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Acquisition de Time Warner par ATT : chronique d’un échec annoncé ?
©STAN HONDA SAUL LOEB / AFP

Atlantico Bourse

La raison essentielle de l’échec de toutes les expériences dans ce domaine est simple : la culture des entreprises est trop différente : Technique pure et créativité constituent des attelages très difficile à manager. Certains financiers et les banques d’affaires arrivent encore à vendre l’idée mais la réalité opérationnelle rattrape très rapidement les patrons de ces entreprises trop hybrides.

Alain Pitous

Alain Pitous

Alain Pitous, Directeur Général Adjoint Associé de Talence Gestion (@alainpitous).

Talence Gestion est une société de gestion de portefeuille indépendante spécialisée dans la gestion sous mandat pour les particuliers et la gestion de fonds commun de placement en actions.

Précédemment, il a été pendant 5 ans (2009-2014) Deputy CIO d’Amundi (850 Milliards d’Euro sous gestion) et gérant du fonds Amundi Patrimoine de 2012 à juillet 2014.

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En théorie, unir le 2ème fournisseur d’accès Internet aux Etats-Unis avec un des leaders des contenus avec les studios de cinéma (WarnerBros) et les chaines de télévision HBO et CNN, semble avoir du sens. Offrir aux clients le moyen d’accéder aux meilleurs contenus sur tous les supports possibles répond à une idée veille de plus de 15 ans…

Rien que d’évoquer une idée vieille de 15 ans pour justifier une acquisition à 85 Milliards devrait suffire à inquiéter les investisseurs. L’idée d’associer le contenu et les « tuyaux » est effectivement dans l’air du temps depuis que J.M. Messier à la grande époque de Vivendi avait essayé de la mettre en œuvre avec à la clé un échec retentissant.

Beaucoup avaient pensé que JM.Messier avait eu raison trop tôt. Force est de constater que les expériences sur le thème de la convergence se sont toutes soldées par des catastrophes économiques et boursières. En 2000 déjà AOL, fournisseur d’accès internet, s’était marié avec… Time Warner. En 2002 les pertes s’étaient élevées à 100 Milliards de $. Le divorce avait été acté en 2009. Un désastre complet.

La raison essentielle de l’échec de toutes les expériences dans ce domaine est simple : la culture des entreprises est trop différente : Technique pure et créativité constituent des attelages très difficile à manager. Certains financiers et les banques d’affaires arrivent encore à vendre l’idée mais la réalité opérationnelle rattrape très rapidement les patrons de ces entreprises trop hybrides.

L’autre raison qui nous fait douter de la pertinence de cette opération est sa motivation fondamentale : il s’agit clairement d’une fusion « défensive ». ATT est n°2 sur un marché totalement saturé. Pour se différencier et gagner des parts de marché il faut investir lourdement.En panne sur son cœur métier, ATT tente d’aller sur les contenus où sont expérience est faible.

Mais, au-delà de ce point, le sujet le plus sensible selon nous réside dans le fait qu’il ne nous paraît pas évident du tout que la demande des clients soit bien là où ATT  l’imagine.

La génération « Y » (les jeunes d'aujourd'hui pour résumer) n’a plus du tout la même consommation que ses aînés. Engager une fusion de cette ampleur pour adresser un marché qui bouge aussi rapidement qu'aujourd'hui nous paraît très hasardeux.

Beaucoup d’intervenants de l’internet améliorent leur offre en signant des partenariats plutôt que des acquisitions, cela permet de mieux coller à la demande réelle, d’être plus réactif, moins coûteux et beaucoup plus facile à mettre en œuvre.En France, les 2 stratégies sont mises en œuvre : Altice Media possède SFR et a investi dans Libération ou la Radio et la Télévision et a « Comcast » comme modèle. Ce cablo-opérateur américain a acheté NBC Universal, un diffuseur audiovisuel et Dreamworks qui produit des séries et des films. Orange se contente pour le moment de nouer des partenariats avec Canal+ pour améliorer son attractivité. L’histoire dira quelle stratégie s’avère la plus pertinente.

Si l’on raisonne sur le strict plan boursier la fusion ATT-Warner s’annonce également peu attractive : elle se fait sur des niveaux boursiers qui nous paraissent trop élevés… et avec pour ATT un recours important à de la dette... Alors qu’ATT est déjà lourdement endetté. La tentation d’ATT sera au moindre vent contraire, de réduire les coûts... ce qui n’est pas très populaire chez de artistes... ATT va donc être très tributaire de la conjoncture à court-terme pour digérer l’acquisition.

Nous avons déjà vu des opérations strictement financières être très favorables aux actionnaires sur le court-terme, mais très défavorables aux clients et aux salariés sur plus long-terme. Nous sommes convaincus qu’à plus long terme seules les entreprises qui ménagent les intérêts de toutes les parties prenantes créent de la valeur.

Nous resterons donc sagement à l’écart de cette aventure qui devra toutes façons passer sous les fourches caudines des régulateurs avant de devenir réelle. En effet les autorités de la concurrence… et les deux candidats à la présidence américaine semblent réticents à donner leur autorisation ! 

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