Voilà ce qui se passe dans le cerveau des hommes lorsqu’ils sont en congé paternité (et pourquoi c’est une leçon importante)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le cerveau envoie des signaux particuliers lors de la parentalité.
Le cerveau envoie des signaux particuliers lors de la parentalité.
©Philippe HUGUEN / AFP

Parentalité

Une étude de l'Université de Californie du Sud permet de connaître les bienfaits du congé paternité.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Une étude réalisée par le Professeur Saxbe et ses collègues met en évidence le rôle potentiel du congé de paternité dans la formation du cerveau paternel. Qu’en est-il concrètement ?

Christophe de Jaeger : Les bénéfices psychologiques de la paternité sont multiples. L’étude publiée par le Pr Darby Saxbe, professeur de psychologie à l’University of Southern California et reprise dans la Harvard Business Review montre qu’une bonne relation précoce entre nouveau-né et père est favorable au développement de l’enfant, mais également favorable à la relation entre les parents. Cette étude vient nourrir le débat qui existe sur, non pas l’importance du rôle du père dans l’éducation des enfants, mais sur l’importance de l’investissement paternel dans la prise en charge des nouveau-nés et sur son propre développement cérébral. En d’autres termes, le père peut-il avoir un intérêt à s’occuper de son nouveau-né ? 

Comment le cerveau du père se forme à la parentalité ?

Le cerveau du père, pas plus d’ailleurs que celui de la mère, n’est instinctivement pas prêt à prendre en charge un nouveau-né. Le cerveau du parent va progressivement évoluer au contact de son nouveau-né. C’est le contact étroit « père-nouveau-né » qui va enclencher un processus neuronal d’adaptation. En effet, le cerveau s’adapte à notre environnement et évolue (neuroplasticité). Le cerveau de la mère bénéficie de façon privilégiée de cette grande proximité lors des premières phases de la vie du nouveau-né à travers l’allaitement, qui suit la grossesse et l’accouchement. 

L’idée développée par le professeur Darby Saxbe est que « l’instinct » paternel n’est pas inné, mais peut se développer à travers cette relation très privilégiée (protection du nouveau-né pour sa survie). 

Quels sont les changements neuronaux causés par le lien entre le père et son enfant ?

Le cerveau humain n’est pas inerte, mais s’adapte à l’environnement grâce à un phénomène que l’on appelle la plasticité cérébrale. Celle-ci représente les modifications structurales et fonctionnelles du cerveau en réponse à des stimulations extérieures. Devoir assurer pour le père la survie et le confort de son nouveau-né extrêmement fragile est une responsabilité de vie et de mort qui va impacter le fonctionnement du cerveau paternel et le préparer à endosser son rôle de père dans la suite de l’éducation de son enfant. 

Aucun père n’est né avec une capacité innée de s’occuper de nouveau-né. Il acquiert cette capacité à travers la relation intime qu’il construit dans les premières semaines de la vie. Nos collègues psychologues insistent sur la notion « d’engagement par l’expérience » que vit le père. En d’autres termes, pour le père, vivre cette expérience clef avec son nouveau-né, l’engage pour sur le long terme. 

Plus le père passe de temps SEUL avec son nouveau-né, plus les changements cérébraux fonctionnels sont importants et plus le lien d’engagement est fort et durable.

L’équipe de recherche a également travaillé sur la comparaison de scanners cérébraux de pères avec un premier bébé provenant d’Espagne et de Californie. Il faut savoir que seuls les pères espagnols bénéficient de congé parental. Or seuls les scanners des pères espagnols montraient des modifications dans les aires cérébrales en rapport avec l’attention préparant le cerveau paternel à développer ses capacités cognitives et émotionnelles en rapport avec la gestion parentale et le développement de l’instinct paternel. 

Dans quelle mesure le temps passé auprès de l’enfant est-il important pour le père ? Au contraire, quelles sont les conditions pour que le père ne s’épuise pas nerveusement ?

On voit donc à travers cette étude que le cerveau du père va évoluer et s’adapter à son nouveau-né grâce à une importante proximité. Cette évolution du cerveau va le préparer à la fonction de père pour les années à venir. Ce qui ne signifie pas que les enfants de père peu présent pour le nouveau-né ne soit pas de bons pères plus tard. Pour bénéficier de cette plasticité cérébrale paternelle, il faut passer un maximum de temps avec son nouveau-né. Ce temps passé va permettre une meilleure et plus rapide adaptation des réactions paternelle aux demandes du nouveau-né. 

Ce temps passé auprès de votre nouveau-né va également être un paramètre de succès plus tardif de votre prise en charge de parent. En revanche, il ne s’agit pas de passer quelques heures pendant quelques jours ce qui peut paraître amusant et divertissant. En réalité, il faut rester avec son enfant avec motivation et détermination. Et certains jours, cela sera compliqué : manque de sommeil, supporter les pleurs de bébé, la monotonie de la surveillance, etc… Une fois passé plusieurs semaines avec votre nouveau-né, vous le regarderez différemment… avec un œil paternel bienveillant et heureux d’avoir vécu cette expérience, bien qu’elle puisse avoir été épuisante.

Ceci est tellement vrai, qu’en Californie, des groupes de pères, allant contre les habitudes locales, se sont formés pour défendre leurs droits à accueillir et s’occuper de leurs nouveau-nés.

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