Votre café du matin coûte de plus en plus cher et voilà pourquoi <!-- --> | Atlantico.fr
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Des baristas participent à un concours au Aceh Coffee Festival à Banda Aceh, le 20 octobre 2019.
Des baristas participent à un concours au Aceh Coffee Festival à Banda Aceh, le 20 octobre 2019.
©PRÉSIDENT MAHYUDDIN / AFP

Hausse des prix

Le prix d'une tasse de café ne cesse d'augmenter. Les cours du café n'avaient pas atteint de tels sommets depuis plus de cinq ans. Le café est la deuxième marchandise la plus échangée au monde, après le pétrole. Une vague de gel au Brésil et les coûts de fret provoqués par la Covid-19 devraient contribuer à de nouvelles hausses des prix dans les semaines à venir. Ces hausses de tarifs risquent-elles de modifier les habitudes des consommateurs ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Même en été, rien de tel qu’un bon café le matin. On constate depuis quelque temps que les prix sont à la hausse. Comment s’explique ce phénomène ?

Michel Ruimy : En effet, le cours de l’arabica est en hausse de 60% depuis Janvier et atteint aujourd’hui près de 2 USD. Quant à celui du robusta, il a augmenté de plus de 7% depuis 1 mois. C’est une situation inédite depuis 2014. Il convient toutefois de rappeler que les cours du café étaient particulièrement bas ces dernières années et que la plupart des producteurs ont travaillé à perte.

Plusieurs paramètres expliquent cette augmentation sachant que les consommateurs n’en subissent pas encore les conséquences et que celles-ci devraient rester limitées.

Au plan politique, en Colombie, troisième pays producteur mondial de café, des manifestations anti-gouvernementales depuis le mois d’avril ont engendré une baisse de près de 50% de ses exportations. S’ajoutent des phénomènes météorologiques. Près d’un tiers des récoltes de café du Brésil, premier producteur et exportateur de café au monde, auraient été perdues en raison d’un épisode de sécheresse aiguë en début de cette année, suivi, quelques semaines plus tard, d’une vague de gel qui a touché, en particulier, les plantations du Minas Gerais (sud-est du pays), qui produit 70% de l’arabica brésilien. Ensuite, l’arabica est également soumis à un phénomène naturel qui fait fortement varier l’offre d’une année sur l’autre : le « cycle biennal », qui affecte les plants et leur fait alterner bonne productivité et rendement moindre, comme pour la saison à venir.

En outre, la crise sanitaire a, elle aussi, impacté le marché du café, du côté de la demande. Une grande partie des lieux de consommations hors domicile ayant fermé, la demande était en baisse. Avec l’avancée des campagnes de vaccination et la réouverture progressive des lieux sous contrôle sanitaire où l’arabica est privilégié - contrairement au robusta surtout présent dans les cafés solubles -, cette demande repart à la hausse.

Au total, avec la réduction prévue de la production de nombreux pays exportateurs au cours de la saison 2021-2022, l’offre totale devrait être inférieure à la consommation mondiale et le prix du café s’élever.

Pour certains, le café est un rituel matinal sans lequel ils ne peuvent pas démarrer leur journée. La hausse du prix du café est-elle de nature à agir sur les pratiques ou bien les consommateurs vont-ils rester fidèles à leur boisson ?

En fait, la hausse actuelle des cours du café pour les consommateurs restera beaucoup moins élevée que celle de la matière première, qui n’est qu’une composante du prix parmi d’autres (transport, emballage, marketing ...). Elle s’inscrit, par ailleurs, dans un contexte plus large d’inflation des prix des matières premières, qu’elles soient agricoles ou industrielles, le cuivre ou l’étain ayant, par exemple, battu, eux aussi, ces dernières semaines, des records historiques.

De plus, le marché du café a été bouleversé ces dernières années par l’arrivée de nouveaux acteurs, comme Starbucks, qui ont su réinventer le café en s’appuyant sur des campagnes de marketing percutantes, par de nouvelles propositions de consommation / innovations (café latte, macchiato…), par l’apparition des dosettes et des capsules et enfin, par la croissance du segment « bio ».

