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Eric Zemmour pose avant de participer à l'émission politique "La France dans les yeux", sur la chaîne BFMTV, le 9 février 2022.
Eric Zemmour pose avant de participer à l'émission politique "La France dans les yeux", sur la chaîne BFMTV, le 9 février 2022.
©BERTRAND GUAY / AFP

Marguerite Yourcenar reviens, elles sont devenues folles !

Ses journalistes ont formé un tribunal inquisitorial contre Eric Zemmour.

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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L’hebdomadaire ELLE a osé, surmontant son dégoût pour l’ennemi mortel de la gent féminine, s’entretenir avec le candidat Éric Zemmour

Nous saluons l’entreprise courageuse et louons la bienveillante impartialité qui n’a pas manqué d’accompagner cet entretien de toutes les audaces qui sut braver tous les dangers.

Dès l’édito de Marion Ruggieri, tout fut d’emblée très clair. « (…) il nous semble important de rappeler qu’Éric Zemmour n’est pas un candidat comme les autres. »

Et notre grand reporter précise son propos, sans concessions. Dans ledit édito, se succèdent à cet effet, aussi audacieux qu’implacables, trois paragraphes ciselés, judicieusement introduits par les adverbes « d’abord », « ensuite » et « enfin ».

« D’abord parce qu’il n’a jamais été élu. » Fichtre, un amateur, pense-t-on aussitôt.

« Ensuite parce qu’il a été condamné à plusieurs reprises par la justice. »Mince, un criminel multi- récidiviste, frissonne-t-on.

« Enfin, parce que le candidat à la présidentielle a longtemps porté sa misogynie en bandoulière (…) » Aux abris, mes ami.es !

Nous ne pouvons pas, au passage, ne pas relever la savoureuse trouvaille de « la misogynie en bandoulière ». Ça dû drôlement l’encombrer, un pareil bagage, notre candidat !

Mais bon, allez, ELLE y est allé, n’écoutant que son courage : « il nous a paru nécessaire, au nom du débat démocratique (Avec une telle entrée en matière, on se demande s’il n’est pas un peu plombé, là, le débat démocratique.) et parce que le journal ELLE accompagne depuis soixante- quinze ans les femmes dans leurs combats, de nous confronter à un homme dont nous ne partageons pourtant pas les valeurs. » C’est bien ce que je disais, quand faut y aller, faut y aller !

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Et Marion Ruggieri de conclure : « ELLE écoute. ELLE s’engage. », formule lapidaire s’il en est, qui claque comme une paire de baffes.

Bon... On s’est précipité pour lire cet entretien, qui s’annonçait sans aucun parti- pris. Et, c’est aussitôt pour Marguerite Yourcenar que nous avons eu une pensée émue. Qu’aurait-elle bien pu penser du ton adopté par nos féministes contemporaines ? En 1980, alors qu’elle était interviewée par Mathieu Galey sur sa vie et son œuvre, elle qui fut en son temps, une grande source d’inspiration pour la cause féminine avait déjà affirmé : « J’ai de fortes objections au féminisme tel qu’il se présente aujourd’hui. La plupart du temps, il est agressif, et ce n’est pas par l’agression qu’on parvient durablement à quelque chose. »

Ben, mes amis… On se félicite que la suite lui eût été épargnée et par la même occasion, la lecture du dernier ELLE.

Dans cet « entretien » accordé (assené sonnerait plus justement) par ELLE à Éric Zemmour, c’est cette agressivité, à peine larvée qui prévaut. La virulence, force est de le reconnaître, ne réside jamais dans les réponses que le candidat indigne, mais jamais indigné, s’efforce d’apporter à des questions qui n’en sont pas vraiment. C’est dans le seul ton qu’adopte ELLE en menant l’entretien qu’est ramassée toute la violence.

Dès le début, le la est donné : ELLE somme le candidat de se justifier, une fois de plus, sur de sulfureuses citations judicieusement extraites d’ouvrages qu’il écrivit alors qu’il officiait encore en tant que journaliste.

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Jamais, dans l’entretien, le magazine ne se départira de son ton inquisiteur.

Mais, quelle n’a pas été notre surprise, en poussant plus avant notre lecture, de constater qu’Éric Zemmour, notre affreux misogyne, était en fait très proche dans ses idées sur les femmes de celles qu’eut justement jadis Marguerite Yourcenar, leur ennemie bien connue. Nos citations à venir, visant à étayer ce surprenant parallèle sont extraites de l’essai de Matthieu Galey : Les Yeux ouverts (1980), déjà évoqué.

ELLE interroge donc le prétendant à l’Élysée quant à la parité : « Vous avez déclaré être en défaveur de la parité. Si vous étiez président, quelle serait la place des femmes dans votre gouvernement ? » Éric Zemmour répond : « Je trouve la parité humiliante pour les femmes (…) Je crois au mérite, c’est la seule valeur que je connaisse. »

Marguerite Yourcenar, la malheureuse, ne disait pas autre chose : « Je crois que l’important pour la femme est de participer le plus possible à toutes les causes utiles, et d’imposer cette participation par sa compétence. »

ELLE poursuit : « Vous parlez souvent de la charge virile du pouvoir. En quoi est-ce une qualité importante pour un chef d’Etat ? Vous trouvez-vous viril ? Qu’y at-il de féminin en vous ? » Éric Zemmour répond ainsi à cette rafale de questions qui sonne comme une décharge de chevrotines : « La virilité, au sens de vertu, de détermination, de courage, est une qualité essentielle. Ce qu’il y a de féminin en moi ? Beaucoup de choses : la sensibilité littéraire, une certaine fragilité, une émotivité que je ne domine pas toujours, mais que j’essaie de ne pas montrer. »

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Marguerite Yourcenar, en son temps, avait déjà dit : « Il y a des vertus spécifiquement « féminines » (…) ce qui ne signifie pas d’ailleurs qu’elles aient jamais été l’apanage de toutes les femmes : la douceur, la bonté, la finesse, la délicatesse, vertus si importantes qu’un homme qui n’en posséderait pas au moins une petite part serait une brute et pas un homme. Il y a des vertus dites « masculines », ce qui ne signifie pas que tous les hommes les possèdent : le courage, l’endurance, l’énergie physique, la maîtrise de soi, et la femme qui n’en détient pas au moins une partie n’est qu’un chiffon, pour ne pas dire une chiffe. J’aimerais que ces vertus complémentaires servent au bien de tous. »

L’entretien, tout en délicatesse, mené par notre magazine s’achève sur une question parfaitement anodine : « Avez-vous fait une analyse ? » Ultime stratagème pour discréditer le postulant à L’Élysée. Notre candidat y répond par une pirouette : « Non, mais je sais exactement ce qu’un psy me dirait ! Quand on a été aimé par une mère à ce point, il en reste quelque chose. Comme le disait Philippe Roth : l’homme aimé par sa mère est un conquistador. »

C’est à Marguerite Yourcenar, sollicitée malgré elle, que nous laisserons le dernier mot : « (…) Supprimer les différences qui existent entre les sexes, si variables et si fluides que ces différences sociales et psychologiques puissent être, me paraît déplorable comme tout ce qui pousse le genre humain, de notre temps, vers une morne uniformité. »

Isabelle Larmat, professeur de Lettres modernes

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