Vaccination contre le Covid-19 : en fait-on assez sur le "aller vers" les cibles fragiles et prioritaires ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une jeune femme après sa vaccination, le 15 juin à Paris.
Une jeune femme après sa vaccination, le 15 juin à Paris.
©Come SITTLER / POOL / AFP

Priorités oubliées

L'arrivée prochaine du pass sanitaire a incité des millions de Français à prendre rendez-vous pour se faire vacciner. En majorité des jeunes. Or, la campagne de vaccination est loin d'être terminée chez les personnes les plus fragiles.

Jérôme Marty

Jérôme Marty

Président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty, est médecin généraliste et gériatre à Fronton, près de Toulouse.

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Atlantico : L'allocution d'Emmanuel Macron lundi dernier et l'annonce de la mise en place du pass sanitaire a incité les Français à se ruer vers les centres de vaccination, et notamment les jeunes. Or, la vaccination des personnes plus âgées a marqué le pas : 85% des plus de 65 ans sont vaccinés. Aurait-il mieux fallu mettre l'accent sur la vaccination des publics fragiles en priorité ?

Jérôme Marty : Il faut d'abord souligner que parmi ces personnes non vaccinées, il y des gens hospitalisés à qui on ne fait pas nécessairement une injection car on ne pourra pas leur injecter la deuxième dose au même endroit, mais aussi tous les gens dépendants à domicile, etc. Sur les 15% de personnes âgées qui restent, je suis persuadé que l'immense majorité ne peut pas se déplacer, parce qu'ils ont des problèmes sociaux ou des problèmes de dépendance.

Des bus vaccinaux sont prévus, mais ils sont faits pour aller sur les stations balnéaires ou sur les lieux de vacances - ce qui n'est pas idiot car on y trouve une forte concentration de population. Mais ce qu'on aimerait, c'est qu'ensuite des bus vaccinaux aillent dans les zones de précarité, dans les banlieues sensibles, et que des équipes de professionnels soient équipées en vaccins pour aller vacciner à domicile. Or, nous sommes toujours extrêmement peu pourvus en cabinet. Il y a un seul territoire en France où le vaccin Pfizer est disponible en cabinet, dans la Marne, car le Dr Thierry Vermeersch, à Avize, a mené une fronde pour que ce soit possible. Sur le reste du territoire français, on a un flacon de Moderna par semaine... quand on le reçoit.

Les publics prioritaires sont les plus sensibles à la pathologie. Plus vous êtes fragilisé, plus vous êtes en danger. Mais aujourd'hui, face à l'émergence extrêmement rapide du variant Delta, c'est l'ensemble du public qu'il faut vacciner. La croissance des cas va aller très vite. Il faut donc vacciner rapidement. Or, on voit que dans un certain nombre de pays, en réanimation, on voit des gens plus jeunes. Même si la proportion de gens jeunes est faible en termes d'hospitalisation, si le réservoir de personnes non vaccinées est important, ça fait un nombre de malades potentiels important. Il faut comprendre que nous sommes à un taux de reproduction du virus de 2, que nous n'avons jamais connu jusqu'ici. Depuis le début, il a été au maximum de 1,2. Là, on est à 2.

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Est-ce à dire qu'il n'y a plus de public prioritaire ?

Non, il faut vacciner tout le monde, mais on ne peut pas se permettre de laisser tomber ces publics. C'est fou qu'après sept mois de vaccination, nous ayons encore une proportion non négligeable de gens non vaccinés parmi les populations à risque.

Les campagnes de vaccination visent notamment les jeunes, avec la campagne de certaines ARS sur les « effets désirables » de la vaccination : aller en discothèque, faire la fête, etc. Est-ce se tromper de cible ?

Ne serait-ce pas mieux d'avoir une campagne qui explique à tout le monde comment ce vaccin fonctionne ? Les bras m'en tombent : la campagne de vaccination a commencé il y a sept mois et il n'y a pas eu une seule campagne qui explique le fonctionnement du vaccin. On laisse libre cours aux imbéciles qui vont dire que c'est de la thérapie génique, que ça va modifier le patrimoine génétique, que ça va rendre stérile... Alors qu'en cabinet, en cinq minutes, nous faisons un croquis aux patients pour leur expliquer comment ça fonctionne et on fait tomber leurs doutes. Le gouvernement ne peut pas le faire, plutôt que des pubs pour nous dire que si on se vaccine, on pourra aller faire du pédalo ? Quel intérêt ? Les gens qui veulent se faire vacciner, ils se vaccinent. Ceux qui ont des doutes, c'est parce qu'ils n'arrivent pas à comprendre et se retrouvent donc sur des sites alternatifs, pour rester poli, où on leur raconte n'importe quoi.

Il faut des campagnes qui prennent les gens pour des adultes. C'est la base. La base de tout, c'est le consentement éclairé. Pour l'avoir, il faut parler aux gens comme des adultes et leur expliquer le fonctionnement du vaccin. Ce n'est pas fait.

Pourquoi n'est-ce pas fait ?

Parce que le gouvernement est en-dessous de tout. Je vous rappelle que nous sommes face à des gens qui ont mis huit ou neuf mois pour admettre l'aérosolisation du virus. On a commencé à en parler en avril 2020. Ils ont reconnu la chose en janvier 2021 et l'ont mise pour la première fois sur les affiches en mars 2021. Personnellement, j'en viens à me poser des questions, à me demander si tout cela ne les arrange pas pour polariser le débat. C'est ça, ou alors ils sont très mauvais. J'aurais tendance à pencher pour la deuxième solution. Ils sont toujours dans l'impréparation la plus totale. Avant le discours de Macron, ils n'auraient pas pu réunir les corps constitués, la CFDT, la CGT, la CFTC, le Medef, et en discuter avec eux ? Ils n'auraient pas pu réunir les syndicats de médecins, de pharmaciens, etc., et en discuter avec eux ? Ils ne pourraient pas, pour une fois, préparer une annonce ? Et pourquoi le faire maintenant ? Ils ne pouvaient pas le faire début juin ce qui aurait permis d'avoir un mois de plus pour que les gens se vaccinent et puissent profiter de leur été ?

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Au-delà du clivage de l'âge, celui du niveau social joue également. La carte de la vaccination montre que les territoires les plus pauvres sont ceux où l'on est le moins vacciné. Or, là-aussi, on ne voit pas d'initiatives visant à vacciner ces populations. Comment l'expliquer ?

Pourquoi on n'a pas mis en place des campagnes de vaccination avec Médecins du monde, etc. ? Je ne sais pas. On sait pourtant que les endroits les plus pauvres sont des déserts médicaux. Il n'y a pas de structures. Y-a-t-il des centres vaccinaux dans ces zones-là ? Les gens les plus pauvres peuvent-ils se déplacer ? Ce n'est pas sûr. On les oublie. On oublie les populations immigrées, les SDF, etc., qui sont des réservoirs viraux du fait de la promiscuité, de la difficulté pour eux à respecter les gestes barrière, etc. Tout cela, ce n'est pas de la santé publique : c'est de la communication. On alimente ce qui se voit, et ce qu'on ne voit pas est caché sous le tapis : ça va nous éclater à la figure dans un ou deux mois.

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