Une guerre en Syrie pourrait diviser l'Europe en exacerbant les dissensions existantes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les politiques occidentales réfléchissent à une éventuelle intervention en Syrie
Les politiques occidentales réfléchissent à une éventuelle intervention en Syrie
©Reuters

Fracture

Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, les échéances électorales se rapprochent ce qui pousse les dirigeants européens à adopter des stratégies politiques différentes face aux opinions publiques... au risque de diviser l'Europe.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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L’instrumentalisation du drame syrien pourrait devenir le détonateur (externe) d’une implosion de l’Union européenne. Cyniquement, ce résultat serait même un objectif délibéré de certains milieux qui cherchent à récupérer, à tout prix, les éléments de souveraineté nationale (notamment la souveraineté monétaire pour les Membres de l’UEM) transférés progressivement à l’Union au cours des soixante dernières années. Le chaos engendré par un embrasement du Moyen-Orient serait exploité politiquement par les partis au pouvoir, tentées de récupérer à leur profit les sentiments "nationalistes" attisés par la crise économique. Des partis, soi-disant "pro-européens", justifieraient ainsi la remise en cause de la construction européenne par la "raison d’Etat".

Comment expliquer autrement que la France, au nom de principes moraux aussi indiscutables qu’opportunistes, s’aligne aujourd’hui sur la position des Etats-Unis, sans la moindre tentative d’élaborer préalablement une position "européenne" qui devrait pourtant être un objectif prioritaire. La gesticulation "militaire" française, au sein d’une opération dont l’efficacité repose entièrement sur la puissance américaine, veut-elle d’abord servir à rééquilibrer le poids politique français au sein de l’Union pour concurrencer celui croissant de l’Allemagne ? L’attitude britannique avec son ambition de forcer une renégociation du Traité de l’Union a au moins le mérite d’être cohérente.

La focalisation subite sur l’emploi inacceptable d’armes chimiques, dont l’usage n’est qu’un pas supplémentaire dans les horreurs dont sont victimes les populations civiles de la part de l’ensemble des protagonistes, sert principalement à dédouaner les atermoiements, tout aussi inacceptables, de la communauté internationale au cours des deux dernières années.

La précipitation apparente avec laquelle se prépare une intervention pose d’autant plus question qu’il est clair qu’on cherche à punir le régime voyou en place pour mauvaise conduite, sans trop l’affaiblir et sans se préoccuper d’une solution pérenne ou des conséquences d’un possible élargissement du conflit.

Les échéances électorales se rapprochent tant en France qu’en Angleterre et se présentent mal pour les autorités en place ; aussi une "diversion militaire" peut servir – à condition de réussir – à souder une opinion publique derrière des gouvernements qui peinent à redresser leur économie domestique. C’est là un pari très risqué et totalement irresponsable.

Par contre, toute extension du conflit aurait inévitablement comme conséquence de faire apparaître au grand jour les dissensions entre pays Membres de l’Union et notamment au sein du couple franco-allemand. Ceci ne peut que conduire au blocage total de l’appareil communautaire. La poursuite assidue de chantiers cruciaux tels que l’Union bancaire ou encore la mise en œuvre des récentes dispositions législatives renforçant la discipline budgétaire ou les mécanismes de solidarité financière qui en dépendent, s’en trouveraient contrariés.

Les marchés financiers ont déjà commencé à réagir négativement aux implications d’une extension du conflit et ses conséquences sur l’approvisionnement en matières premières (notamment le pétrole). Dans ce contexte, la BCE se révélera totalement impuissante à enrayer de nouvelles attaques spéculatives affectant les dettes souveraines et, in fine, à sauver la monnaie unique.

Avant de se lancer tête baissée dans une opération limitée et punitive, il est indispensable que l’Union européenne s’accorde et s’exprime d’une seule voix sur ce dossier plus que délicat, tant sont complexes les tenants et aboutissants qui le minent. Si l’Europe se révèle incapable de relever ce défi, alors la valeur ajoutée de l’Union sera sérieusement remise en cause ; tout espoir d’une sortie de la crise économique et financière basée sur une solidarité entre Etats Membres sera alors irrémédiablement compromis.

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