ds les quartiers autour Agban & Akouedo. Impossibilité aller vers centres hospitaliers"

"TOUSSAINT : FERME TA GRANDE GUEULE OU VIENS DÉBATTRE EN FACE DE MOI SI TU AS DES COUILLES!".

"SOS pour une dame sur le point d'accoucher à Aghien 2plateaux, besoin d un moyen de transport pr l évacuer":

Ayez Foi ! les nouvelles que je viens d'obtenir sont bonnes, #abidjan est devenu un nid de guêpes et l'ennemi reçoit des piqûres"

"Ma famille en #civ2010:"On est tous par terre dans le couloir. Çà bombarde fort,les murs tremblent. C'est de la folie."

"y a pas d eau a Treichville on se ravitaille a une bouche d incendie"

La cyber-guerre règne sur Twitter aussi. L'une des tactiques adoptées pour faire supprimer le compte Twitter (ou la page Facebook) d'un ennemi est de cliquer un grand nombre de fois sur le lien "signaler cet utilisateur" pour alerter le logiciel anti-spam de la plateforme, qui bloque automatiquement le compte

Rien n'oblige à regarder ça, on peut s'informer ailleurs. Mais non, on ne pouvait pas, on ne peut pas. Pour tous ceux qui ont des proches à Abidjan, qui sont à Abidjan, pour les médias du monde entier, le fil #civ2010 reste l'unique source d'informations disponible 24/24 ou dans un torrent de haine, on peut espérer pécher quelques vraies infos, des témoignages, des nouvelles d'un quartier.Les médias étrangers suivent ce fil, pour la bonne raison qu'ils  ne sont pas en Cote d'Ivoire.

Monopolisés par le Moyen Orient, ou évacués, parce que trop dangereux, ou absents, parce que la Cote d'Ivoire a été abandonnée à elle-même. Abidjan, contrairement aux Bagdad ou Kaboul des pires heures, n'a pas de "green zone" neutre où les journalistes peuvent se replier, et les Français ne sont pas les bienvenus, depuis longtemps.

Sur place, les journaux ivoiriens ne sont que les haut-parleurs de leurs camps. Les blogueurs se sont tus, tous menacés. Les humanitaires aussi, de crainte de mettre en danger ceux qu'ils aident. Quant à la chaine d'état RTI, au service du  "chrétien" Gbabgo, Certains disent sur Twitter avoir vu défiler lors d'un bulletin d'information un bandeau annonçant : "Dans quelques instants, réaction du Dieu de la Bible" et il n'est pas extravagant de les croire.

Ne reste que le téléphone et Twitter par téléphone mobile, ou les civils ont organisé des chaines de solidarité entre quartiers, sous  un nouveau mot-clé : #civsocial

"Joël, qui a été blessé de deux balles, a eu un véhicule et a pu être évacué vers l'hosto.Merci à vous tous" #civsocial.

Ne tirez pas sur Twitter ou Facebook.  Ils font ce que personne n'a le courage de faire en Côte d'Ivoire : être là.

Avant l'intervention militaire de l'ONU-Ci et des militaires français, le camp Gbagbo mettaient en place des mesures pour interdire les sites et comptes virtuels  "d'opposition". Au Cameroun, où des élections se dérouleront cet automne, le service permettant de Tweeter par SMS est  déjà censuré. Au Burundi,  lors de récentes élections, les  citoyens ont été bombardés de SMS les incitant a voter pour le président sortant Musuveni, avec la promesse de pouvoir gagner quelques dollars dans une loterie électorale d'un nouveau genre s'ils transmettaient le message à sept personnes.

Et là encore, seules des personnes sur Twitter ou Facebook ont osé protester. Se mobiliser contre la censure non plus de la presse, mais des réseaux sociaux, est une urgence, et c'est par une mobilisation des grands groupes de la téléphonie qu'il faut le faire pour l'Afrique.

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