Taxe au tonnage : cette « niche fiscale des armateurs » que Jordan Bardella veut abolir<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis 2003, les armateurs français ne sont plus soumis à l’impôt sur les sociétés. À la place, ils doivent s’acquitter d’une taxe forfaitaire calculée selon les marchandises transportées, qu’importe s’ils sont bénéficiaires.
Depuis 2003, les armateurs français ne sont plus soumis à l’impôt sur les sociétés. À la place, ils doivent s’acquitter d’une taxe forfaitaire calculée selon les marchandises transportées, qu’importe s’ils sont bénéficiaires.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Législatives

Depuis 2003, les armateurs français ne sont plus soumis à l’impôt sur les sociétés. À la place, ils doivent s’acquitter d’une taxe forfaitaire calculée selon les marchandises transportées, qu’importe s’ils sont bénéficiaires.

Dans l’optique de financer ses coûteuses mesures économiques en faveur du pouvoir d'achat, le Rassemblement National aimerait s’attaquer à la "niche fiscale" dont profiteraient les armateurs, comme évoqué par Jordan Bardella dans les colonnes du Parisien.

Alors quelle est donc cette main tendue de l’État aux armateurs ? La France perd-elle vraiment des milliards d’euros de recettes comme le prétend Jordan Bardella ?

En 2002, la France se dote de la « taxe au tonnage », un nouveau régime d’imposition taillé sur mesure pour les armateurs. Résultat, « ceux-là ne paient plus d’impôt sur les sociétés, mais un impôt forfaitaire calculé en fonction du tonnage de leurs navires », explique François Ecalle au Figaro. De ce fait, les redevances annuelles augmentent si la flotte et le trafic maritime s'accroissent. En revanche, ces redevances sont entièrement décorrélées des résultats de l'entreprise qui dépendent, eux, des tarifs du fret maritime international.

Ainsi, les armateurs paient cette taxe quoi qu’il arrive, même s’ils sont déficitaires sur l’année. « Les armateurs paient cet impôt même s'ils perdent de l'argent », détaillait ainsi Gabriel Attal. Inversement, un chiffre d’affaires record n’implique pas des recettes en or pour l’État. « En résulte une différence - appelée “dépense fiscale” - entre ce qu'aurait rapporté l'impôt sur les sociétés et les sommes réellement encaissées via cet impôt forfaitaire », poursuit le fondateur de Fipeco. Un écart à l’avantage des armateurs que Jordan Bardella considère comme une « niche fiscale ».

Une pique à peine déguisée à l’égard de l'armateur et nouvellement patron de presse Rodolphe Saadé, proche d’Emmanuel Macron. Son vaisseau amiral CMG-CGM est régulièrement désigné comme principal bénéficiaire de cette taxe au tonnage. En 2022, CMA-CMG signe la plus belle performance du CAC 40, porté par la hausse des prix du fret post-crise sanitaire. L’amateur marseillais engrange alors un bénéfice record de 23,4 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 70,1 milliards d’euros : des rentrées d’argent impressionnantes. Est alors pointée du doigt la dépense fiscale, c’est-à-dire le manque à gagner pour le Trésor français, chiffré à 3,8 milliards d’euros par Bercy pour l’ensemble du secteur du transport maritime. Les projections du ministère de l'économie, détaillées dans un document annexé au projet de loi de finance 2024, l’estiment ensuite à 5,6 puis 1,1 milliard d’euros pour 2023 et 2024.

« Les profits de 2022 étaient exceptionnels pour tout le monde, c'est un alignement de planètes qui n'arrive qu'une fois dans l'Histoire. Les annonces de Jordan Bardella visent clairement CMA-CGM, ce qui est regrettable car cette société n’a pas plus profité du système qu’une autre », déplore le président d’Armateurs de France, Édouard Louis Dreyfus. Avant cette année miraculeuse, le secteur a connu une décennie de vaches maigres pendant laquelle les flottes ont payé l'impôt sans qu’il n’y ait de rentrée d’argent. « Depuis que la mesure a été mise en place, la balance est assez équilibrée. Le manque à gagner pour l’État n’est que de quelques centaines de millions », estime le représentant du secteur. Même sons de cloche de côté du premier ministre Gabriel Attal et du fondateur de Fipeco François Ecalle.

86% de la flotte mondiale étant assujettie à la taxe au tonnage, « sortir de ce système reviendrait à torpiller notre compétitivité internationale », explique le porte-parole du secteur. C’est un « outil indispensable pour que la marine marchande française soit au niveau. Il est impossible d'être soumis à la compétitivité mondiale avec des surcoûts que les autres n'ont pas », estime Édouard Louis Dreyfus. Sans elle, difficile de jouer des coudes avec les tarifs des concurrents étrangers sans sacrifier des investissements cruciaux au moment où « le secteur fait face au mur des investissements verts ». Pour être en conformité avec le cap fixé par l’Organisation maritime internationale en termes de transition écologique - réduire les émissions carbone de 40% d’ici 2030 -, des sommes « colossales » doivent être engagées.

Selon Édouard Louis Dreyfus, les conséquences de la mesure proposée par le Rassemblement National seraient « dramatiques ». « Beaucoup d’entreprises quitteront le pavillon français pour arborer un autre qui appliquera la taxe au tonnage », craint le président de Louis Dreyfus Armateurs. Un scénario confirmé par François Ecalle : « C'est un marché très concurrentiel. S’ils n'avaient pas ce dispositif, ils migreraient leur pavillon vers les Seychelles ou le Panama », estime l’expert qui penche néanmoins pour un réajustement de la taxe au tonnage pour mieux l’adapter aux différents acteurs français. « Avec ces départs, les rentrées d’argent tant convoitées et promises par Jordan Bardella ne rentreront jamais dans les caisses de l’État », conclut l’armateur.

Le Figaro

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