Ukraine : mais au fait, quelle est vraiment la position de la Chine face à la Russie ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Le président chinois Xi Jinping est vu sur un clip vidéo lors d'une visite de presse à la Bourse de Pékin, à Pékin, le 17 février 2022.
Le président chinois Xi Jinping est vu sur un clip vidéo lors d'une visite de presse à la Bourse de Pékin, à Pékin, le 17 février 2022.
©JADE GAO / AFP

Empire du Milieu

Alors que le conflit en Ukraine est dans tous les esprits et que les conseils de sécurité s'enchaînent afin de trouver une solution à la crise, la Chine, alliée historique de Moscou, semble pour l'heure observer de loin ce bras de fer inédit

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

Voir la bio »

Atlantico : Alors que la crise entre la Russie et l’Ukraine s’est intensifiée ce week-end, la Chine semble avoir une position ambiguë. Après un rapprochement avec la Russie fin janvier, Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères, a déclaré que « la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de tout pays doivent être respectées ». La position de la Chine est-elle claire ? 

Barthelemy Courmont : La position chinoise est à la fois confortable et inconfortable. Confortable parce que Pékin observe à distance un bras-de-fer qui lui permet de renforcer son soutien à Moscou, celui-ci étant indispensable à la Russie. Dans la relation asymétrique entre les deux grandes puissances, la Chine renforce sa position. J'y reviendrai. Inconfortable parce que parmi les grands principes de la politique étrangère chinoise figurent la non ingérence dans les affaires de politique intérieure, et le respect de l'intégrité territoriale des Etats. Ces principes permettent à Pékin de rejeter toutes les critiques sur les droits de l'homme ou le sort des minorités, et afin d'être cohérente, la Chine doit en pratiquer la réciprocité. Dès lors, difficile de soutenir à la fois la position de Moscou, en se basant sur les risques liés à un élargissement de l'OTAN, et de soutenir l'intégrité territoriale de l'Ukraine contre une éventuelle agression russe. C'est pourquoi Pékin choisit d'inviter les différents acteurs à la prudence et au dialogue, afin d'éviter de sortir du bois.

Pékin a-t-il des intérêts et pourrait-il jouer un rôle dans la résolution de cette crise ? Quelle est sa stratégie ?

La Chine a, pour la première fois à cete échelle, exprimé un point de vue sur la sécurité en Europe, et est ainsi sortie de son traditionnel silence sur ces questions. En appelant à la retenue, Pékin se positionne comme un pacificateur, là où Moscou agite le chiffon rouge et l'Occident s'emballe. La stratégie chinoise, qui doit trouver sa place dans le difficile équilibre évoqué précédemment, consiste à ne pas entrer dans la guerre psychologique que se livrent à distance Moscou et Washington, et ainsi prendre de la hauteur. Rappelons par ailleurs que si la Chine a des relations étroites avec la Russie, relations qui sont rappelées avec insistance comme pour mieux identifier un "axe" entre les deux pays, elle a aussi noué de très étroits contacts économiques avec la grande majorité des pays d'Europe centrale et orientale, dans un 16+1 devenu 17+1 avec l'entrée de la Grèce, puis à nouveau un 16+1 avec le retrait de la Lituanie. Les intérêts de la Chine, avant tout économiques et commerciaux, ne sauraient être compatibles avec une détérioration de la sécurité en Europe orientale. Au cours des dernières semaines, cette voie chinoise a été étouffée par les élucubrations de Joe Biden et les provocations de Vladimir Poutine, mais Pékin se moque de tensions dès lors qu'elles ne mènent pas à une rupture de l'équilibre dans la région. Dès lors, la stratégie est simple: éviter une guerre aux conséquences incertaines dans la région pour ne pas menacer les intérêts économiques.

À Lire Aussi

Ukraine : à quoi ressemblera le jour après une (probable) attaque de la Russie ?

La Chine pourrait-elle sortir renforcée de cette crise ? Comment interpréter cet intérêt nouveau pour la sécurité en Europe ?

Au-delà de ses intérêts économiques et commerciaux, la Chine observe un bras-de-fer aux allures de mauvais remake de guerre froide et, tout particulièrement, l'attitude des Etats-Unis. D'une certaine manière, ce n'est ni Moscou ni Kiev qui intérèssent Pékin, mais Washington, tant l'obsession américaine est grande en Chine (comme l'est l'obsession chinoise aux Etats-Unis). En se montrant très catégorique sur une invasion russe, l'administration Biden a non seulement élevé le risque de conflictualité - ce qui est, à mon sens, une grave erreur - mais a également mis en jeu sa crédibilité en Europe et dans le reste du monde. Au-delà des discours et des postures, c'est cette crédibilité que Pékin guette, comme on observerait un compétiteur qui se prend les pieds dans le tapis, avant de s'élancer à son tour. La priorité pour Pékin est son environnement régional, or celui-ci est l'objet d'une âpre compétition avec les Etats-Unis, qui se présentent désormais avec une stratégie Indo-pacifique comme porte-étendard. Les dirigeants chinois observent ainsi la relation entre Washington et ses alliés, et les alliés des Etats-Unis en Asie l'observent également.

Parallèlement, la Chine tente de se positionner comme un acteur prudent et responsable, là où Russes et Américains seraient imprévisibles et turbulents. Dans sa volonté de se hisser au rang de première puissance mondiale, Pékin marque ainsi potentiellement de précieux points en termes d'image, tandis que l'Occident se dispute, en décalage complet avec les réalités du monde contemporain. Il ne faut pas oublier en effet que contrairement à ce que l'agitation du moment laisse penser, l'Occident n'est pas le monde, et le monde n'est pas l'Occident...

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !