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Une jeune fille non vaccinée meurt de la rougeole... et c'est malheureusement moins rare que ça ne devrait l'être
©Reuters

Infection

Une jeune Niçoise de 16 ans est morte d'une rougeole aiguë à l'hôpital de Marseille le 27 juin. Ce décès s’inscrit dans un contexte de méfiance vis-à-vis des vaccins.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Le 27 juin dernier, une jeune adolescente de 16 ans non-vaccinée est décédée d'une rougeole aiguë à Marseille. Selon l'Agence nationale de la Santé de Paca, "Il s'agit d'une forme très rare de rougeole". Si on a tendance à imaginer la rougeole comme une maladie du passé, qu'en est-il en réalité ? La rougeole tue-t-elle toujours en France, et dans le monde ?

Stéphane Gayet : La rougeole aurait pu être une maladie du passé, car cette maladie virale strictement humaine (aucun réservoir animal ni environnemental) et aiguë (maladie immunisante pour laquelle on ne connaît pas de forme chronique) répond parfaitement aux critères que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixés pour que l’on puisse considérer une maladie infectieuse comme pouvant être éradiquée. Et son éradication fait partie des objectifs de l’OMS, depuis plusieurs décennies. Mais il faut reconnaître que c’est un échec.

Cette maladie n’a pas mauvaise réputation. Elle est considérée dans l’esprit commun comme une simple infection bénigne de l’enfant. Le terme de rougeole évoque ces taches rouges disséminées, en somme une atteinte cutanée et fébrile sans gravité et qui guérit spontanément. Au contraire, la perception d’autres maladies infectieuses - dont le nom évoque une gravité - est très différente : la méningite, le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la fièvre typhoïde, le choléra… Tous ces noms font peur, pas le mot rougeole. Pourtant, elle peut être grave et laisser des séquelles, particulièrement cérébrales ; elle peut aussi tuer, comme l’actualité vient de nous le rappeler.

La rougeole touche dans le monde plus de 30 millions d’enfants chaque année et reste la principale cause de décès par maladie de prévention essentiellement vaccinale (875 000 décès par an). En France, nous déplorons depuis 2008 une épidémie de rougeole,qui s’est nettement intensifiée depuis la fin 2010. Cette situation est due à une double insuffisance de couverture vaccinale (nombre de personnes vaccinées), qui concerne les nourrissons et les personnes nées depuis 1980, pour lesquelles une vaccination de rattrapage est recommandée. Nous sommes, notamment en France, trop peu efficaces sur le plan de la vaccination en général et de celle contre la rougeole en particulier.

La rougeole fait partie de la trentaine de maladies à notification ou déclaration obligatoire depuis 2005. Entre janvier 2008 et mai 2012, plus de 22 000 cas de rougeole ont été déclarés en France. L’incidence (nombre de nouveaux cas par an) la plus élevée a été observée chez les enfants de moins de un an, et plus de 50 % des cas ont été déclarés chez de jeunes adultes. Près de 5 000 patients ont été hospitalisés, dont 1 023 atteints de pneumonie et 27 d’encéphalite (atteinte du cerveau) ou d’encéphalomyélite (cerveau et moelle épinière). 10 patients sont décédés. Si ce nombre de décès peut paraître faible eu égard aux 22 000 cas totaux, il faut garder à l’esprit que les encéphalites et encéphalomyélites laissent souvent des séquelles et que les pneumonies graves peuvent également avoir des répercussions sur l’appareil respiratoire. De plus, il existe une possibilité d’encéphalite subaiguë après la guérison de la rougeole. Et il faut encore ajouter à ce tableau la possibilité d’une hépatite due au virus rougeoleux et surtout celle d’une rougeole congénitale – due à une infection rougeoleuse de la femme enceinte - qui peut être vraiment dramatique.

En somme, il convient de retenir que la rougeole n’est pas une maladie toujours bénigne et loin de là.

Si le vaccin contre la rougeole existe, il n'est cependant pas obligatoire. Quels sont les risques de le refuser ?