Nous assistons, ainsi, de nos jours, à une certaine fidélité des consommateurs de ce produit mais surtout à une montée en gamme générale et au développement de nouvelles manières de consommer. Si les clients ont désormais une expertise sur le « sourcing » (arabica, pur arabica…), il existe, en parallèle, un fort engouement dans les coffee-shops pour de nouvelles façons de boire du café (café-cocktail) qui restent encore une niche mais qui satisfont la clientèle. Le café filtre fait aussi son retour, notamment avec les méthodes de filtration douces, qui accompagnent mieux les brunchs que l’expresso.

A-t-on des explications sur ce qui fait le succès du café ?

Le café est le deuxième bien le plus échangé au monde après le pétrole. Il est aussi, le plus consommé après l’eau avec 2,3 millions de tasses bues chaque… minute.

Le café a réussi à changer son image ces dernières années. Auparavant, sa représentation n’était pas nécessairement positive. Il était associé à la « pause cigarette » et semblait mauvais pour la santé. Aujourd’hui, nous pouvons faire, en quelque sorte, le parallèle avec le vin, où l’on n’achète pas une bouteille de vin mais un « Bordeaux ». Le consommateur achète de moins en moins un paquet de café, mais un « arabica, originaire de Colombie » par exemple.

Si la consommation de café est très répandue partout dans le monde, le potentiel de croissance est particulièrement fort, notamment en Asie, où on lui préfère encore le thé. Mais ce continent voit se développer une offre portée par l’essor d’une classe moyenne. Idem en Amérique latine et dans les pays producteurs, où le café s’impose comme un produit de base, qu’il soit conditionné sous forme soluble, mais aussi sous forme de boisson lactée sucrée prête à consommer. Les capsules restent, quant à elles, l’apanage des économies développées où

Cet essor se traduit dans les chiffres. Par exemple, la France contribue largement au succès planétaire de cet (autre) « or noir ». Malgré sa taille, notre pays se situe au 7ème rang mondial derrière le Brésil, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Indonésie, le Japon et l’Italie et ce, … sans en produire une seule fève ou presque ! Il faut dire que si le secteur est très concentré, le choix pour le consommateur semble illimité. Plus de 90% des foyers en achètent au moins une fois par an en grande surface et 72% déclarent en avoir une consommation quotidienne. Tous les acteurs ont bien compris cette inclination et ont développé dosettes et capsules, compartiment de marché le plus porteur (Vu le prix au kilo, bien plus élevé que le traditionnel café moulu, ce segment tire les chiffres d’affaires aussi).

Notons que cette marchandise, produit au Sud et consommé au Nord, est symptomatique d’une mondialisation qui voit les pays en développement exporter des matières premières et les pays industrialisés du Nord les transformer en produits manufacturés.

Y-a-t-il d’autres produits qui, comme le café, sont consommés par une clientèle fidèle qui s’adaptera aux prix du marché plutôt que de réduire sa consommation ?

De manière générale, les buveurs de café sont significativement plus nombreux à n’avoir aucune préoccupation concernant l’alimentation alors que les consommateurs de thé ont une préoccupation plus marquée pour les produits « bio ». C’est pourquoi, aujourd’hui, le marché des boissons chaudes tente de trouver de nouveaux leviers de croissance du côté de la naturalité, de la « détox », du « bio » et du commerce éthique, quatre segments prometteurs et sur lesquels les consommateurs attendent les grandes marques comme les plus petites.

De leur côté, les industriels cherchent à diversifier les instants de consommation, pour plaire aux 16-20 ans. Ainsi, les boissons gourmandes s’invitent durant toute la journée : parfaites durant la pause snacking, irrésistibles pour le goûter, etc. !

On voit donc que tout concourt pour inciter la clientèle à consommer du café, de créer un réflexe (nouveaux comportements) sans prendre nécessairement attention à son prix.

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