Une étude sur 99 millions de personnes vaccinées contre le Covid dans le monde fait la lumière sur la réalité des effets secondaires <!-- --> | Atlantico.fr
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Toute la difficulté de la vaccinovigilance vient du fait qu’il faut arriver à distinguer les événements indésirables dus à l’injection du vaccin de ceux qui sont le fruit d’un malheureux hasard.
Toute la difficulté de la vaccinovigilance vient du fait qu’il faut arriver à distinguer les événements indésirables dus à l’injection du vaccin de ceux qui sont le fruit d’un malheureux hasard.
©MARTIN BUREAU / AFP

Vigilance

Cette étude sur les effets indésirables des vaccins porte sur 99 millions de personnes vaccinées à travers le monde chez qui 13 effets indésirables ont été scrutés à la loupe.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Une étude réalisée sur 99 millions de personnes vaccinées contre le Covid dans le monde permet d’en apprendre plus sur la réalité des effets secondaires. Quels sont les effets secondaires de la vaccination COVID-19, selon les principaux enseignements de cette étude ? Les taux d’effets secondaires sont-ils très élevés ? 

Antoine Flahault : De toutes nos carrières d’épidémiologistes, jamais nous avions connu de vaccins administrés à autant de personnes en un délai si court. Jamais non plus autant d’attention et de vigilance ne s’étaient portées sur des vaccins, tant en matière d’évaluation de leur efficacité que de suivi de leur tolérance. Cette étude sur les effets indésirables des vaccins porte sur 99 millions de personnes vaccinées à travers le monde chez qui 13 effets indésirables ont été scrutés à la loupe ! À nouveau, on est ici dans l’inédit total. Eh bien le résultat ne nous surprendra pas, et c’est heureux que cela intéresse les journalistes d’Atlantico, parce que l’on n’aura aucune révélation sulfureuse, aucun scoop aujourd’hui. On apprend en effet que ces vaccins sont remarquablement bien tolérés. Maintenant, cela ne signifie évidemment pas qu’il n’y a pas eu d’effet indésirables graves attribuables à ces vaccins. Il y en a eu, on s’y attendait, mais ils sont restés extrêmement rares. On estime que plus de 70% de la population mondiale avait reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19 en novembre 2023. Dans l’échantillon des 99 millions de personnes de cette étude multinationale, les fréquences des effets rapportés jusqu’à 42 jours après la vaccination étaient pour la plupart, similaires à la fréquence de ceux observés en dehors de toute vaccination sauf pour quelques effets très rares que je vous propose d’analyser plus précisément.

Quels étaient les principaux effets secondaires étudiés et recensés dans cette étude ?

On a en effet observé 2,5 fois plus de Syndromes de Guillain-Barré et 3 fois plus de thrombophlébites du sinus caverneux (pathologies du cerveau) après la première dose du vaccin d’Astra-Zeneca. De même les encéphalites aiguës disséminées étaient presque 4 fois plus fréquentes après la première dose de vaccin Moderna à ARN messager. Enfin des myocardites sont survenues après chacun des trois vaccins étudiés (Moderna, BioNTech/Pfizer et AstraZeneca).

N’y a-t-il pas un risque bien plus élevé de développer ces effets secondaires (syndrome de Guillain-Barré, myocardite ou encéphalomyélite) suite à une infection par le SRAS-CoV-2 plutôt qu’à cause de la vaccination ?

Toute la difficulté de la vaccinovigilance vient du fait qu’il faut arriver à distinguer les événements indésirables dus à l’injection du vaccin de ceux qui sont le fruit d’un malheureux hasard (la personne pouvant tomber malade par hasard à la même période). Une fois la fréquence de ces pathologies non dues aux vaccins precisée, comme lors de cette étude réalisée sur un très grand nombre de personnes parce que l’on parle ici d’événements rarissimes, on peut alors la comparer à la fréquence observée dans les semaines qui suivent l’injection. Elle ne fut augmentée que pour les trois effets que j’ai cités. 

Ensuite, vous posez une bonne question, car si l’effet observé est plus fréquent après l’infection par Covid qu’après vaccination, comme c’est le cas pour les myocardites et le Syndrome de Guillain-Barré, alors le rapport bénéfices/risques reste favorable au vaccin, y compris pour la personne qui a la malchance de faire l’expérience personnelle de l’effet indésirable dû au vaccin, car il est probable qu’elle ait une susceptibilité personnelle, de nature immunitaire ou génétique, et qu’elle aurait fait aussi myocardite, voire une myocardite plus grave après une infection par Covid, en l’absence de vaccin. Le vaccin peut apparaître alors comme le révélateur d’une fragilité insoupçonnée du patient.

Le risque zéro existe-t-il lors de la vaccination ? Cette étude permet-elle d’identifier les personnes présentant un risque plus élevé ?

Le vaccin du Covid a radicalement transformé la riposte des gouvernements à la pandémie. Nous connaissons certes des vagues récurrentes de Covid dont les nouveaux variants du virus arrivent à contourner l’immunité vaccinale vis-à-vis de la transmission du virus, mais les vaccins conservent tous une très robuste efficacité contre les formes graves qui conduisaient au début de la pandémie à l’hospitalisation et parfois au décès. On n’a plus de saturations des hôpitaux ni des morgues, et donc plus de confinements ni de fermetures d’écoles. Cependant, il faut toujours retenir qu’il n’y a pas de produits pharmaceutiques, vaccins ou traitements, efficaces qui n’aient pas leurs contreparties, bien malheureusement. Il faut s’assurer que les risques observés à cause de ces produits, surviennent dans des proportions et avec une fréquence jugées acceptables au regard de leurs bénéfices pour la santé.  Le bénéfice pour le patient doit toujours l’emporter sur le risque. Lorsque ce n’est pas le cas, il arrive alors que l’on retire du marché temporairement ou définitivement le vaccin incriminé, notamment si l’on observe une trop grande proportion d’effets indésirables graves. Comme je le disais, on parle ici d’effets très rares, ceux qu’on n’avait pas pu déceler lors des essais cliniques qui portaient  « seulement » sur quelques dizaines de milliers de participants. La notion de rapport bénéfice/risque d’un médicament ou d’un vaccin peut évoluer avec le temps. Par exemple, lors des campagnes de vaccination qui ont permis d’éradiquer la variole, une maladie redoutable qui a totalement disparu de la planète grâce au vaccin en 1980, eh bien l’on acceptait d’administrer un vaccin qui entraînait une encéphalite mortelle une fois par million d’injections, car le bénéfice individuel était important pour prévenir une maladie très fréquemment mortelle. À partir du moment où la variole a disparu, on a rapidement arrêté de vacciner les enfants car ils ne risquaient plus de contracter la variole. On ne pouvait plus leur faire prendre un risque de mourir des effets indésirables du vaccin, quand bien même il était rarissime, tous les millions d’injections, alors qu’ils n’en avaient plus de bénéfice. Pour le Covid que l’on n’a pas éliminé, cette étude sur 99 millions de personnes permettra de continuer à recommander de vacciner les personnes qui sont à haut risque de complications du Covid, c’est-à-dire les personnes âgées, les femmes enceintes, et les personnes immunodéprimées, parce qu’elles conservent un très grand bénéfice à se voir protégées par le vaccin au regard des très rares risques d’effets indésirables.

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