Université de rentrée du MoDem : quel espace politique reste-t-il à François Bayrou ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'université de rentrée du MoDem s'est ouverte vendredi 28 septembre en Bretagne et s'achève ce dimanche 30 septembre.
L'université de rentrée du MoDem s'est ouverte vendredi 28 septembre en Bretagne et s'achève ce dimanche 30 septembre.
©DAMIEN MEYER / AFP

A la recherche de l'électeur perdu

L'université du MoDem s'achève ce dimanche en Bretagne. Après un score assez faible aux élections de 2012, François Bayrou a entamé une nouvelle traversée du désert. Si l'électorat centriste est toujours présent, François Bayrou parviendra-t-il à s'imposer comme le leader naturel de cette force politique ?

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

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Atlantico : Vendredi, s'ouvrent les universités d'été du Modem en Bretagne, après quelques mois difficiles qui ont suivi la présidentielle pour le parti. En effet, après avoir été le troisième homme en 2007 avec 18 % à la présidentielle, François Bayrou est passé en dessous de la barre des 10 %, bien loin derrière Mélenchon ou Marine Le Pen. Où est donc passé l'électorat du Modem ? A qui peut profiter la déconvenue du Modem et de son leader ?


Thomas Guénolé : Il existe un électorat du centre de la même manière qu'il existe un électorat de gauche ou de droite. Cet électorat se reconnaît dans un certain nombre de valeurs et de propositions. Le gouvernement d'union nationale qu'a défendu François Bayrou est typiquement une mesure qui les a séduit. L'électeur du centre se positionne plutôt pour le fédéralisme européen et il est plutôt modéré sur tous les sujets.

Il y a un point sur lequel les électeurs du centre ne sont pas d'accord entre eux, c'est la question des alliances. En effet, le système politique de la Ve république force à la bipolarisation la ligne de fracture entre la droite et la gauche coupe aussi le centre en deux. On compte quatre courants dans le centre : le centre gauche, proche des idées de Manuel Valls, le centre droit, représenté notamment par Jean-Louis Borloo, l'extrême centre avec Bayrou qui ne veut pas faire d'alliance mais qui prône le gouvernement d'union nationale et enfin le centre vert qui a pour priorité la modération dans le rapport avec l'environnement. Ce centre écologique, que symbolise Daniel Cohn-Bendit ou Nicolas Hulot est en directe opposition avec l'écologie traditionnelle positionnée à l'extrême gauche.

Les 18 % de 2007 se sont répartis de la manière suivante en 2012 : certains continuent à voter pour lui, un noyau dur de 5 % d'électeurs d'extrême centre. Le centre gauche a voté François Hollande dès le premier tour et le centre droit a voté Sarkozy par défaut, le jour où François Bayrou a émis l'hypothèse d'une alliance avec la gauche.

Qui a donc profité de cette dégringolade de François Bayrou ?

Principalement François Hollande mais aussi Nicolas Sarkozy qui a refait le plein de voix de centre droit. En effet, malgré ce que l'on croit sur la stratégie de droitisation, l'ancien président a fait une belle percée grâce aux centristes mais n'a pas réussi à prendre des voix au Front national.

Le président de la république chute dans les sondages et connaît une côte de popularité au plus bas. Il inspire une grande déception, notamment chez les personnes qui l'ont élu. Les déçus du "hollandisme" sont-ils susceptibles d'être récupérés par François Bayrou ?

C'est toujours possible mais je n'y crois pas parce que ce qui pose problème à François Bayrou c'est un mécanisme de prophétie auto-réalisatrice qui consiste à ce que les électeurs se disent « je voterais bien pour lui, mais il n'a aucune chance », ce qui fait qu'on ne vote pas pour lui. Pourtant, il faut noter que Bayrou a la capacité de réunir des personnes d'une grande compétence. En effet, dans la culture des partis centristes, l'habitude est d'aller chercher des notables et de les attirer dans la politique par cooptation. En effet, ils savent que cela créera des candidats corrects et de très bons élus locaux. Ils ont donc conservé cette tradition au Modem mais leur surface de notoriété n'est pas comparable aux grands noms des politiciens des autres partis.

Cette semaine, François Bayrou a tenté un rapprochement vers Jean-Louis Borloo et son nouveau parti, l'UDI. Existe-t-il encore un espace politique pour François Bayrou ?


On peut s'orienter vers une configuration similaire à celle de la présidentielle de 2002 où il y avait eu deux candidats issus de la grande UDF : Bayrou et Madelin. Ils faisaient 6 % chacun. J'imagine mal François Bayrou aujourd'hui entrer à nouveau dans une formation de centre droit après avoir fait pendant dix ans son combat sur l'affirmation de l'extrême centre. La manière dont Bayrou et Borloo se rapproche me semble être une manière de dire que les deux se sont tendus la main. Mais chacun pose un ultimatum. Jean-Louis Borloo affirme qu'il faut être sur une ligne de centre droit alors que François Bayrou demande que les différents centres puissent coexister en toute liberté. Ils rendent donc non-négociable l'objet précis de leur désaccord fondamental.

Les enjeux du rapport de force entre les centres sont multiples. Pour l'extrême centre, c'est de réussir à survivre aux élections européenne de 2014. La formation peut disparaître si elle fait un score piteux à cette occasion. Pour le centre droit, l'objectif est de faire un beau score en 2014, ce qui correspondrait à 10 – 12 %. L'enjeu pour le centre gauche, c'est de ne pas perdre les électeurs modérés de gauche car cela pourrait leur coûter toutes les élections locales. Pour ce qui est des écologistes, l'enjeu est très simple : il n'y a qu'un seul homme politique qui fédère cet électorat, c'est Cohn-Bendit. Quand il est présent aux élections, il fait automatiquement perdre des voix au Modem. La question est de savoir si ce dernier va présenter une liste en 2014.

La grande bataille de recomposition va donc avoir lieu en 2014.

François Bayrou peut-il se relever après l'accumulation d'erreurs qu'il a commis depuis 2007 ?


Il y a les objectifs que le monde extérieur impute à François Bayrou puis il y a ceux qu'il se donne lui-même. Sa cohérence par rapport à ses idées est pour lui plus importante que ses scores électoraux. Et si on regarde les décisions qu'il a prises depuis dix ans, elles sont en parfaite cohérence par rapport à l'affirmation de l'extrême centre. En termes de tactique électoral, cela revient très souvent à se tirer une balle dans le pied. Mais il le fait en partie car il y croit mais aussi par un souci de cohérence. Il a un côté d'intégriste du centre, une sorte d'intégrisme de la modération.

La condition minimale pour qu'un parti existe, c'est la viabilité financière. Mais en termes d'extinction, on y est presque. La seule question est de savoir si le parti va se maintenir au dessus de 5 % aux prochaines élections. S'il n'y parvient pas, ça deviendra vraiment compliqué.

Propos recueillis par Célia Coste

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