Vacances au bord de la crise de nerfs : vers un été de chaos dans le transport aérien ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
La situation pourrait être chaotique dans les aéroports cet été.
La situation pourrait être chaotique dans les aéroports cet été.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Panique à l’aéroport

L’afflux massif de voyageurs et le manque de personnel dans les aéroports et au sein des compagnies aériennes pourraient aboutir à des situations chaotiques pour les congés estivaux.

Paul Chiambaretto

Paul Chiambaretto

Paul Chiambaretto, Professeur à Montpellier Business School et directeur de la Chaire Pégase, la première chaire française dédiée à l’économie et au management du transport aérien.

Voir la bio »

Atlantico : Après la période de la pandémie de Covid-19, les voyageurs du monde entier vont être nombreux à utiliser l’avion pour cet été 2022. Pourtant certaines circonstances du secteur aérien pourraient venir gâcher les vacances de nombreux voyageurs… Avec la crainte de mouvements de grève, de manque de personnel, et la hausse des tarifs et l’augmentation de la demande, faut-il s’attendre à une situation chaotique dans les aéroports à l’échelle internationale cet été ?  

Paul Chiambaretto : La situation du transport aérien est en effet exceptionnelle car nous sortons de deux années de crise inédites pour le secteur. Le Covid, c’était -60% de trafic à l’échelle mondiale en 2020, soit le plus gros choc depuis la Seconde guerre mondiale. Au pire de la crise, en France, on a été entre -95 et -99% du trafic. Actuellement, la reprise est très forte. En France, nous sommes entre 85 et 90% de l’activité équivalente en 2019. Certaines compagnies aériennes, notamment low cost, ont même dépassé leur niveau de 2019. Le paradoxe, c’est que toutes les compagnies aériennes et les aéroports n’avaient pas parié sur une reprise aussi rapide. Le consensus dans le secteur aérien était celui d’un retour à la normale pour 2023 voire 2024. D’autant que les vagues de Covid, jusqu’au printemps dernier, poussaient le secteur à être frileux sur les recrutements. Sauf que tout est en train de repartir, plus vite que prévu pour la période estivale, et les compagnies aériennes comme les aéroports ont du mal à remobiliser leur personnel ou recruter des personnes qui ont été mises au chômage partiel ou ont quitté ces secteurs pendant la crise. Ce qui est compliqué, c’est que quand bien même elles seraient réintégrées, il faut plusieurs semaines ou mois pour les mettre aux standards de qualité et de sécurité de ces compagnies. Pouvoir être prêt pour l’été était un processus à anticiper en décembre ou janvier, le temps que ça se fasse. Et cela n’a pas été fait, car on était en plein milieu d’une nouvelle vague de Covid. On a donc un retour à presque 90% d’activité, avec moins de personnel, ce qui risque de créer des goulots d’étranglement.  Des campagnes de recrutement sont en cours depuis plusieurs semaines ou mois, mais ce n’est pas si facile de recruter, en particulier pour les postes demandant des compétences qui sont aussi mobilisables dans d’autres secteurs.

À Lire Aussi

Ce que gagnent les voyageurs à l’augmentation de la concurrence dans le secteur aérien

Le personnel manque-t-il partout ?

Il en manque un peu partout mais pas pour les mêmes raisons. Dans les compagnies aériennes, il va manquer du personnel naviguant car il y a eu beaucoup de plans de départs volontaires, comme à Air France, ou des ruptures de contrats, dans les compagnies à bas coût. Il manque donc du personnel, le remplacer est compliqué et cela prend du temps, ne serait-ce que pour les mettre aux standards de la compagnie. Dans les aéroports, les activités sont très souvent sous traitées : l’enregistrement des bagages, la sécurité, etc. Ces sous-traitants ont des conditions de travail difficiles pour des salaires qui ne sont pas forcément très attractifs. Pendant le Covid, ces personnels ont pu se rendre compte qu'ils avaient peut-être des possibilités dans d’autres secteurs, avec des conditions de travail moins difficiles (pas besoin de se lever à 3H du matin pour accueillir le vol de 5h à l’aéroport par exemple). L’enjeu est donc d’arriver à recruter. Mais cela nécessite probablement de réfléchir aux salaires et aux avantages qui vont avec. C’est ce qui va générer des goulots d’étranglement tout au long de la chaîne. On l’observe en France comme à l’étranger. A Amsterdam, des files d’attentes interminables ont été observées, tout simplement en raison de pénuries de personnel. Pourtant les flux n’étaient pas exceptionnels, ils étaient seulement au niveau de 2019.

Quelles sont les conséquences concrètes pour les usagers ?

Ce sont des files d'attente très longues, des correspondances qui peuvent être ratées, des vols qui peuvent être retardés ou supprimés. Or qui dit vol supprimé dit qu’à demande équivalente l’offre est plus faible, ce qui va potentiellement entraîner une envolée des prix. Cela va se répercuter à tous les niveaux sur les consommateurs. Cela se régulera sans doute après l’été. Sauf que même s’il y a une volonté d’attirer des salariés, il y a tout de même une certaine frilosité qui perdure. 2021 avait été un très bel été mais qui s’est très vite refroidi avec la vague Omicron.

À Lire Aussi

Air miles : pourquoi les compagnies aériennes pourraient survivre grâce à leurs programmes de fidélité et à une reprise rapide du trafic

On observe déjà une hausse des tarifs par rapport à l’année dernière. Elle est notamment poussée par la tendance du revenge travel. Après avoir été privé de voyages pendant des mois, on se « venge » en prenant l’avion, ce qui explique en partie cette hausse des prix.

A quelques semaines du début de la période estivale, l’industrie du secteur aérien a-t-elle des moyens de trouver des solutions de court terme ? Du personnel pourrait-il être embauché ou réaffecté ?  

Les solutions de court terme, et ce que dénoncent les syndicats, c’est de faire faire plus d’heures aux équipages déjà en place. La marge de manœuvre est limitée, car il y a des limites légales pour éviter de mettre les passagers en danger. Surtout, le risque principal, c’est celui d’une fatigue des équipages qui pourrait générer des risques pour certains passagers. C’est que dénoncent les syndicats qui ne veulent pas que la reprise génère des mauvaises habitudes pour les compagnies.

C’est ce qui explique les préavis de grève dont on parle en ce moment ? 

En partie, mais c’est aussi que c’est une bonne période pour le rééquilibrage du pouvoir de négociation. Quand le secteur va mieux, c’est le bon moment pour renégocier son salaire et ses conditions de travail. 

A quel point les grèves vont-elles venir rajouter de la complexité à la situation ? 

Le secteur aérien n’aime pas l’incertitude. C’est une mécanique bien huilée qui fonctionne à flux tendus. Donc tout générateur d’incertitude ou de retard peut avoir des répercussions très compliquées à gérer et très coûteuses pour l’ensemble des opérateurs. 

Comment les voyageurs peuvent-ils s’adapter pour éviter la panique et les longues files d’attente cet été ? Faut-il patienter et décaler ses vacances en août ?

La situation n’est pas exactement la même d’un aéroport à l’autre. On a l’impression que les problèmes sont plus importants sur les gros aéroports, en tout cas ceux des grandes métropoles. Partir d’une ville secondaire de province est peut-être une solution pour avoir un petit peu moins de problèmes que si l’on part de Paris, Bruxelles, ou Londres. Sinon, il faut venir plus tôt à l’aéroport et se ménager du temps en cas de correspondances. Mais dans les faits, ce sont des actions qui demeurent marginales.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !