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Une étude menée dans 17 pays de l’OCDE montre que les politiques d’austérité produisent surtout une chute de l’investissement de long terme
Une étude menée dans 17 pays de l’OCDE montre que les politiques d’austérité produisent surtout une chute de l’investissement de long terme
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Redressement (raté) des finances publiques

Selon une récente étude, les politiques d'austérité ont des conséquences néfastes sur l'investissement de long terme. Des politiques d'austérité vertueuses sont-elles possibles ?

Olivier Jacques

Olivier Jacques

Olivier Jacques est doctorant au Département de science politique de l'Université McGill à Montréal, au Canada.

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Atlantico : Vous expliquez dans un article paru dans le Journal of European Public Policy que les politiques d’austérité donnent lieu à des coupes importantes dans l’investissement public à long terme. Pourquoi ce choix de l’austérité est-il souvent fait et comment se traduit-il concrètement dans l’économie ?

Olivier Jacques : À mon avis, les mesures d’austérité s’expliquent par une inadéquation structurelle entre revenus et dépenses publiques, qui s’accentue lorsque les États font face à des crises économiques. Le vieillissement de la population, la réduction de la croissance économique et l’émergence de nouvelles demandes citoyennes pour des politiques sociales dans des domaines autrefois non couverts par l’action publique (les services de garde d’enfants par exemple) entraînent une hausse des dépenses sociales publiques en proportion de la taille de l’économie. Toutefois, les gouvernements refusent d’augmenter les niveaux de taxation à un niveau suffisamment élevé pour couvrir cette hausse des dépenses sociales. Cet écart structurel entre revenus et dépenses augmente rapidement pendant des crises économiques, ce qui entraîne l’imposition d’épisodes d’austérité budgétaires périodiques. Les gouvernements de gauche et de droite réagissent de la même manière à ce phénomène, bien que la gauche préfère augmenter les dépenses publiques plus que la droite et que la droite préfère une diminution des impôts. L’idéologie des gouvernements n’influence généralement que la sévérité et la durée des mesures d’austérité. 

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Cela dit, dans mon article, je ne fais qu’analyser comment la composition des budgets publics évolue lorsque les gouvernements décident d’implanter des mesures d’austérité, c’est-à-dire lorsqu’ils réduisent leurs dépenses publiques pour diminuer leur déficit budgétaire. Concrètement, on observe que les mesures d’austérité se traduisent par une diminution disproportionnée des investissements publics en infrastructures et en recherche et développement. Ceux-ci ont pourtant des effets particulièrement positifs sur la croissance économique à moyen terme.  

Les secteurs sanctuarisés ne le sont-ils que pour ne pas se mettre à dos l’opinion publique en limitant les coupes dans les items populaires ?

C’est tout à fait juste, mais ce n’est pas nécessairement un problème. Les secteurs sanctuarisés sont les dépenses en santé et en régimes de retraite. J’observe que l’austérité tend à augmenter la proportion relative des dépenses en santé et en régimes de retraite dans les budgets publics, notamment parce que les investissements à long terme diminuent encore davantage. Les retraites et la santé sont des politiques très visibles, qui bénéficient directement à l’ensemble de la population et qui sont appuyées par d’influents groupes d’intérêts. Au contraire, les investissements à long terme sont souvent des biens publics peu visibles et relativement peu populaires.  

Alors que les organisations internationales souhaiteraient que les mesures d’austérité permettent aux gouvernements de limiter leurs dépenses « improductives » dans les régimes de retraite pour ensuite investir en infrastructures et en recherche et développement, les gouvernements font exactement le contraire. Au moins, les gouvernements sont réactifs aux demandes populaires, et ce, même lorsqu’ils implantent des mesures d’austérité! Je suis quand même soulagé de constater que les gouvernements respectent les priorités populaires.   

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En choisissant de faire des coupes en priorité dans l’investissement de long terme, les pays font-ils nécessairement de l’austérité un échec ? Est-il possible d’avoir des politiques d’austérité vertueuses ?

L’équité intergénérationnelle est souvent l’argument principal en faveur de l’austérité : en réduisant le déficit budgétaire, on réduira la dette publique payée par les générations futures. Or, l’austérité réduit les investissements publics bénéfiques à long terme, nuisant de ce fait à l’équité intergénérationnelle. Les générations futures sont mieux servies par un gouvernement maintenant avec des infrastructures et un réseau éducatif de qualité, au prix d’une dette publique plus élevée. 

Certains proposent la thèse de « l’austérité expansionniste » : en diminuant les dépenses publiques on augmente la croissance économique. Je n’y crois pas, simplement parce que les dépenses publiques qui risquent de subir les conséquences de l’austérité sont les investissements les plus productifs. L’expérience européenne de la dernière décennie suggère d’ailleurs que la thèse de l’austérité expansionniste est une chimère.   

La crise sanitaire nous montre-t-elle qu’il vaut mieux parier sur des plans de relance se projetant dans l’avenir que sur une politique d’austérité court-termiste ?

Certainement, un consensus semble se dégager. Même parmi les organisations qui appuyaient autrefois l’austérité, on invite maintenant les gouvernements à proposer des plans de relance ambitieux fondés sur des investissements en infrastructures et en recherche et développement qui favoriseront la transition environnementale.  

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