L’incidence de la rougeole dans le monde a énormément diminué depuis l’introduction des premiers vaccins à la fin des années 1960. En France, la vaccination contre la rougeole a été introduite dans le calendrier vaccinal en 1983.Cependant, à la différence des vaccinations contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite antérieure aiguë, celle contre la rougeole est conseillée, mais n’est pas obligatoire. Elle est en revanche exigée pour être admis dans certaines collectivités de petits enfants. Comme on le sait, la ministre chargée de la santé en France a décidé de rendre obligatoire la vaccination contre la rougeole, ainsi que sept autres vaccinations, portant de trois à onze le nombre de vaccinations obligatoires.

La rougeole n’est pas uniquement une maladie de l’enfance. On constate actuellement une recrudescence des cas de rougeole, avec un décalage de l’âge de la maladie vers les adolescents et les jeunes adultes. La moitié des cas déclarés en 2010 concernait en effet des individus âgés de 15 ans et plus avec un taux d’hospitalisation de 45 % chez les personnes âgées de 20 à 29 ans : c’est certain, les conséquences graves sont plus fréquentes au sein de cette classe d’âge.

En outre, la rougeole fait partie des maladies infectieuses les plus contagieuses. Son virus se transmet très facilement. Un individu infecté par le virus de la rougeole peut contaminer entre 15 et 20 individus (c’est plus que pour la grippe). La transmission du virus se fait essentiellement par voie respiratoire : le sujet qui est malade de la rougeole émet en toussant et même en parlant des micro gouttelettes (microscopiques, donc invisibles), contenant chacune un grand nombre de particules virales. Elles proviennent du nez, de la gorge et des voies respiratoires inférieures (bronches et poumons). La contamination peut s’effectuer aussi par les mains, ainsi que les objets (fixes ou mobiles) et les surfaces ayant été en contact avec des mains contaminées ou ayant reçu un aérosol de micro gouttelettes chargées de virus. Les virus restent actifs en dehors du corps humain pendant environ deux heures.

Or, le vaccin contre la rougeole est un vaccin qui conjugue une très bonne efficacité et une tolérance tout aussi bonne, comme du reste la grande majorité des vaccins actuellement commercialisés. Négliger de se faire vacciner ou le refuser est donc une attitude dangereuse, irrationnelle sur le plan de la gestion des risques, n’en déplaise aux anti vaccins.

Comment prévenir la rougeole si l'on n’est pas vacciné ?

Quand on n’est pas immunisé contre la rougeole (ni vaccin, ni immunisation par la maladie), on est - comme tout individu non immun - très réceptif à la contamination en provenance d’un sujet malade. Comme nous l’avons vu, cette contamination s’effectue donc très facilement. Si l’on sait que l’on vient probablement d’être contaminé par une personne malade, il est encore possible d’éviter la maladie - ou au moins de l’atténuer - en débutant immédiatement une vaccination, sachant que l’incubation de la maladie dure en peu plus d’une semaine, ce qui laisse le temps au processus d’immunisation de débuter. Mais il faut faire très vite, dans les quarante-huit heures, si possible, et au plus tard dans les trois jours. Mais s’il s’agit d’une personne à risque élevé de rougeole compliquée comme un sujet immunodéprimé ou une femme enceinte (forme particulière d’immunodépression), il faut dans ce cas pratiquer une immunoprophylaxie, qui consiste à injecter, non pas le vaccin, mais des immunoglobulines (anticorps). Contrairement à ce qui se fait pour l’hépatite B et le tétanos, on ne peut pas ici associer le vaccin et les immunoglobulines, car le vaccin contre la rougeole est un vaccin répliquant (virus atténué, ou encore - par abus de langage - virus « vivant »). De plus, pour cette même dernière raison, le vaccin contre la rougeole est contrindiqué chez l’immunodéprimé et chez la femme enceinte.

Par ailleurs, les précautions vis-à-vis des maladies contagieuses par voie respiratoire s’appliquent dans tous les cas : ce sont les précautions contre les micro gouttelettes, qui consistent à ne pas s’approcher à moins d’un mètre cinquante des personnes malades, à se laver ou se désinfecter les mains après leur éventuelle contamination et à se désinfecter la gorge avec un antiseptique pour la sphère ORL, après qu’une probable contamination respiratoire se soit produite.

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