Un flic, une balle, pas de poursuites : le symptôme du mal démocratique qui gangrène la France <!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants mobilisés lors d'une marche contre les violences policières organisée par des ONG, des syndicats et des partis, à Paris, le 23 septembre 2023.
Des manifestants mobilisés lors d'une marche contre les violences policières organisée par des ONG, des syndicats et des partis, à Paris, le 23 septembre 2023.
©BERTRAND GUAY / AFP

Justice

En marge de la « marche contre les violences policières et le racisme », samedi, une femme a brandi une pancarte « Un flic, une balle ». Le préfet du Doubs avait saisi le procureur. Mais ce dernier a décidé de ne pas poursuivre cette personne pour « appel au meurtre », seulement pour « participation à une manifestation avec le visage dissimulé ».

François Kersaudy

François Kersaudy

Le professeur François Kersaudy, spécialiste d’histoire diplomatique et militaire contemporaine, a enseigné aux universités d’Oxford et Paris-I. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, notamment sur Churchill, de Gaulle, Roosevelt, Goering, Hitler, Staline, Mountbatten et MacArthur. Il dirige aux éditions Perrin la collection « Maîtres de Guerre ».

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Atlantico : Une étudiante en lettres âgée de 20 ans a été interpellée et placée en garde à vue mardi 26 septembre après avoir brandi une pancarte avec l'inscription « Un flic, une balle » lors d'une manifestation contre les violences policières à Besançon.Le préfet voulait des poursuites pour appel au meurtre et le procureur l'a relâché. Il n'y aura pas de poursuites. Comment expliquez-vous cette décision ? 

François Kersaudy : Une décision intéressante - « dans l’air du temps », pourrait-on dire -, ce qui ne la rend pas moins inquiétante. Le procureur est le représentant de la société et le défenseur de l’ordre public. En tant que tel, il ne peut ignorer qu’« un flic, une balle » est une incitation à tuer des représentants des forces de l’ordre ; elle  figurait déjà sur une palissade à Aubervilliers en novembre 2021 : « Un flic, une balle = justice sociale. » Ce procureur ne peut pas ignorer non plus que dans les années 1970, le mouvement communiste libertaire Action directe avait lancé un slogan très similaire, avant de passer très directement à l’action en assassinant plusieurs policiers – et quelques autres honnêtes citoyens. Dès lors, il serait intéressant de connaître l’idée que se fait ce procureur de la défense de l’ordre public ; il serait encore plus intéressant de connaître l’avis du ministre de la Justice sur cette affaire.

Pas de poursuites... C'est par affinité idéologique avec la gauche ou par peur ?

Les motifs que donne le procureur pour acquitter cette jeune manifestante très radicalisée semblent défier la raison commune : « Pas d’intention d’appeler au meurtre », « Incertitude quant à l’interprétation de la phrase », autant de tentatives transparentes pour justifier une décision manifestement idéologique. Elle est dans la droite ligne de la harangue adressée en 1974 aux élèves de l’Ecole nationale de la magistrature par le juge Oswald Baudot : « Soyez partiaux. Ayez un préjugé favorable pour le voleur contre la police. […] Ne faites pas un cas exagéré de la loi. […] Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. » De fait, ce magistrat du parquet bisontin manifestement militant méprise superbement les lois n°2004-575 du 21 juin 2004 et 2021-1109 du 24 août 2021- art 38 : « Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui […] par des placards ou des affiches exposés au regard du public, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action. […] Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes : 1) Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne […]. » C’est très exactement ce dont il s’agit, mais à quoi bon voter des lois si même la magistrature debout s’assoit dessus ?

Lors de sa garde à vue, l'étudiante a expliqué avoir voulu signifier que les policiers étaient susceptibles de représenter un danger pour la société. Est-ce qu'il n'y a pas là un certain paradoxe ? 

On veut espérer que cette étudiante masquée - qui poursuit aux frais de la société des études lui laissant tout loisir d’appeler au meurtre contre les défenseurs de cette même société – n’est pas étudiante en droit. En tout cas, il est probable que ses justifications assez pauvres lui ont été soufflées par des avocats idéologues et militants, puis reprises sans sourciller par un procureur tout aussi idéologue et militant. En somme, on serait dans un entre-soi confortable pour garantir l’impunité à des auteurs d’appel au meurtre, pourvu qu’ils aillent dans le sens de la lutte des classes et de la destruction de l’actuelle société. Ce n’est pas exactement ce que souhaite le peuple français, mais c’est ce que des militants décidés cherchent avec constance à lui imposer depuis cinquante ans.

Si un Etat se met à céder sur des fondamentaux comme l'incitation à la violence, ça veut dire quoi sur l'Etat de notre société ? Nous allons droit dans le mur ?

C’est justement à ce sujet que le juge Bilger écrivait récemment. « A force de laisser le ver prospérer, le fruit se détruit ». On se souvient de cette déclaration du syndicat général de la police nationale il y a vingt-trois ans déjà : « L’indulgence de la justice provoque un profond malaise. Nous aimerions que la loi soit appliquée, tout simplement. » Vingt ans plus tard, avec des lois de moins en moins appliquées et des truands de plus en plus audacieux, les syndicats de police en sont toujours à demander la création d’un observatoire de la réponse pénale, le retour des peines plancher et la suppression des réductions de peine automatiques pour ceux qui les agressent. Qui se souvient du vieux dicton : « La peur du gendarme est le commencement de la sagesse » ? Aujourd’hui, ce sont les gendarmes qui ont peur, et ils ont de bonnes raisons pour cela : habilement détournée par des magistrats militants, la justice semble décourager les forces de l’ordre et encourager celles du désordre – une exemplarité inversée, grâce à un État de droit retourné contre lui-même. C’est en quelque sorte la maladie auto-immune de la France ; on attend toujours le médecin…

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