Un label "fait maison" pour faire le tri dans la restauration : état des lieux des pratiques douteuses<!-- --> | Atlantico.fr
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Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du commerce et du tourisme veut promouvoir un label "fait maison" pour les restaurants cuisinant réellement.
Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du commerce et du tourisme veut promouvoir un label "fait maison" pour les restaurants cuisinant réellement.
©Reuters

Enfumage

La ministre de l'Artisanat, du commerce et du tourisme veut introduire un label "fait maison" pour distinguer les "vrais" restaurants qui font de la vraie cuisine des autres. Une nouvelle tentative d'apporter un peu de transparence dans un secteur aux pratiques souvent opaques.

Emmanuel Rubin

Emmanuel Rubin

Emmanuel Rubin est directeur éditorial des Editions Jalou. Il est animateur de l'émission Goûts de Luxe, journaliste gastronomique au Figaro  et pour BFM TV.

Il est également le co-fondateur du Fooding.

Il est l'auteur de plusieurs livres sur la gastronomie, notamment  Le livre noir de la gastronomie française en collaboration avec Aymeric Mantoux.

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Atlantico : Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du commerce et du tourisme veut promouvoir un label "fait maison" pour les restaurants cuisinant réellement. Sur les 150 000 points de restauration recensés par l'INSEE (qui prends aussi en compte la restauration rapide) combien cuisinent réellement des produits et combien ne font que de "l'assemblage" ?

Emmanuel Rubin : Les chiffres sont difficiles à manier car ce n'est que du déclaratif, et cela repose uniquement que la bonne foi des restaurateurs. Sur les 100 000 points alimentaires qui sont de vrais restaurants (hors snack, sandwicherie etc.), il y en a officiellement 31% qui déclarent cuisiner des produits finis, donc qui font de l'assemblage. Cela peut paraître à la fois énorme, mais peu par rapport à la réalité. Car beaucoup mentent en prétendant travailler des produits frais alors que ce n'est pas le cas. Il y a aussi ceux qui travaillent à la fois des produits frais et des produits finis. Personnellement, je pense que ce chiffre de 31% n'est pas du tout représentatif de la réalité, qui est bien plus élevé.

A l'exception de "l'assemblage", quelles sont les autres pratiques des restaurateurs – peut-être plus méconnues – qui éloignent clairement ce qui se passe dans les cuisines de l'idée que l'on se fait de la "gastronomie française" ?

Déjà dans l'assemblage, il y a de nombreuses normes et mécaniques différentes : les surgelés, les congelés, les stabilisés, le sous-vide... Il y aussi la conserve et le bocal, sachant que dans ces deux derniers cas, tout est loin d'être mauvais car ça correspond à une vraie pratique de cuisine traditionnelle. Mais de nombreux restaurateurs ouvrent des conservent de légumes pour leurs clients. Ce n'est donc pas stricto sensu du sous-vide industriel, mais ça reste de l'arnaque.

L'autre arnaque, c'est bien sûr d'utiliser un produit industriel sous-vide, et de rajouter deux ou trois petites choses que vous avez faites vous même (une crème chantilly, une mayonnaise...) et prétendre que c'est du "fait maison" ce qui est pour l'instant conforme à la loi.

Enfin, on peut parler aussi de la question de la provenance qui est très difficile à prouver. Et quand on voit parfois affichée "provenance : Union européenne", on voit que ça ne veut strictement rien dire.

Outre ce qui se passe dans les cuisines, les restaurateurs sont souvent suspectés de ne pas respecter le droit du travail, de ne pas répercuter la baisse de la TVA... Pourquoi ce secteur semble-t-il fédérer un ensemble de pratiques détestables ?

Tout le monde dans ce métier n'est évidemment pas détestable. Mais pendant longtemps, la restauration était un métier qui ne communiquait pas. La restauration, c'est une activité au carrefour de beaucoup de choses : le contact avec le public, la représentation permanente deux fois par jour, le commerce, les nombreux postes à pourvoir, les questions mobilières et immobilières... Tout cela coûte cher, d'autant qu'un restaurant ne peut pas être géré seul. Pour ces raisons, la restauration depuis longtemps est le royaume du travail au noir, des arrangements car même un restaurant c'est déjà une petite usine, et si il faut payer tout le monde dans les règles, les restaurateurs n'y arrivent pas, et n'y sont même jamais arrivé. Ils se sont toujours arrangés avec cette sorte d'économie parallèle, une mécanique économique qui est propre au secteur, qui est même bien acceptée.

Malgré sa mauvaise réputation, les restaurateurs semblent presque intouchables politiquement. Comment arrivent-ils à conserver cette relative impunité ?

Pendant des années, c'est un métier qui s'est organisé tout seul, c'est même peut-être un des plus anciens lobbys français. Aujourd'hui on commence à s'intéresser à eux, et on voit que c'est un métier où existe de nombreuses associations, clubs etc. On constate aussi que c'est la restauration, c'est un très gros business. C'est évidemment un important pourvoyeur d'emplois, mais il n'y a pas que ça. Les restaurants c'est aussi la vie du centre ville, c'est l'activité de nombreux fournisseurs... il y a un pouvoir économique mais même sociétal, que l'on pas toujours pris à sa juste mesure. C'est ainsi qu'ils ont pu réaliser l'un des plus coup de lobbying sur la TVA, c'est à dire à la fois sa réduction, mais aussi l'absence de surveillance sur la répercussion auprès de la clientèle.

Dernière chose, il ne faut pas oublier que, surtout dans les campagnes et les villes de province, mais même dans les grandes villes, le restaurant, l'auberge du village, a toujours eu une fonction de carrefour social. Et c'est là que les élites se retrouvent aussi. Les restaurateurs connaissent souvent très bien les notables, les politiques, leur maire... ce sont de vrai lieu de rencontre de la notabilité, et les restaurateurs savent très bien en user. On voit même qu'à paris, vers les ministères et l'Assemblée nationale, il y a de véritables "cantines de la République" où les restaurateurs connaissent très bien les cercles et réseaux de pouvoir.

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